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Marie-Anne Lorgé

Vents contraires

Il y avait des glands dans la cour de récréation de mon école, on les lançait comme des billes entre des pots de compote vides, et puis, à la craie, on traçait une marelle avec son paradis, cette case de fin de parcours qu’il s’agissait d’atteindre à cloche-pied.  


Ce souvenir est tombé dans ma tasse de café matinale, à l’heure des infos et de leur décompte en creux de survivants. A cloche-pied, chacun y va, comme il peut, que les bourrasques effacent ou non la craie…  



Dans ma tasse est en même temps tombée une phrase (dont j’ai oublié l’auteur) qui explique l’évolution de l’humanité non par la compétition (n’en déplaise à Darwin) mais par la coopération.


L’écrivain franco libanais Amin Maalouf dit quelque chose de similaire: la paix, ce n’est pas accepter la loi du plus fort. La paix est surtout importante pour les plus vulnérables…


Impossible dans la foulée de ne pas plaider la poésie. Avec le poète franco-algérien Habib Tengour, l’un des grands auteurs maghrébins de langue française, initiateur en 2018 de la collection «Poèmes du Monde» (éd. APIC), un fidèle du Luxembourg, invité régulier du Printemps des poètes-Luxembourg, et dont le dernier recueil Désertée sort justement/actuellement dans la collection bibliophilique de la galerie Simoncini.


Recueil illustré (dessins) par Rachid Koraïchi, plasticien et poète lui-même, qui a par ailleurs interrogé les textes de René Char à Mahmoud Darwich et qui use d’un lexique visuel inédit, d’une symbolique très personnelle et d’une somme impressionnante de matériaux et de techniques.

  

En clair, la galerie Simoncini (6 rue Notre-Dame) nous invite à un rendez-vous essentiel. En 2 temps. Avec, ce 27 septembre, à18.00h, la présentation du livre d’Habib Tengour associée au vernissage d’Œuvres d’artiste, expo consacrée à Rachid Koraïchi (accessible jusqu’au 9 novembre). Et le dimanche 29 septembre, à 11.00h, une matinée poétique et d’échange avec le poète et l’artiste. Infos tél.: 47.55.15.


Dans mon café est aussi tombée l’image d’un rafiot, et de ses vents contraires, la perdition et la liberté. 


Ce qui me conduit à vous parler d’une mer. Idéalisée. Une mer d’huile aussi bleue que l’azur. Une séduction stimulée par le blanc d’un voilier. Sauf que dans l’oeuvre de Tina Gillen, représentante luxembourgeoise à la Biennale de Venise de 2022, adepte de l’ambivalence, catalyseuse  d’une image qui parle de son temps, il est question de rébellion, du refus provocateur de se rendre, et de détermination, raccord en cela avec une pratique maritime remontant au milieu du XVIe siècle (et qui a perduré jusqu’au XIXe siècle) appelée Clouer les couleurs au mât, et à laquelle emprunte précisément le titre de l’expo Nailing Colours to the Mast, à découvrir la galerie Nosbaum Reding (visuel ci-dessus).

 

Le bleu ambiant – un camaïeu inouï – s’observe dans un rondo, une forme qui évoque le hublot… et le grand large qu’il aspire, ou auquel il aspire. Sinon, c’est au travers d’épais traits blancs faisant allusion au châssis d’une fenêtre – ouverte ou fermée, allez savoir, mais motif cardinal de l’œuvre de Tina – que l’environnement opère son immersion.


Naviguant entre abstraction et figuration, entre architecture et geste tantôt graphique, tantôt spontané, le paysage Gillen est un espace à la fois de contemplation, d’interactions extérieur-intérieur et de repères brouillés, où il est aussi parfois question d’incendies et de montagnes selon les compositions acryliques rameutées des séries Flying Mercury (Konschthal Esch, 2023) et Faraway So Close (Biennale de Venise 2022).


