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Marie-Anne Lorgé

Pas pour des queues de cerise...

Dans mon texte du jour, il y a un cerisier dans le décor. Mais qui n’est en rien responsable de ce «presque rien» qui mine notre société, ces «queues de cerises» qui ont parfois… un «effet papillon».


Certes, en infusion les queues de cerise ont des vertus amincissantes et détoxifiantes – à la veille des transhumances pour plages, il est peut-être utile de le savoir –, sinon, et j’ignore d’où vient l’expression, se fâcher pour des «queues de cerise» est une promesse d’orage…


Dans la même gamme, Si les gens qui travaillent pour des queues de cerises pouvaient prétendre à beaucoup d’oseille, ce serait la fin des haricots (dixit Benoît Martin, ancien «grand flic» tombé en poésie avant de se lancer en littérature et pensées savoureuses, comme dans Si la terre tournait dans l’autre sens, les journées commenceraient le soir).


Aussi, dans mon texte du jour, il y a également une hirondelle. Et puis, il y a un petit bout de chemin vers cette vie parallèle qu’est l’art, celui-là qui, permettant une confrontation des sens, nous ouvre des horizons parfois réalistes, ou non palpables, ou encore complètement utopiques.


Bon, ledit art en question se résume aujourd’hui à un bref survol de deux phénomènes liés à une époque… qui a rendu possible l’envie/le besoin de perturber les ronflements d’une scène géométrique et lyrique, soit: le mouvement Supports/Surfaces – avec sa désacralisation de la toile ou du châssis, ce, en vertu d’une édifiante expo au Nationalmusée um Fëschmaart – et le Pop art, avec sa réintroduction du réel et du populaire dans le champ créatif, ce, sous l’angle étroit mais louable de la vitrine de la galerie Nosbaum Reding (je vous guide plus bas).


Préalablement, j’en termine avec mes hirondelles. Parce que, dans mon village, quadrillé par des granges, on n’entend qu’elles; aussi, le soir, on ne voit qu’elles alignées sur les fils – à se demander, comme l’écrivain surréaliste Grégoire Lacroix, où elles pouvaient bien se poser avant l’invention du téléphone?


Jules Renard trouvait l’hirondelle stupide (dans Histoires naturelles, 1896), ce qui ne l’a pas empêché d’écrire dans son Journal en 1901, alors tout inspiré par un vol de «sourcils épars dans l’air», ces taches d’encre dans le bleu du ciel, que l’accent circonflexe était l’hirondelle de l’écriture.


En tout cas, selon le dadaïste Jean Arp et le fabuliste chansonnier Thomas Fersen, les hirondelles croient aux anges des nuages, du coup, avec elles, la route buissonnière file doux. Davantage encore… s’il y a un cerisier dans le décor.


Et ce matin, fenêtres grandes ouvertes, j’en suis là, à… battre des ailes.



Et je pourrais déjà vous mener jusqu’en terre de cigales, en Avignon, où le plus grand festival de théâtre du monde – 78e édition - s’apprête à lever son rideau (dès le 29 juin), avec, en marge du barnum, cette magnifique manifestation baptisée Le Souffle, qui investit le cloître Benoît-XII et s’engage auprès des auteurs et autrices d’aujourd’hui pour y faire entendre leurs textes, souvent inédits, dont La chair quitte les os de Paul Mathieu et Terre-ville de Maud Galet Lalande le 8 juillet, ainsi que Sous la dalle, un coquelicot d’Aude-Laurence Biwer, Un héritage de Ian De Toffoli et Vandalium  de Tullio Forgiarini le 9 juillet, textes (mis en voix par Franck Lemaire et Jean Boillot) proposés par le Gueuloir, collectif d’auteurs/autrices transfrontaliers (franco-belgo-luxembourgeois).


Et pour se laisser surprendre, vous conduire aussi tout simplement du côté d’Esch/Alzette, à la Kulturfabrik (Kufa) qui programme des balades collectives (à pied ou à vélo) vers un lieu mystère où, dans un décor exceptionnel, a lieu un concert surprise. Et comme, c’est une surprise, on ne dit rien de plus, sauf que la première «Secret Session» est prévue ce dimanche 30 juin, à 15.00h. Gratuit mais sur inscriptions à inscriptions@kulturfabrik.lu – sachant que 2 autres «Secrets Sessions» sont annoncées les dimanches 07/07 & 22/09, à 15.00h, ce, dans le cadre de la Biennale d’Esch.


