100 Joer Lëtzebuerger Konscht, à Strassen, c’est une occasion unique «de rendre hommage aux artistes qui ont participé à leur manière et en leur temps à la vie culturelle du pays». Et parce que c’est unique, je vous en propose une visite éclair, sachant que pour les visiteurs «empêchés» – eu égard à l’aléatoire passage des frontières, crise sanitaire oblige –-, une visite virtuelle de l’expo est possible: je l’ai testée… et ça marche sur www.strassen.lu
Dans cette expo, on croise notamment le peintre Robert Brandy, auquel le MNHA (Musée national d’Histoire et d’Art) consacre une vaste expo rétrospective (50 ans de carrière) à partir du 31 mars – j’en parlerai le moment venu.
Mais on n’y croise pas le sculpteur Pitt Brandenburger… qui, actuellement, installe ses sentinelles et autres passeurs de lumière à Esch/ Alzette, dans la galerie Schlassgoart (Pavillon du centenaire/ArcelorMittal). Atmosphère cathédrale. Expo magnifique, remarquable tant par la précision technique que par la science et l’intimité du langage des essences de bois, bouleversante aussi par ses références à une mythologie plurielle et, surtout, par sa charge spirituelle. Alors, forcément, je m’y attarde (patience… jusqu’à demain).
Elle vaut assurément le détour l’expo rétrospective qui, au Centre culturel Paul Barblé de Strassen, rebrousse 100 ans d’art luxembourgeois. Travail titanesque – ou challenge obstinément relevé par le passionné Jean Fetz, président du LAC (Lëtzebuerger Artisten Center), qui vient de souffler ses 35 bougies –, travail titanesque, donc, que cette collecte faite, deux ans durant, auprès de collectionneurs institutionnels et surtout privés, de 165 œuvres peintes et sculptées (dont certaines rarement montrées ou méconnues) de 66 artistes.
66 artistes dont (en vrac et dans le désordre) des postimpressionnistes, des abstraits, des paysagistes (Sosthène Weis, Dominique Lang, Eugène Mousset, Jean Schaack), des portraitistes, des symbolistes, des surréalistes, des conceptuels. Et des pionniers (Joseph Kutter, Joseph Probst), et des créateurs tombés dans l’oubli, et tous ces plasticiens de la bannière «jeune»: Michel Majerus pour le pop art, Sumo pour l’art urbain, et Su-Mei Tse, Filip Markiewicz, Marco Godinho qui ont représenté le Luxembourg à la Biennale de Venise, comme ce sera aussi le cas pour la peintre Tina Gillen, de mai à novembre 2021.
Le tout sans compter la photographie (dixit Steichen, Michel Medinger, Jeff Weber, Daniel Wagener).
La liste est loin d’être exhaustive et dans l’accrochage, chaque artiste ne bénéficie pas d’un même nombre exposé d’œuvres (dans un cas, c’est 1 œuvre, dans l’autre, c’est 3), il n’empêche, ni encyclopédique, ni linéaire – au visiteur d’apprécier et/ou de slalomer dans le mélange des genres et des générations (des bronzes de Lucien Wercollier aux bétons de Bertrand Ney, des bois totémistes de Marie-Josée Kerschen à la façon de dire l’homme confronté au réel quotidien selon Moritz Ney ou Patricia Lippert, à la façon de traduire l’esprit de la nature par la couleur-lumière grâce à Jean-Marie Biwer ou à Fernand Roda) –, il n’empêche, dis-je, l’initiative est louable quant à la perception artistique du pays: on découvre en même temps qu’on retrouve – que ce soit la vache en bronze de Charles Khol ou la poule de Dany Pum, par exemple –, on apprend en même temps qu’on rend hommage (à Foni Tissen, Ben Heyart, Raymond Weiland , Jeannot Bewing, Charly Reinertz, et j’en passe). Par sa densité, le défilé interpelle ou séduit, selon affinités.
Mais même déployé sur 2 étages, l’espace d’exposition reste exigu. Trop exigu pour réellement éviter que «trop de regard tue le regard». Et pour aussi se risquer à parler d’une préfiguration de la Galerie nationale, celle-là qui fait tant jaser – j’ajouterais que l’expo n’est accessible que 2 semaines, c’est un peu juste pour faire honneur au colossal travail, tout autant qu’à son coût (200.000 euros, dont 100.000 incombant à la commune).
Toujours est-il que dans la publication de 256 pages (illustrées) qui escorte l’exposition – c’est du reste bien autre chose qu’un simple catalogue –, deux signatures ont une dimension muséale: Jamie Armstrong, historienne de l’art chargée au sein du MNHA de documenter la préfiguration de la nationale galerie, signe un texte démontrant que «les styles et mouvements artistiques standardisés par l’histoire de l’art» ont, contrairement à l’opinion populaire ou critique, «presque tous inspiré les artistes luxembourgeois de différentes manières et à différents moments au cours du XXe siècle».
De son côté, Enrico Lunghi, historien d’art et ancien directeur du Mudam, «propose une lecture du développement des arts visuels au Luxembourg de 1989 à 2019», s’attardant sur son s’émancipation – à l’aide d’institutions comme le Casino-Forum d’art contemporain –, sa sortie du provincialisme, tout en posant la question de savoir si ledit provincialisme… n’est pas de retour?
Photo (© Christof Weber): Michel Majerus (1967-2002), Kurzzeit Messer, technique mixte, 70 x 50 cm. Collection particulière.
Infos:
100 Joer Lëtzebuerger Konscht, au Centre culturel Paul Barblé, (en face de la mairie) Rue des Romains, à Srassen, jusqu’au 11 avril, du mardi au dimanche de 14.00 à 20.00h. Les lundis sur rendez-vous. Pour visites guidées (maximum 8 personnes), inscription tél.: 31.02.62-252/241 ou par mal: culture@strassen.lu
Livre en vente 30 euros au Centre Paul Barblé, à la librairie Ernster ou sur commande par e-mail: culture@strassen.lu
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