Embarquement jusqu’au 9 novembre, galerie Nosbaum Reding, rue Wiltheim, Luxembourg, www.nosbaumreding.com



Autres coups de cœur à vous confier dans le creux de l’oreille. Au demeurant, Au creux de l’oreille, c’est un spectacle, celui de la compagnie Pic & Colegram, un univers où les paysages d’ici semblent d’ailleurs, et où les comptines d’ailleurs semblent pourtant si familières, où les voix des musiciennes, les sons du violoncelle, de la flûte en sol et du kalimba s’entrelacent pour construire un voyage sensible (idéal pour enfants 3 à 6 ans + adultes), au programme du lancement de saison des Rotondes, ces 27 et 28 septembre – tablez aussi sur un Super Maart, sur le Fashion Swap (bourse d’échange de vêtements), sur la balade sonore Empty Nest à travers Bonnevoie et sur le vernissage de Uncycle, une vidéo générative de Zohra Mrad, et de Witness, l’installation de techniques mixtes de Milo Hatfield (deux installations accessibles librement jusqu’au dimanche 12 janvier).


Tant qu’à faire, notez déjà que le Cercle Cité fait «Portes ouvertes» les 5 et 6 octobre (de 12.00 à 18.00h), une occasion pour le grand public de découvrir l’architecture historique du lieu ainsi que le Bel-Etage avec ses salles et salons, ce, au travers de visites guidées en quatre langues.


Langues, ai-je dit ? C’est que, oui, en amont des JEP, Journées européennes du patrimoine (du 27/09 au 06/10)… ah là, il me faut tricoter une parenthèse à propos de la carte blanche que le LUCA (Luxembourg Center for Architecture) offre au photographe Eric Chenal missionné pour documenter l’édification d’une piste cyclable, liaison aérienne entre Esch-sur-Alzette et Belval.

 

Résultat? Une expo intitulée PC8. Des tirages sur bâches, de l’héliogravure, une sérigraphie abstraite monumentale, des calques où le paysage s’évanouit et une vidéo où l’artiste combine aventure humaine, codes chromatiques, lignes, volumes, gestes, couronnes d’arbres, ciels et déblais du temps passé/passant, l’espace et ce qui l’habite, le vaste et l’infime, l’intime et le collectif, et… une spiritualité. En clair, le travail d’Eric Chenal, c’est un esprit, un bâtisseur de chapelle…visuelle et pas que, un démiurge qui rend visible l’invisible, élève le trivial en mystère (visuel ci-dessus). La publication VëloDukt, une trilogie éditoriale qui allie images et textes sublimes, en est une preuve magistrale. Jusqu’au 4 octobre (au 1 rue de la Tour Jacob), c’est dire qu’il s’agit de ne pas traîner…


Mais donc, en amont des JEP, dis-je, c’est la Journée européenne des langues qui sonne tambours et trompettes à l’Institut Pierre Werner (neimënster) ce 26 septembre, à partir de 18.30h (on se dépêche !!). En mode  conférences, découvrez le fascinant multilinguisme du Luxembourg, plongez ainsi dans le cabinet de curiosités de la langue allemande avec Carsten Pfeiffer et suivez avec Zulmira C. Santos la vie et l’œuvre du poète portugais Luís de Camões (dont on célèbre les 500 ans de la naissance) ainsi que le rôle de la langue portugaise dans le monde du XVe siècle à nos jours). Et ce n’est pas tout, partez en voyage poétique avec Lisa Ducasse, étoile montante de la scène musicale française (sortie de son premier album prévue en janvier 2025), puis risquez-vous à un quiz (sur la langue et la culture luxembourgeoise), tout assorti d’une expo. Entrée libre. Inscription souhaitéeinfo@ipw.lu. Ou tél.: 49.04.43-1.



Et puisque je parle de neimënster, c’est là, en résidence, que le collectif Bombyx a développé Norma Jeane Baker de Troie, spectacle mis en scène par Pauline Collet – avec Pascale Noé Adam dans le rôle-titre. Mais qu’est-ce que Hélène de Troie et Norma Jeane Baker alias Marilyn Monroe, star hollywoodienne naïve couleur blond platine, pourraient bien avoir en commun? Réponse avec l’autrice Anne Carson qui par le biais de l’histoire de ces deux figures féminines célèbres à travers le monde, raconte une histoire qui parle de toutes les femmes. Et réponse théâtrale programmée au Centre culturel opderschmelz à Dudelange les 7et 8 octobre, à 20.00h – pour ensuite être accueillie (fin novembre) au Théâtre du Centaure.