On le sait, la Kulturfabrik, institution culturelle emblématique d’Esch, a un ambitieux projet de transformation et d’agrandissement – notamment par l’ajout de surélévations en ossature bois préfabriquées, permettant environ 2000 m² d’espace supplémentaire –, un projet qui s’intègre dans une vision plus large de développement urbain, en lien avec la mutation en un nouveau quartier de la voisine friche industrielle Metzeschmelz. Le lancement des travaux de ce projet ambitieux est prévu pour fin 2025.


A Bonnevoie, on est aussi à l’heure du chantier. Cette fois, ce sera au tour de la Rotonde 2 d’entamer sa grande métamorphose, tandis que des améliorations majeures seront apportées à la Rotonde 1, au Pavillon central et au Parvis. Cette nouvelle phase de travaux commencera en 2025, pour une durée minimum de 4 ans. Le site restera accessible pendant toute la durée du chantier, mais, certes, la programmation sera repensée, cfr explorer des supports insolites, exporter des expos vers d’autres lieux culturels, créer une bibliothèque itinérante avec une belle collection de livres augmentés, transférer certains concerts dans la salle du Klub et des spectacles dans la Black Box en tout cas, ne pas louper du 9 au 12 novembre le spectacle Carnaval de la chorégraphe Jennifer Gohier (Cie Artezia) destiné au jeune public (photo ci-dessus© Bohumil Kostohryz).


En attendant, l’été aux Rotondes, c’est le festival Congés annulés, 16e édition, du 26 juillet au 21 août, tout un mois de concerts, DJ sets et autres festivités, dont l’expo photographique et artistique en plein air Les Voyeuses avec d’intrigants dispositifs de près de 2 mètres sur l’ensemble du site l’occasion aussi d’inaugurer un distributeur automatique qui proposera les créations des 12 artistes participant·e·s sous forme de packs de cartes postales et qui permettra, dans le futur, d’acquérir d’autres types d’éditions à petit prix. Infos: rotondes.lu 


A Luxembourg, travaux également du côté des Archives nationales qui, pour la cause, suspendent les visites guidées de ses dépôts, mais qui, pour autant, lancent une série de podcasts intitulée ArchivGeschichten – Eng Zäitrees an d’Vergaangenheet (Histoires d’archives – un voyage à travers le temps). La première émission est désormais disponible – la suite selon un rythme trimestriel. Voir: anlux.public.lu


Avant de cueillir l’ombre, et la lumière, en salles d’expos… un événement majeur à vous signaler, qui se trame ce 28 juin.



C’est que, voilà, ce vendredi 28 juin, vous êtes invités à rejoindre The Manifestation de l'artiste samoan-néo-zélandais Lemi Ponifasio – l'événement de clôture gratuit et public du projet Red Bridge, une initiative visant à construire des ponts artistiques au Luxembourg, par le Mudam Luxembourg, la Philharmonie et les Théâtres de la Ville de Luxembourg.


Dans La Manifestation, Ponifasio nous convie donc à la création d'un fabuleux corpus d'art collectif (visuel ci-dessus). 


Rassemblant les publics à travers cérémonie, oratoire, danse, musique et gastronomie, La Manifestation débutera à 19.00h devant le Grand Théâtre; à 19.45h, une procession se déroulera sur le Pont Rouge et via la Philharmonie Luxembourg – performance-promenade immersive, au cours de laquelle les participants porteront un fil délicat tissé de fleurs locales et d'herbes séchées; à 20.30h, Place de l'Europe, un événement convivial mêlant musique, poésie et gastronomie aura lieu avec deux chorales chantant en réponse aux lectures des habitants et dégustation de plats préparés par une cuisine communautaire; à 22.30h, représentation finale au Mudam: performance de la compagnie MAU de Lemi Ponifasio, aux côtés de divers ensembles musicaux locaux, un rituel, un symbole de relation renouvelée entre communautés, territoire et institutions. En lien, une série de photographies, prises tout au long du projet par des étudiants du Lycée des Arts et Métiers de Luxembourg, seront projetées sur les murs du bâtiment.



On se calme.

Deux mots encore sur deux expos hommages.


A Gust Graas. A Schifflange, au printemps, le Schëfflenger Konschthaus avait inauguré les célébrations du centenaire du peintre né en 1924 (décédé en 2020), aussi manager de médias, avec une expo dédiée aux Inédits d’Atelier. En ce moment, et jusqu’au 28 juillet, c’est neimënster qui propose Gust Graas et les femmes: une histoire d’amour ! (visuel ci-dessus). Aujourd’hui, à Walferdange, au CAW (5 rte de Diekirch), sous le haut patronage du Grand-Duc, l’expo Heemecht réunit Jean-Marie Biwer, Robert Brandy, Tino Camarda, Gérard Claude, Raymond Clement, Jim Knaff, Margot Reding-Schroeder, Yvette Rischette et Raphaël Springer, ce, à partir de ce 28 juin, et accessible jusqu’au 7 juillet (les jeudis et vendredis de 15.00 à 19.00h, les samedi et dimanches de 14.00 à 18.00h).


