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  • Marie-Anne Lorgé

Sur les pavés, les arts

C’est l’été, mais le ciel ne s’en rend pas (encore) compte…


… Ou, disons, pour l’heure, qu’il plante sa tente estivale en Provence. Autour de deux rendez-vous incontournables (en espérant que la crise sanitaire ne gâche pas/plus la fête).


Le premier est théâtral – le festival d’Avignon, l'une des plus importantes manifestations internationales du spectacle vivant contemporain, met les petits plats dans les grands pour sa 75e édition, du 5 au 25 juillet (dixit photo La Cerisaie, 2021 © Sakura) – et le second est visuel, avec les 52e Rencontres photographiques d’Arles, inaugurées dimanche pour rester accessibles jusqu’au 26 septembre 2021.


La scène luxembourgeoise a fait le déplacement dans les deux cas, normal dès lors que je vous en touche deux mots (ci-dessous, tout en bas).

Pour autant, au Luxembourg, trois propositions artistiques vous retiennent d’irrésistible façon au pays.


D’abord, il y a, à la Villa Vauban, une exposition à l’allure de conte moderne. Elle s’intitule Pour Elise, du nom d’Elise Hack (née en 1860), jeune fille de famille modeste originaire d’Echternach, enfant d’une fratrie de onze, un jour engagée comme femme de chambre à Paris, au service d’Henry Harvard, critique d’art influent, dont elle devient progressivement la confidente et la compagne de vie. Elise évolue alors dans le monde de la Belle Epoque parisienne, composant elle-même une petite collection d’une quarantaine d’œuvres, personnellement dédicacées, qu’elle finit par léguer à la Ville de Luxembourg en 1922.


L’expo vaut pour ce récit, sa scénographie (dévolue à Anne Simon) et pour son épaisseur humaine. Bien sûr, je vous en reparle tout bientôt.


Ensuite, il y a Brave New World Order, nom inspiré du roman d'anticipation dystopique d’Aldous Huxley et ainsi affecté à la Triennale Jeune Création Luxembourg et Grande Région, dont la 5e édition, réunissant 38 millennials – ou jeunes artistes nés entre le début des années 1980 et la fin des années 1990 , se déploie en deux lieux, aux Rotondes et au «Casino», jusqu’29 août. Ça donne le tournis. Je vais forcément (largement) m’y attarderbien en amont de la visite guidée programmée le 15 juillet.


Enfin, à Esch-sur-Alzette, il y a le nouveau centre d’art Konschthal Esch, encore en chantier, qui, en préfiguration de son ouverture en octobre, invite des artistes à intervenir uniquement en «vitrines»: en l’occurrence, on est à la 3e édition des «Schaufenster» précisément, c’est la dernière avant l’inauguration automnale et c’est Caecilia Tripp et Armand Quetsch qui s’y collent, dont le travail est associé au programme du Mois européen de la photographie, placé sous le thème Rethinking Nature/ Rethinking Landscape.



Artiste conceptuelle dont les principaux médiums sont l'installation vidéo, les paysages sonores, la photographie et la performance, Caecilia Tripp – née en 1968 en Allemagne, «basée à Paris, à New York et dans l’espace» ( !) – débarque avec Liquid Earth (Terre liquide), une œuvre transversale qui implique le cinéma, la danse contemporaine, la sismologie et la «poétique de la Relation» (avec une majuscule) décrite par le poète et philosophe martiniquais Edouard Glissant, cette pensée qui «relie, relaie et relate», ce processus de créolisation signifiant/désignant «un métissage d’arts ou de langages qui produit de l’inattendu».


En tout cas, en droite ligne de Glissant, pour qui le paysage est un élément actif, Liquid Earth, œuvre réalisée lors d’une résidence à Bourglinster en 2018, «est une exploration de l’invisible et du tangible sur des terrains mouvants» (photo ci-dessus). Concrètement, les images évoquent plaque tectonique, faille géologique (celle de San Andreas en Californie) et masse en fusion, celle-là, incandescente, bouillonnante, qui dit le passé sidérurgique des Terres Rouges en même temps que le présent volcanique. Liquid Earth est ainsi une construction (une migration) à la fois visuelle, sémiologique et temporelle, c’est en tout cas un regard inédit sur le feu qui fait lien et sens entre l’ailleurs et l’ici.


A l’image se greffe naturellement le son, celui de l’éruption du Nyiragongo au Congo, «l’un des plus grands lacs actifs de lave volcanique au monde».


Caecilia Tripp a conçu son œuvre en complicité avec le danseur Georges Maikel Pires Monteiro, originaire d’Esch, qui réalise une performance (ce fut une expérience à vivre lors du vernissage) en tenue de «Feierstëppler».



