La météo est rouillée: on a eu l‘été en mars et voilà les bruines d’avril en plein juillet. En tout cas, voir au jour le jour le boulier des heures décroître n’arrange rien à l’affaire.
Ce n’est donc pas un temps de vacances. Ce qui ne nous empêche pas d’être (grosso modo) vacant, ni d’avoir éventuellement piscine dans les jours à venir. Profitons de ce break masqué avant que le monde qui a changé ne se déplace encore quelques vertèbres (pardon à Julien Doré de pasticher son dernier refrain).
Après avoir appris le passé simple et le futur pas encore compliqué, l’école de mon enfance sonnait autrement qu’une cloche de récréation. On disait «grandes vacances» et c’était le Pérou, sans le Machu Picchu. Il y avait les arbres à marauder, les ombelles à faire des sarbacanes, les grains de blé à cuire pour la pêche au gardon, les mares à grenouilles, les glaces à l’eau à sucer même sans pouvoir regarder de bateaux (pardon Michel Jonasz, j’ai dû grandir avant d’apercevoir le bord de mer). Il y avait aussi le droit du coucher différé et celui du lever prolongé.
En fait, il n’y avait pas de valises. Ou rarement. Remarquez, c’est toujours dans les valises que le meilleur se situe, dans les préparatifs – retrouver ses lunettes de soleil, caler la crème indice 50, une lampe de poche pour l’aventure et des tongs pour le sable entre les bouquins qu’on ne lira pas et la «petite laine», «au cas où». Oui, tout est dans la fièvre que le seul mot «départ» fait grimper, avant même d’arriver sur le quai de la gare – oui, j’ai une tendresse pour les trains –, et bien avant de mettre les pieds dans la carte postale que les valises ont fait naître dans nos têtes.
Le train, il est souvent de nuit dans mes souvenirs, avec l’odeur de naphtaline dans les couchettes, le grincement des wagons dans les tunnels, le défilé des paysages en pointillé, comme des mirages à l’allure de lucioles – c’est comme ça que je suis descendue, la première fois, il y a 40 ans, à Avignon (si on ne dit pas «en Avignon» mais «à», il n’en reste pas moins que venant du nord, on y descend). C’était le festival des affiches, des comédiens bavards, du public envahissant. Mais les tréteaux sont vides, les cigales désoeuvrées – pour peu, on entendrait siffler Ennio Morricone. C’est ça aussi 2020.
Nous, c’est en voiture que l’on partait. En vrai, on ne partait pas vraiment, on s’évadait. Une fois la porte de la rue des usines fermée à clé, une fois le chien, le chat et le canari embarqués, on empruntait la nationale 4 – avec deux escales, histoire de tromper la lenteur du trajet – pour rejoindre la maison devenue «de famille», cette vieillie bâtisse brabançonne retapée par mon horloger de grand-père, d’ailleurs aussi massif qu’une Comtoise. C’est là, dans l’herbe, que ma mère étendait son linge. Deux mois durant.
Ma mère y vit toujours. Quand elle entend le clocher de la vallée sonner 7 heures (19h), elle dit juste «c’est l’heure» – c’était celle où mon grand-père rangeait truelle et pinceau, son ouvrage du jour. Et quand elle s’inquiète ne plus accéder à son grenier, que jadis elle briquait comme un sou neuf, elle dit juste «je me demande comment va la poussière?».
Sinon, on bavarde, parfois on laisse les silences planer … quand l’air est à ce point doux qu’il vaut mieux lui laisser le dernier mot. C’est pas un voyage, mais, pour peu, on dirait.
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