A Théo Kerg (1909-1993). A Dudelange, la galerie 39 (au 39, rue de Hellange) revient sur une œuvre témoin de son temps. Adhésion au mouvement «Abstraction-Création» à Paris (1934-1937), disciple dans l’après-guerre de l’Ecole de Paris (1947-1957). Ensuite, l’essoufflement de ce mouvement dans la deuxième moitié des années 50, ainsi que l’entrée du monde dans l’aire spatiale comme conséquence de la course aux armements entre l’Amérique et la Russie, mettront l’espace en avant plan dans le travail artistique de nombreux artistes: ce sera le «Tactilisme» chez Théo Kerg (1957-1978). Enfin, les quinze dernières années de son œuvre sont considérées par l’artiste comme sa «Fin de Partie» ou la «Période de la communication perturbée»: c’est une période où la déconstruction prédomine (1978-1993).


Cette expo consacrée à Théo Kerg – à découvrir jusqu’au14 juillet – est la dernière de la galerie 39. Baisser de rideau.



Cours d’histoire de l’art. Une histoire qui toujours se raconte à coups de rupture et de réinvention. Toujours en réaction, voire rébellion, par rapport aux normes instituées. En l’occurrence, 2 survols d’un art … d’après-guerre. Vu de France et vu des Etats-Unis, avec un créneau temporel planté dans les années 60 et 70. En l’occurrence, on a le Pop art qui reproche à l’art de l’époque d’être déconnecté du réel et son obsession du pinceau; et on a le mouvement Supports/Surfaces – mouvement du reste éphémère, avec une première expo en 1969 à Paris –, dont l’objet est «la simple mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural». A Luxembourg, de l’un à l’autre, on circule autour du Marché-aux-Poissons…


Précisément, pour Supports/Surfaces, rendez-vous au Nationalmusée um Fëschmaart qui continue à décrypter ses trésors. Pour rappel, depuis le 15 mars, en une nouvelle mouture de son expo permanente, il repense l’agencement de sa collection d’art moderne et contemporain selon une approche thématique, en 5 espaces: Chaos, Faces (art du portrait), Nature, Colour et Shapes & Forms dont le point d’orgue est justement… le mouvement d’avant-garde français Supports/Surfaces «concentré sur la relation objet-milieu», avec, notamment, un représentant majeur, Claude Viallat, avec sa façon de dupliquer/multiplier au pochoir la même forme en éponge sur un grand pan de tissu (ou de bâche).


Et donc, aujourd’hui, le raccord est complet, qui zoome sur les 38 œuvres (1966-1985) composant la collection Supports/Surfaces du musée, collection constituée – achats sur les marchés publics, auprès de galeries (à commencer par celle de Bernard Ceysson, l’expert en la matière) et dons de la part des artistes eux-mêmes – à partir de 2013, en conformité avec une nouvelle stratégie, faisant suite à l’abstraction lyrique des débuts (1957), puis à la réorientation (optée par Paul Reiles) vers la figuration narrative, pour aboutir aux deux actuels choix: la photo d’art (partant d’Edward Steichen) d’une part, et le 2e mouvement d’avant-garde français, «de la peinture, certes, mais au-delà», d’autre part.


Selon le directeur Michel Polfer, c’est une collection parmi les plus intéressantes au niveau européen. En l’occurrence, pour la première fois exposée dans sa quasi-totalité. «Tous les artistes importants du mouvement y sont représentés avec des oeuvres historiques et de qualité muséale». Et c’est vrai que l’expo est belle – fût-ce déjà par l’accrochage, nécessitant un open space, grands formats obligent.


Les enjeux sont clairs, notions d’espace et de série, geste créatif, destruction du support traditionnel – des châssis sans toile (cfr Daniel Dezeuze ), des toiles sans châssis (cfr Viallat), une image du châssis sur la toile (cfr Patrick Saytour) – , physicalité de la surface plane, construction avec lignes de tape, matériaux, et les techniques sont fécondes (empreintes, fripages, froissages, pliages, ficelages, frottages, collages, déchirures…).  


Si vous ignoriez tout du mouvement, si son vocabulaire vous échappait, eh bien, vous serez ainsi titillés, voire étonnés, sinon initiés, sans passer par la case «leçon».


