Les jours sont raccords avec le décor, froids comme des glaçons. Il a neigé, c’est l’occasion à ne pas rater… de lever les yeux… à hauteur de flocon, ce petit grain de poussière qui se baladant dans l’atmosphère, tombe sur de la vapeur d’eau pour alors se transformer en un microscopique cristal de glace dont la géométrie est fascinante.
A tel point fascinante qu’elle fut le sujet d’étude de l’astronome Johannes Kepler, détaillée dans son ouvrage de 1611. Lequel a aujourd’hui inspiré un album graphique, Le Flocon, où les auteurs (Bertrand Santini et Laurent Gapaillard) montent un conte en neige en même temps qu’ils livrent une leçon d’humilité d’une poésie étourdissante (chez Gallimard).
C’est à lire, calfeutré(e)s derrière des vitres ornées de fleurs de gel, avant d’aller se défouler dans le brouillard… ou la poudreuse, selon la latitude où vous vous trouvez, et de terminer votre virée blanche par la dégustation d’une tasse de chocolat chaud, breuvage prisé en cette «trêve des confiseurs», période qui nous sépare du jour de l’An, où, selon la tradition, il convient de refouler les fâcheries sous le tapis, les chagrins aussi. Accalmie généralisée, donc, au profit des sucreries qui font les choux gras des boulangers.
Sauf que cette année, sous le gui ou entre les santons en pâte à sel alignés par taille, des questions bourdonnent comme une grêle. Celle qui nous contraint à traverser le temps en «démerdentiel». Et celle d’un vaccin annoncé comme la fève de la galette des rois.
On frise l’indigestion. Mais un antidote existe. A savoir: la balade. Avec un rendez-vous fixé autour d’un banc givré, où, respectant la règle de distanciation, on peut s’échanger des vœux. Aux allures de rêves éveillés, pleins de fêtes et d’embrassades. Pleins de gens aussi qui racontent des histoires, ceux-là, les artistes, engagés à rendre le monde vivant.
Des artistes qui, en l’occurrence, se collent aux murs comme des affiches. Sachant que les affiches dont il s’agit sont celles qui squattent les palissades censées masquer les chantiers qui balafrent la ville. A l’initiative du Cercle Cité, cinq graphistes indépendants (luxembourgeois) donnent ainsi la parole auxdites palissades. Comme une façon aussi de découvrir Luxembourg (et ses alentours) autrement. En une sorte de jeu de piste.
D’ailleurs, si le projet d’affichage est baptisé FLOW, c’est clairement pour faire référence au mouvement, à celle du promeneur, à celle de l’impermanence du monde – tout particulièrement en cette période – et à la spécificité de l’affichage, certes d’une forte visibilité urbaine, mais foncièrement éphémère: «il s’implante, s’expose (aux passants et aux intempéries) et disparaît pour laisser place au suivant».
Alors voilà, au gré de la météo, le bonnet enfoncé jusqu’au nez, accostez Quarantina, un pays fictif imaginé par Linda Bos & Runa Egilsdottir où les courants marins et la topographie rappellent les hauts et les bas qui ont marqués 2020 – il faut se rapprocher des affiches pour en apprécier tous les détails (voir photo: c) Cercle Cité, Iyoshi Kreutz)!
Topo maritime aussi avec Mik, alias omniscientbeing, illustrateur et designer, qui convoque l’océan, ses vagues et ses turbulences, comme une confrontation avec le chaos… que l’on parvient à vaincre.
De son côté, Michel Welfringer assemble des figures géométriques rectangulaires, les unes bardées de lignes ou de points, les autres mangées par des yeux écarquillés, comme autant de pièces modulables d’un jeu de domino – disséminés dans les affiches, des QR Codes sont à scanner pour prolonger l’expérience…
Pour Laurent Daubach, en flagrant manque de musique live, FLOW lui a immédiatement fait penser aux célèbres paroles des Beastie Boys, Let it flow, let yourself go, Slow and low, that is the tempo – avec la foule qui unit l’ensemble!
Sinon, au détour de votre promenade, faites un crochet jusqu’à la place des Bains, côté boulevard Royal, là où une caisse en bois protège la fontaine sphérique des frimas, caisse au demeurant utilisée chaque hiver comme socle pour l’installation d’une œuvre d’art éphémère – pour le coup, ce projet d’art urbain s’intitule BOX.
Tous les ans, depuis 2018, un artiste ou collectif d’artistes est donc choisi pour s’approprier cet espace peu banal. Et cette fois, c’est Vince Arty qui s’y colle, avec Imagine-moi, Façonne-moi, Touche-moi, une sculpture en métal «dont les reflets de lumière et la douceur des formes semblent en contradiction avec le sujet», à savoir: l’humanité en errance.
Sujet universel, où que vos pas vous mènent...
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