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Marie-Anne Lorgé

On tourne

Le bonheur est toujours compté, le bonheur est toujours ailleurs, le bonheur fuit celui qui le cherche – avec comme variante, fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve (dixit Gainsbourg chanté par Birkin) à l’adresse de ceux qui auraient quand même trouvé l’objet de la quête universelle –, ou encore,  le bonheur est un festin de miettes, waouh, elles sont légion les citations qui, échouant à donner une recette, plombent l’ambiance dès le café du matin…


Du reste, pour moi, ledit café matinal relève de la liste de ce qui rend heureux – tout comme d’ailleurs de rêver à un quotidien à l’allure d’éternel dimanche (si possible à la campagne) –, c’est déjà ça de pris sur un mot dont la définition défrise les philosophes depuis des siècles. En même temps, certes, le bonheur est… autre chose qu’un mot.


Toujours est-il que d’aucuns, convaincus que le bonheur est dans le pré (l’actuelle colère des agriculteurs sème le doute), évitent d’y couper les fleurs. D’autres, persuadés que l’amour (acteur cardinal du bonheur) pousse dans les roses, en achètent aveuglément, massivement traitées aux antipodes,  en cet unique jour de l’année qu’est… la Saint-Valentin… qui aurait été plus avisé de débarquer en mai – mais il paraît  qu’au XIVe siècle, on pensait que les oiseaux choisissaient ce jour, le 14 février, pour s’apparier…


En tout cas, en février, il n’y a donc pas que les crêpes, les grands feux et les premiers carnavals. On remet le couvert du cœur (et finalement, vu le monde comme il va, on ne s’en plaindra pas).



La preuve avec la comédienne et metteuse en scène Laure Roldàn, qui, actuellement à la Kulturfabrik (Esch), en vue d’une création de plateau, termine une résidence de recherche autour du film Le Bonheur d’Agnès Varda, qui, à sa sortie en 1965, avait fait scandale avec sa manière «de dépeindre l'adultère sans jamais le questionner, ni surtout le juger», soit: «l'amour n'est pas affaire de soustraction mais il se multiplie». Sauf que partant du film, Laure explore – une exploration qui se veut joyeuse et esthétique – toutes les images qui «pourraient matérialiser cet idéal impensé qu’est le «bonheur» qui structure nos relations, nos sentiments, nos choix», peu importe l’époque ou l’endroit où nous nous situons.


Curieux? Alors, rendez-vous à la Kufa ce vendredi 2 février, à 16.00h, le temps d’échanger avec Laure Roldàn, rejointe pour la cause par les acteurs Antoine Raffalli et Aurélie Bouquien.


La voie est ainsi tracée pour vous parler ciné. En deux films exactement.



D’abord, Les poings serrés, un film pudique et cruel, à hauteur d’enfant, deuxième long métrage du réalisateur belge Vivian Goffette – après le remarqué/remarquable Yam Dam en 2014.


Le décor? Un village de Gaume – terroir de coeur du réalisateur. Cécile et ses deux garçons y vivent retirés. Il y a Lucien, le fils cadet, qui ne supporte plus ni l’absence ni le secret. L’absence, c’est celle du père. Le secret, c’est celui qui entoure les raisons qui ont conduit ce père en prison, et sur lesquelles jamais le film ne s’attarde. L’enjeu, c’est de suivre à travers le regard de Lucien – nombreux, lents et intenses sont les gros plans sur les yeux du gamin , la palette d’émotions broyant chaque personnage, dont la haine de la mère, celle des villageois, et la perverse séduction du père tout autant.


C’est que Lucien (désarmant Yanis Frisch), «armé de son seul besoin d’amour et de filiation», décide envers et contre tous de revoir son père (démoniaque Laurent Capelluto – visuel ci-dessus), et ça passe par le mensonge, par le vol. Lucien se débat dans le déni, se jette aveuglément dans la gueule du loup et… donne le champ libre au processus de manipulation que son père met implacablement en place. «C’est l’histoire de l’enfant et de l’ogre qui se rejoue sous nos yeux». Et la fin de l’histoire, pour attendue qu’elle soit, ne laisse personne indemne.


Dernier plan sur la maison vide et sur la balançoire, seule, dans le jardin, là où le chien, fidèle compagnon de Lucien, a été pendu, supplicié par ses «camarades» d’école… Une seule image, d’une beauté chavirante, à la fois tranquille et fulgurante, qui résume/consume le deuil de l’enfance et la folie villageoise poussant une famille à disparaître.


Produit par Dragon Films et Lunanime, Les poings serrés sort en salles ce 7 février – notamment programmé à Arlon, au Ciné Espace (rue de Diekirch) le 16/02, à 20.00h.



Et puis, à Luxembourg, via Tarantula Distribution, voici L’invitation, le nouveau documentaire de Fabrizio Maltese, dont l’histoire est particulière (visuel ci-dessus) En fait, ce film est l’invitation du réalisateur Abderrahmane Sissako, en 2019, à visiter et filmer son pays natal, la Mauritanie, et qui débouche sur un voyage à la fois épique et intime, retraçant les fils d’une relation interrompue trop tôt avec le producteur et réalisateur Pol Cruchten. Suite au décès prématuré de ce dernier, Fabrizio Maltese, qui devait être le chef opérateur du film, a repris le flambeau en réalisant lui-même ce voyage et ce film (produit Red Lion).

 

En présence du réalisateur et de l’équipe du film, séances prévues le 2 février à la Scala à Diekirch (en français), le 4 février à 16.00h au Ciné Utopia (en anglais – Modération Boyd Van Hoeij) et le 8 février au Ciné Utopia (en français).

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