Mes coups de cœur? L’échelle souple de Daniel Dezeuze, l’assemblage sculptural en boule de morceaux de bois et d’objets de Bernard Pagès (aussi son arrangement de tôles et barres de bois), le magnifique monumental format vert émeraude de Jean-Pierre Pincemin, le sensible Sol/Mur marron de Louis Cane, avec sa réflexion sur le lieu du passage (ça ressemble à un Rothko mais dans lequel on peut entrer !), et la gigantesque composition de Noël Dolla, avec sa giclée de gros confettis de ton jaune citron au travers des feuilles d’acanthes imprimées sur un tissu rouge et noir cousu/recomposé (visuel ci-dessus , photo© Tom Lucas).


Noël Dolla était présent à l’ouverture de l’expo – tout comme Bernard Ceysson, co-auteur du catalogue de 168 pages – et Noël Dolla, qui intégra le groupe Supports-Surfaces de 1968 à 1971, «se positionne avec conviction comme l'artiste de la conciliation du sujet pictural et du sujet social». Ses motifs sont souvent «ramenés à l'essentiel, la ligne comme geste minimal de l'acte de peindre, le point comme origine. Ils se déclinent, envahissent parfois l'espace, le redessinent. Toute son œuvre est traversée par des signes (croix, point, trou...) qui sont manipulés, reproduits, triturés jusqu'à épuisement du motif».


Au final, Bernard Ceysson résume l’aventure comme suit: «un jeu critique et célébratif de ce qui est à la base de la peinture, soit: l’élément simple. Sortir de l’ornement».


Infos: Supports/Surfaces. Notre collection à l’affiche, au Nationalmusée um Fëschmaart, jusqu’au 23 février 2025, www.nationalmusee.lu  


Dernière excellente nouvelle: le musée s’apprête à accueillir – à partir du 1er juillet une œuvre phare de Francis Bacon (1909-1992), l’un des peintres les plus iconiques du XXe siècle. Il s’agit du célèbre triptyque Three Studies for Portrait of George Dyer (1963), représentant George Dyer, amant et égérie de l’artiste britannique, quelques mois seulement après leur rencontre. L’œuvre, prêtée au musée pour deux ans, occupera une place de choix dans la première salle de l’accrochage permanent Collections/Revelations, dédiée précisément aux portraits. On va se bousculer…



On traverse l’esplanade du Marché-aux-Poissons, on pousse la porte de la galerie Nosbaum Reding qui annonce…. Made in America: 1960s to today, une exploration, en 11 artistes, du paysage de l'art américain des années 1960 à aujourd'hui (visuel ci-dessus, James Rosenquist, Untitled, 1990, huile sur toile). Excusez du peu !


Alors, oui, défilent des noms de la scène emblématique du Pop art américain comme Richard Pettibone, Andy Warhol, Tom Wesselmann, Raymond Pettibon, William N. Copley et John Wesley. Bon nombre de petits formats (sur papier inclus), autant d‘oeuvres issues du second marché. De quoi peut-être nous laisser sur notre faim. Pas de quoi non plus bouder notre plaisir… de (re)croiser l’insoumission de ces regards d’artistes, et leur langage dont l’ascendance percole toujours dans les pratiques actuelles.


En même temps, on croise l’immense Kenneth Noland (1924-2010), avec qui la couleur pénètre dans la toile. Dans le très grand format exposé, Here-In (1975), vibre tout l’héritage de ses abstractions chromatiques.


Sinon, petite incursion sur la scène artistique de la West Coast, avec une oeuvre récente d’Alex Israel, artiste multimédia «dont le travail se concentre sur la culture de la célébrité et le mode de vie hollywoodien», ce qui n’empêche pas sa grande peinture colorée à l’aérographe, Untitled (Flat), 2012, de traduire en éblouissants dégradés abstraits les ciels de Los Angeles, là où il est né en 1982. Là où, aussi, vit et travaille le politiquement incorrect Paul McCarthy: pas de plug exposé, mais une petite sculpture, Drop Head / Bounce Head, une tête (d’enfant sorti d’un parc à thème ?) en silicone jaune.


Sinon, dans son espace Projects, la galerie propose un énième artiste américain, Nat Meade, un peintre qui dynamite le genre du portrait, et dont les oeuvres déboulent en droite ligne de son atelier de New York. Dans la composition, un antihéros barbu, taillé comme un monolithe, noyé dans la nature, miroir et masque à la fois de ses intimes émotions. Mais de Creeper, Sleeper, Weeper, je vous en cause dans mon prochain post – en tout cas, vous avez tout l’été, jusqu’au 14 septembre, pour vous laisser surprendre.


Infos: Galerie Nosbaum Reding, rue Wiltheim, Luxembourg, www.nosbaumreding.com

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