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Marie-Anne Lorgé

Pierre fendre

J’ai rangé par taille les santons. Dans une énorme boîte bleue, avec sa lune peinte sur le couvercle, ceinte d’une grappe d’étoiles – une iconographie qui fait allusion à la nuit berceuse de rêves, et pour cause, anciennement, la boîte devait contenir une épaisse couverture, garantie textile d’un sommeil douillet –, j’ai fait cohabiter les anges et les boules, destinant ainsi l’arsenal décoratif de Noël à un autre sommeil, celui du grenier.


Ce rangement m’a pris des heures, chacune liée à un calendrier intérieur, où tu peux revenir sans que rien n’ait bougé – c’est que la boîte en question, réservoir dérisoire des plus beaux souvenirs de famille, je l’ai sauvée de justesse du vide-maison. 


Le jour est désormais autre. L’air vif mord la peau – la parade? Imiter l’oignon, superposer les couches. Il fait trop froid pour que la neige tombe. Le gel fend la pierre – résultat, «les bouclettes se couvrent de givre argenté sur les tempes, tandis qu’un fin duvet ourle la lèvre supérieure»: c’est ainsi que Tchekhov parle de Nadienka qui marche pendue à son bras, alors qu’«il gèle à pierre fendre».


Ce que le joli givre de Tchekhov ne dit pas, c’est qu’«il y a tellement de gens qui dorment dehors, exilés de leur pays et surtout d’eux-mêmes».


Pour autant, la littérature, c’est un espace de vie, et son pouvoir est insoupçonné, qui évade autant qu’il dérange, répare.


C’est pourquoi je me propose de vous parler d’histoires racontées autrement, de classiques revisités, de contes – ça, c’est le programme, parfois copié jamais égalé, de Fabula Rasa aux Rotondes (j’y viens ci-dessous) – , vous parler aussi des premières résidences d’écritures expérimentales (MAAD) qui, à l’initiative du Gueuloir (de Thionville), se tiennent à la Kulturfabrik Esch (Kufa). De long en large, il est question d’accueil, d’entraide, de cohabitation  mais aussi de ce qu’«autre chose peut naître de la douleur».


A commencer par l’expérience du collectif.


Ce qui me permet finalement de vous faire découvrir (si ce n’est déjà fait) The Collective Laboratory, autre projet expérimental, mis en l’occurrence en œuvre par le Mudam Luxembourg, sous la forme… de résidences de collectifs d’artistes.


Les résidences ont à l’évidence la cote, mais ce qui importe, c’est qu’elles n’ont rien de tours d’ivoire, invitant le public à être témoin de ce qui s’y trame, à se frotter aux processus créatifs, à participer, ce, durant les heures d’ouverture (notez que le Mudam a changé ses horaires depuis le 1er janvier 2024, désormais ouvert du mardi au dimanche de 10.00 à 18.00h, le mercredi jusqu’à 21.00h, voire 22.00h pour le Café, donc fermé le seul lundi) ou lors d’événements particuliers.



Et je commence par le Mudam parce que l’événement qui nous concerne a déjà lieu ce samedi 13 janvier. Ce jour-là,  à 10.00h, OMSK Social Club, collectif berlinois développeur d’un monde fictif, «à la démarche immersive», proposera Beyond Language, une performance destinée à présenter le jeu de rôle comme expérience narrative au public. Et le même jour, à 15.00h, Burn~Août, maison d’édition à but non lucratif, collectif qui développe «une plateforme en ligne comme outil de libre diffusion de la connaissance», publiant, rééditant des livres, des fanzines, des pamphlets, des affiches (visuel ci-dessus) «conçus en réaction à une urgence sociale et diffusés gratuitement», sachant que l’objectif est «moins de produire que de provoquer des interactions», et donc, le 13/01 à 15.00h, Burn~Août organisera des ateliers sur les pratiques de publication.


Le 13 janvier sonne la fin de résidence pour OMSK Social Club comme pour Editions Burn~Août. Mais, en fait, depuis fin novembre, The Collective Laboratory a impliqué six collectifs – basés dans différentes villes européennes, à savoir: gobyfish (Londres) transformant la galerie en laboratoire culinaire, crème soleil (Paris) adaptant une pièce de danse au contexte muséal, moilesautresart (Bruxelles) menant des recherches sur les trous géologiques, virtuels et métaphoriques, et Mnemozine (Luxembourg) avec ses expérimentations inspirées de l’obsolescence technologique – qui n’ont pas habité les espaces du premier étage du Mudam tous en même temps mais à raison d’une résidence de deux semaines chacun. Il n’empêche, dans ce laps de temps, chaque collectif a repensé l’utilisation des espaces muséaux, tout en bénéficiant de moyens financiers et matériels auxquels les artistes n’ont pas toujours accès.


En clair, ce Collective Laboratory est un premier pavé dans la mare de la fonction statique du musée en tant qu’espace d’expo – et c’est une première réponse au questionnement de la directrice Bettina Steinbrügge quant à la mission de lieu vivant de tout musée, quant aux modèles et méthodologies du Mudam en particulier. 