Théâtre encore, et gros coup de cœur pour la pièce de Simon Abkarian, Electre des bas-fonds à l’affiche du Escher Theater les 3 et 4 octobre (visuel ci-dessus, photo © Frederic Ferranti).  


Héritier des grandes productions du Théâtre du Soleil, Simon Abkarian signe un spectacle aussi flamboyant que festif récompensé par trois Molières, qui fait entendre la parole des outragées: Electre vengeresse et guerrière, sa mère dévastée et autoritaire, sa sœur lucide et résiliente, ainsi que nombre de laissées-pour-compte. Des femmes qui – grecques ou pas, antiques ou pas – se font les porte-voix d’un même mouvement de libération. En version rock. A ne rater sous aucun prétexte!  Réserv.: theatre.esch.lu, tél.: 27.54.50.10.


On reste à Esch/Alzette, terre d’ancrage de l’emblématique Kulturfabrik… qui fête ses 40 +1 ans ! Ce, en mode «party time» le 4 octobre, dès 17.00h. Mais cet anniversaire signifie aussi 41 ans de faits réels et d’imaginaires moulinés, à partir d’archives, par la Cie Eddi van Tsui (Daniel Mariangelli, Sandy Flinto et Pierrick Grobéty) en une docufiction intitulée Yes, we squatted !, dont la projection, suivie d’une table ronde, est prévue (au Kinosch) le mardi 8 octobre à 20.00h. Entrée libre – infos: www.kulturfabrik.lu



Sinon, en version steampunk, rendez-vous ces 28 et 29 septembre au Fond-de-Gras, théâtre d’une singulière manifestation inspirée de l’architecture industrielle de la fin du XIXe siècle, hantée  de femmes en robes longues et d’hommes coiffés d’un haut-de-forme. Tout au long du week-end, spectacles d’art de la rue, illusionnisme, duels de thé, musiques, cabinets de curiosités et manège insolite. C’est la 12e édition du genre, voyage spatio-temporel garanti… et gratuit !

Accès au Fond-de-Gras uniquement en navettes de bus depuis Niederkorn, Pétange et Differdange (2 euros par personne, premier départ à 10.h45) ou Train 1900 de Pétange. Infos: www.anno1900.lu


Deux bons plans encore pour convaincre les indécis du week-end... en mode plastique. Avec deux portes ouvertes.

Celles de la Schlaiffmillen, la résidence d’artistes du 10 rue Godchaux, le 28/09 de 14.00 à 21.00h ainsi que le 29/09 de 14.00 à 18.00h, avec concert du Wednesday Jazz Club.


Et celles du Private Art Kirchberg qui, en un dimanche unique, le 29/09 de 11.00 à 18.00h, rend accessible les collections d’art des entreprises situées sur le plateau du Kirchberg, en l’occurrence d’Allen&Overy, de la BEI, de Clearstream, de la Deutsche Bank Luxembourg, de Pictet et d’Arendt.


Justement, chez Arendt House, dont la collection s'est progressivement constituée autour de la photographie contemporaine (avec Paul di Felice au pilotage), une nouvelle expo temporaire réunit 7 artistes – Cihan Çakmak, Omar Victor Diop, Krystyna Dul, Lyle Ashton Harris, Zanele Muholi, Cristina Nuñez et Emma Sarpaniemi – utilisant le médium de l'autoportrait comme moyen de commentaire social, politique et/ou environnemental. L’activisme social est particulièrement évident dans le travail de Cristina Nuñez, qu’elle décrit comme une forme d’autothérapie, transformant ainsi la douleur et d’autres émotions fortes en art (visuel ci-dessus) – pour Cristina, le Self-Portait, c’est véritablement une expérience… qu’elle s’attache à ouvrir à la participation du public. En tout cas, Me, Myself & Us, expo collective, reste visible dans les foyers de l'Arendt House jusqu’en avril 2025 (chaque samedi et dimanche de 09.00 à 18.00h).

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