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Marie-Anne Lorgé

Steve est parti

Il est parti, Steve Kaspar, le musicien expérimental, figure charismatique du monde culturel luxembourgeois. Il est mort inopinément (le 5 octobre), et l’annonce m’est tombée sur la tête comme une pierre.



Vagabond, au sens poétique du terme, Steve Kaspar n’a eu de cesse de voyager. Dans sa tête. Entre l’histoire, la mémoire et la transformation. D’un monde à l’autre, réel et inconscient, formel et spirituel.


Avec sa façon de parler en riant, et vice versa, avec son regard flânant, son corps toujours chaloupant, marchant à travers la ville deux à trois heures par jour, avec son langage aussi dense que composite, avec ses bouillons de pensées – la métaphysique en tête de peloton –, Steve le solitaire, mais toujours disponible, adepte de l’insoumission et de la décélération ou d’un autre rapport au temps et aux choses, cherchait un sens dans le chaos. Ça passait par les structures sonores et par les collaborations croisées (notamment avec la danseuse Yuko Kominami ou le violoncelliste André Mergenthaler).


Il y avait un mystère Kaspar, que Steve a tenté de désépaissir à la galerie Nosbaum Reding en une sélection d’une vingtaine de dessins, de 1992 à 1997, attestant de la singularité de sa sensibilité marginale. L’incandescence, la vibration, l’observation aussi, faisaient de lui un artiste inclassable, et un homme terriblement attachant.

Déjà le manque. Et toujours les mots dérisoires, impuissants aussi. Alors, laissons à son œuvre le souvenir, celui-là qui se refuse à sombrer dans l’oubli.

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