Sinon, à découvrir librement, dans l’espace public, il y a les monumentaux formats noirs/blancs d’Armand Quetsch – né en 1980 à Luxembourg –, disposés sur trois piliers du viaduc ferroviaire, pile en face du Konschthal Esch. La série By many paths (Par de nombreux chemins, voir photo) – qui inclut un négatif d’arbre aux multiples ramifications installé en façade – nous emmène «à suivre les pas d’une itinérance singulière». Captés en un flux lent et répétitif, à deux pas de son domicile, les fûts d’arbres remarquables en hibernation d’Armand Quetsch «offrent une ode au regard». Aucune posture, ni romantique ou intellectualisante, mais un face-à-face prodigue d’une indéniable part de merveilleux.


En complément, accessible sur demande, une exposition pop-up de Philippe Roguet est proposée dans l’entrepôt. Ce photographe a répondu à une commande photographique du promoteur Iko, qui réalise la reconversion urbaine du site industriel «Rout Lëns». Les photos dévoilent les spectaculaires vestiges industriels préservés sur le site de la «Lentille Rouge».


Infos:

Konschthal Esch (ancien espace Lavandier, 29-33, blvrd Prince Henri, Esch/Alzette): «Schaufenster 3», Caecilia Tripp, Liquid Earth, installation vidéo, et Armand Quetsch, By many paths, photos, jusqu’au 29 août www.konschthal.lu Visa pour Arles.



Pour sa 4e participation aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles, Lët’z Arles, asbl pilote de la programmation luxembourgeoise avec le soutien du Fonds stART-up de l’Oeuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte –, met en lumière Daniel Reuter, avec son projet Providencia, et Lisa Kohl, avec son projet ERRE.


Deux projets qui non seulement tissent des liens avec le Mois européen de la photographie, mais qui au retour d’Arles, feront escale à la Konschthal d’Esch au moment de son ouverture les 1er et 2 octobre, «inscrivant ainsi le medium photographique comme une des disciplines majeures dans la programmation de ce nouvel espace d’art contemporain».


A Arles, les projets de Daniel Reuter né en Allemagne en 1976 mais vivant entre le Luxembourg et l’Islande et Lisa Kohl Dudelangeoise née en 1988 s’exposent dans la chapelle de la Charité jusqu’au 26 septembre.


C’est le quartier Providencia, à Santiago du Chili, qui donne le cadre et le titre à la série photographique de Daniel Reuter. En résonance avec ses recherches sur l’identité et la mémoire, l’artiste prend appui sur l’histoire des habitants qu’il traduit en portraits, avec, dans leurs récits, l’incidence de la topographie, des détails architecturaux, des arbres, des feuillages, des clôtures…

Dans la chapelle de la Charité, les grands formats de Providencia sont présentés dans un cube hexagonal transparent, donc, installation toute… sculpturale.


Dans son projet ERRE, Lisa Kohl conjugue création artistique et réalité sociale; ses oeuvres «parlent de la fuite, d’exil, du non-lieu de vie ou de survie. Avec audace, elle réussit à lier le réel à la poésie».


Photo: Daniel Reuter Providencia, chapelle de la Charité, Arles © Romain Girtgen, CNA


Infos: Chapelle de la Charité, 9 boulevard des Lices, Arles: vernissage le 8 juillet, à 19.00h. www.letzarles.lu

Notez, à la Libraire du Palais, 10 rue du Plan de la Cour, présentation-signature de l’ouvrage Providencia le 7/07, à 17.00h, idem pour ERRE le 08/07, à 14.00h.

Ecart non périlleux jusqu’à Avignon.



Forte présence de la scène luxembourgeoise dans le festival «Off» – qui bat son plein du 7 au 31 juillet – avec trois créations, à savoir: Sales Gosses de Fabio Godinho, à ne pas rater du 7 au 26 juillet (relâche les mardis), à 12h45, à La Caserne (prod.: Théâtre du Centaure, photo ci-dessus), The Passion of Andrea 2, chorégraphie de Simone Mousset (Simone Mousset Projects), jouée aux Hivernales du 10 au 20 juillet, The Hidden Garden, chorégraphie de Jill Crovisier (JC movement production), à voir au Théâtre Golovine du 7 au 29 juillet. Trois créations, dis-je, mais aussi quatre coproductions: trois coproductions du Escher Theater (Billy la nuit, du 9 au 27 juillet à la Maison du théâtre pour enfants, Histoire de la violence de Laurent Hatat, du 6 au 25 juillet à La Manufacture, Facéties du 10 au 20 juillet aux Hivernales) et une du Kinneksbond (Rabudôru, poupée d’amour, du 7 au 30 juillet au Théâtre des Halles).


Notez qu’une journée professionnelle Grand Est/Luxembourg se déroulera le mardi 13 juillet à La Caserne, où les responsables d’Esch 2022 seront invités à présenter leur capitale européenne de la Culture.


Pour ce qui est du «In», le programme officiel, il a déjà ouvert le rideau, avec, actuellement dans la Cour d’honneur du Palais des papes, La Cerisaie de Tchekhov dans une mise en scène de 2h30 de Tiago Rodrigues (et Isabelle Huppert dans le rôle titre).

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