Infos: mudam.com



Et voici la Kufa, qui endosse le rôle d’incubateur de textes, accueillant la MAAD (Maison des Auteurs et Autrices Dramatiques), un dispositif résidentiel explorant les nouvelles façons d’écrire et de diffuser l’écriture. 7 résidences programmées d’ici fin novembre 2024, avec invitation faite au public de découvrir chaque texte lors d’une sortie de résidence.


Celle qui s’y colle actuellement, c’est Marie Provence, plongée dans La Stupéfaction, un texte qui propose un autre chemin que celui de l’injonction au bonheur et de l’individualisme, à savoir: l’entraide… «qui va se construire sous les yeux des spectateur·rices, par la distance créée par l’humour et l’absurde». En tout cas, loin du tragique, loin du fatalisme. La sortie de résidence de Marie Provence est prévue le 19 janvier – à vos agendas!


Du reste, j’ai aussi déjà repéré Pierre Soletti dont l’écriture, avantageusement poétique, évoque les différentes impressions procédant du mot FRAGILE. «Un motif pour deviser sur l’amertume face à la brièveté de l’existence mais également la joie qu’il y a à créer, inventer, aller à la rencontre de l’autre, visiter l’inconnu, le plus beau pied de nez qu’on puisse faire à la mort, étant de bien vivre» – sortie de résidence annoncée pour le 9 août, du coup, on postpose un éventuel voyage vers les tropiques pour ne pas louper le rendez-vous.


Sinon, ça y est, arrêt aux Rotondes, où Fabula Rasa fait son retour du 18 janvier au 11 février, à coups d’histoires au sein d’un monde où tout peut être exploré et réinventé. A l’adresse des familles, et déjà de la jeunesse – comme dans The Game of Nibelungen (à partir de 14 ans) de la Cie suisse Botte-Cul: «Moins vous parlez allemand, plus ce spectacle est fait pour vous. En immersion au cœur de la légende germanique des Nibelungen, toutes les barrières linguistiques tomberont lors d’épiques batailles d’équerres, d’épées et de piles de papier. 20/20 pour tout le monde à la fin!», les 18 et 19 janvier, à 19.00h –, de l’enfance, voire de la petite enfance comme dans le cas de A propos Liewen (de 3 à 5 ans).


A propos Liewen, cette nouvelle création de la compagnie luxembourgeoise Kopla Bunz, inspirée du livre d’images Das ist das Leben de Christian Borstlap, questionne la vie de manière ludique et décalée (visuel ci-dessus). «C’est quoi la vie, au juste? Jamais à l’arrêt, en constante évolution, prenant toute sorte de formes. Tout part d’une graine minuscule qui se transforme en un être tantôt énorme, tantôt tout petit, qui grogne, siffle, rampe, vole… Et malgré leurs différences, en symbiose ou en compétition, toutes les formes de vie sont connectées entre elles. C’est ça, la vie!». Séances jusqu’au 25 janvier, les premières pour tout public ayant lieu le 20 janvier, à 15.00h et à 17.00h, le 21/01 à 11.00 et 15.00h, ainsi que le 23/01 à 15.00h.


Mais Fabula Rasa, c’est aussi une expo, intitulée Turn Out, qui comprend une collection de platines – permettant d’écouter des contes de nombreux pays, un casque vissé sur les oreilles – et des animations phonotropes (dont création par l’artiste Marie Paccou d’un phonotrope géant). Vernissage le 19 janvier, à partir de 18.00h – j’y serai, et vous?




Tant qu’à naviguer au milieu des pages, notez que l’Espace Beau Site d’Arlon (au 321 de l’Avenue de Longwy) met sur pied une Biennale du livre d’artiste, qui en est d’ailleurs à sa 8e édition, du 13 janvier au 11 février. La singularité du livre d’artiste tient à la virtuosité technique de sa réalisation, au choix d’une reliure, à la complexité d’un pliage, «empruntant les modes d’expression les plus éclectiques pour devenir volontiers livre-objet» (visuel ci-dessus).


Et pour finir, de l’inestimable: la poésie. Le Printemps des Poètes-Luxembourg (PPL) organise son 13e concours de poésie multilingue sur le thème La Grâce. Tous les élèves et étudiants fréquentant un établissement secondaire du pays ou l’Université du Luxembourg, ainsi que les adultes du Luxembourg, aimant la poésie et non encore publiés, sont invités à participer au concours (règlement en ligne sur http://printemps-poetes.lu/category/jeune-printemps/).


Le formulaire de participation et le poème en format Word devront être envoyés pour le 18 mars 2024 au plus tard à l’adresse mail jeuneprintemps@printemps-poetes.lu


La remise des prix aura lieu à neimënster le 24 avril 2024, avant la manifestation Printemps des poètes (26, 27, 28 avril), en présence du ministre de la Culture Eric Thill. Le premier lauréat de chacune des 4 catégories sera invité à se produire sur scène avec les poètes du Festival 2024 du Printemps des Poètes-Luxembourg.

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