Le jardin, c’est de la philosophie rendue visible (Erik Orsenna). Voilà qui signifierait, eu égard au regain des mains vertes et autres modes partagés et raisonnés de planter des choux, que les rangs des homo philosophicus s’étoffent. En même temps, face à la paranoïa du monde, le doute est permis.
Il n’empêche, cultiver son jardin, c’est bien joli – à condition de ne pas raser sa pelouse à coups de ciseaux à ongles, comme s’y emploient les urbains qui ont de la nature une idée domptée/peignée – et c’est même essentiel… à condition de ne pas pervertir la célèbre formule du Candide de Voltaire, qui parle non pas de «son» mais de «notre» jardin à cultiver, autrement dit: à chacun d’exercer ses talents, de faire sa part du travail… pour faire progresser la société.
En fait, jardiner, ce peut être dangereux – tout comme d’ailleurs l‘art, autre essence politique.
Je vous raconte ça, parce que dans ma petite commune, au demeurant cossue, une saga déguisée en procédure urbanistique entrave un service à la collectivité en interdisant depuis 3 ans l’installation d’une grange (de stockage de petit matériel) pourtant nécessaire à un projet de maraîchage. Dans le topo, il n’est pas inutile de savoir que l’hectare devenu maraîcher et citoyen compromet ainsi… l’extension d’un périmètre de chasse, et qu’en prime, il est voisin d’un sentier de terre, un chemin agricole en passe d’être bétonné afin de faciliter l’accès à 7 futures maisons… à construire dans une vaste pâture transformée en espace à bâtir.
J’avoue, ça me défrise.
En attendant, les mirabelles brodent le paysage comme des billes d’or, et dans ma campagne – pour paraphraser l’un de mes auteurs favoris, Jean-Philippe Toussaint –, le vent est l’ennemi des chapeaux. Dans les semelles venteuses, les nuages dérivent comme des radeaux ivres et la lumière de fin août coule comme un miel, en douceur et en silence – accessoirement, sachez que ce week-end, c’est la Nuit de la chauve-souris, partout en Europe, on vous propose donc des sorties nocturnes… à l’écoute des Chiroptères.
Selon le compositeur, poète et plasticien américain John Cage, quand un bruit vous ennuie, écoutez-le. Zénitude. Sauf que s’agissant d’un bourdonnement, on a rarement le temps d’écouter la guêpe. Et que s’agissant d’un claquement de porte ou de bottes, l’angoisse nous bouche les oreilles.
Sinon, les 7 lettres qui pour l’heure tintinnabulent, ce sont celles de la rentrée, un mot qui colle aux brumes de l’aube et aux escargots de la tombée du jour.
Dans les accessoires du décor, à l’évidence, plus de cri de craie, ce calcaire fragile qui (selon le poète Guy Goffette) servait de mot de passe artisanal à l’enfance – au demeurant, survivant d’un vécu de banc d’école, ce crissement est parfaitement insupportable –, et plus d’encrier ni de plume qui s’écrase en pâtés sur la page blanche.
Pour autant, des pages il en pleut par centaines, et ça s’appelle «rentrée littéraire», un rituel (français) qui compte encore, voire très attendu, qui offre à l’objet livre – toujours pas déboulonné – une incomparable vitrine. De quoi engager dans la foulée un vrai débat sur la littérature et sur le décrochage de la lecture, tout tirant des plans sur la comète quant aux titres se profilant au mieux pour les cadeaux de fin d’année.
Perso, j’aime me perdre dans cette forêt d’histoires, semées comme des cailloux blancs par des auteurs/autrices qui, en l’occurrence, cette année, se demandent… comment on fait pour (s’) aimer.
Eh quoi, ambition trop sage, trop proprette?
Minute papillon, dans ce monde d’ombres borgnes, individualistes, dominantes, discriminantes, cupides, incendiaires, suicidaires, génocidaires (ne rien biffer, aucune mention n’est inutile), ça a plutôt l’allure si pas d’une fronde en tout cas d’un contrepoison à notre temps.
Du reste, l’amour, c’est la grande bataille de l’humanité. Et l’encre, sa plus subtile stratégie. Par un mot tout est sauvé, par un mot tout est perdu.
En attendant, un conseil bio, signé Voltaire: j’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé.
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