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Roses et coquelicots

  • Marie-Anne Lorgé
  • 6 juin
  • 5 min de lecture

Juin, c’est le mois des roses, des coquelicots qui poussent gros comme des pivoines, des hirondelles aux allures de virgules comme pour dédier un poème au ciel.


Juin sent l’échappée belle, les déjeuners sur l’herbe et la liesse collective des festivals de plein air. D’ailleurs, c’est J-12 pour la Fête de la musique (l’asbl du même nom célèbre à Luxembourg son 25e anniversaire du 13 au 21 juin) et c’est le jour J pour les Francofolies d’Esch, encore les 7 & 8 juin, à la Kulturfabrik, au Escher Theater (qui accueille Stephan Escher le 7/06 à 20.30h) et au parc du Gaalgebierg (où, le 8/06, on attend Michel Polnareff à 20.10h et Julien Doré à 22.30h) – bien sûr, l’affiche promet un voyage musical à 360°, et il paraît qu’il est encore possible de décrocher des places, infos: francofolies.lu


Sinon, pour découvrir les arts de la marionnette contemporaine et du théâtre d’objets, c'est à Tadler (commune d'Esch-sur-Sûre) qu'il faut aller dare-dare, là où, du 8 au 10 juin – week-end de Pentecôte –, le Marionettefestival souffle ses 10 bougies. Pas de têtes d’affiche… mais une constellation de coups de cœur, qui prennent vie dans 13 lieux insolites du village: granges, garages, jardins et même l’église, réinventés en espaces de représentation, renforçant ainsi le lien unique entre artistes, spectateurs et habitants. Infos: Infos: www.marionettefestival.lu


Je dirais qu’avec un dé d’organisation et une dose de curiosité affûtée, vous pouvez relier les deux Esch et créer ainsi un bain artistique mémorable (visuel ci-dessous).



Je m’en voudrais de ne pas déjà vous rendre attentifs à ce qui se passe à Lorentzweiler dès le 14 juin, là, dans l’espace public, théâtre à ciel ouvert du biennal projet Störende Wahrheiten (Vérités dérangeantes), un nom barbare focalisé cette année sur le pouvoir rédempteur ou court-circuiteur de l’art, qui réunit les propositions sculpturales et autres installations (parfois performatives) de 5 créateurs, soit: Serge Ecker, Fabienne Margue, Max Mertens, Sali Muller et Aurélie d’Incau, qui, en l’occurrence, avec Doheem, a invité les citoyens à partager, par le dessin, leur vision du «chez soi».


Après le grand air, on rentre… dans des espaces clos, ces lieux où s’exposent ce que les mots ne suffisent pas à dire. Du coup, après un arrêt dans … les confessionnaux de l’église Saint-Martin à Arlon (si si), mon post renoue avec l’EMOP (Mois européen de la photographie), en deux focus diamétralement opposés, l’un sur les expressions abstraites d’Olivier Dassault (à la BIL), l’autre sur l’édifiante enquête photo-dessinée (et vidéaste) de Daphné Le Sergent menée, au Japon, à Taïwan et en Corée du Sud,  sur la route (et le marché) du silicium, qui, par ses propriétés de semi- conducteur, reste l'un des éléments essentiels pour l’électronique (à la Maison du Savoir, Uni Belval). 


Mais d’abord, puisqu’on en est à «l’intérieur jour», j’ouvre une double parenthèse sur deux rencontres.


La première a lieu le 11 juin, à 19.00h, à neimënster – à l’invitation de l’IPW (Institut Pierre Werner). C’est une conversation (en français) entre Jean Portante et Patrick Deville, le plus nomade des écrivains contemporains né en 1957, au demeurant lauréat en 2012 du Prix Femina pour Peste & Choléra – biographie romancée du bactériologue Alexandre Yersin, découvreur en 1894 du bacille de la peste mais aujourd’hui invité pour parler d’Abracadabra, le projet de sa vie. Késako?


Patrick Deville a sillonné terres et mers, d’est en ouest et d’ouest en est, non pour le seul plaisir de voyager, mais, pour, remontant le temps, raconter, sur les traces d’autres écrivains qui l’ont fait avant lui, autrement, «l’histoire en accéléré» du monde, «de 1860 à nos jours». Les grands bouleversements bien entendu, mais aussi l’histoire faite de petites histoires. Voilà plus de vingt ans qu’il le met noir sur blanc dans ce qu’il appelle des «romans sans fiction». Projet précisément baptisé Abracadabra: douze livres dont les neufs premiers sont déjà publiés.

Infos et réserv.: www.ipw.lu


La seconde rencontre est organisée par le Cercle Cité, qui, à l’occasion des 10 ans de sa CeCiL’s Box, donne carte blanche à 5 des trente-quatre artistes qui ont réalisé un projet dans sa vitrine de la rue du Curé. La rencontre qui a lieu le 12 juin, à 18.30h, dans l’auditorium Henri Beck (entrée rue Genistre), a la forme d’une projection suivie d’une discussion. La projection en question est celle du film Self-Portrait as a Coffee Pot de William Kentridge, sur proposition de Julie Wagener. Et ladite projection (en anglais) sera suivie d’une discussion en luxembourgeois menée par l’artiste Aurélie d’Incau (celle-là même qui commet Doheem à Lorentzweiler à partir du 14 juin, la boucle est bouclée…).



Cap vers Luxembourg, dans la galerie Indépendance de la BIL, où, en une quarantaine de photographies réalisées au cours de ces 20 dernières années, se déploie un vibrant hommage à Olivier Dassault  décédé dans un accident d’hélicoptère en 2021 , héritier de cette grande famille capitaine de l’industrie française, pilote d’avion, ingénieur mais donc, aussi, photographe passionné, attaché à l’argentique… et à la séduction d’impressions sur support ChromaLuxe brillant.


L’expo s’intitule Expressions abstraites, et il est vrai que les enchevêtrements de formes et couleurs se détachent de la représentation, de la fidélité à la réalité visuelle. Sauf à savoir que chaque photo a une histoire liée au réel, à l’architecture en l’occurrence, ancrée qui plus est dans une ville (cfr New York) ou une institution précise (à l’exemple du Centre Pompidou à Paris) – ça, c’est l’oeil de l’ingénieur, rompu à la verticalité et à l’horizontalité et que chaque ligne correspond à un détail de construction/structure, alors démultipliée, superposée, inversée.


La superposition, source d’une explosion chromatique (visuel ci-dessus: Harmonie, 2011), c’est la marque de fabrique du photographe Dassault qui, au demeurant, a d’abord réalisé des portraits d’actrices célèbres (fin des années 1960) pour ensuite évoluer vers des compositions plus atmosphériques, à la William Turner, qualifié de peintre de la lumière.


Et justement, à l’évidence, le photographe Dassault travaillait comme un peintre, un coloriste sensible au langage de la lumière, capable, là, à l’endroit où le hasard le menait, de saisir l’instantané d’une lueur, d’un miroitement ou d’un faisceau, pour faire naître une chorégraphie ou une géométrie, toute poétique.


Dans la photographique quête Dassault, la lumière est précisément la particule élémentaire de l’équilibre entre l’improvisation, le cadrage et l’esthétique.


On se régale jusqu’au 18 juillet – infos: Galerie Indépendance de la BIL, 69 route d’Esch à Luxembourg, du lundi au vendredi de 08.00 à 18.00h. Entrée libre.


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Enfin, sans transition, tout schuss vers l’église Saint-Martin à Arlon qui, pour les fondus d’architecture néogothique et de bâtiment ecclésiastique, vaut assurément le détour, fût-ce pour sa tour de 97 m de haut, et qui, pour l’heure, accueille Lacryma, une expo inédite à l’invitation d’une artiste inclassable, Monique Voz, mathématicienne, théologienne, conteuse, aussi orfèvre, récolteuse de distillat de rosée lunaire et créatrice du concept d’art connecté appliqué à des créations cinétiques et lumineuses, toujours perfusées par la poésie et une spiritualité.


Et donc, expo inédite en ce qu’elle investit les six confessionnaux de l’édifice – qui datent de la construction de la seconde église Saint-Martin, donc, du début du XIXe siècle, dessinés par l’architecte Léon Lamy en 1935 et dont la symbolique de la menuiserie se révèle ainsi étonnamment.


Expo inédite, dis-je, parce que ces confessionnaux sont les inattendus tabernacles d’oeuvres de six artistes femmes – Pascale Wéry, Yolande Greisch, Carroll Vander Elst, France Everard, Monique Voz, Nathalie Maufroy qui, par la peinture, l’objet, l’installation, la photo augmentée et le son, questionnent de front ou métaphoriquement la contrition, la confidence, le chagrin et, plus largement, la souffrance silencieuse face aux injustices ou à l’absurdité de normes toujours plus suffocantes.


Cette expo est un petit ovni, où par la poésie ou en mode décalé, sinon critique, on croise notamment une tête de lapin qui pleure du sang, la paradoxale rose rouge de la passion et des contes, une fleur blanche d’illusion et un vase lacrymatoire destiné à recueillir les larmes de deuil.


Accessible encore deux jours, ces 7 et 8 juin, de 14.00 à 18.00h.

 
 
 

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