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  • Marie-Anne Lorgé

Interlude

Mon petit monde a basculé. Premier Noël passé loin de la maison de famille, qui change de mains. Certes, depuis pas mal de temps déjà, le paysage s’est transformé tout autour, mais ce qui existe pour moi, c’est la maison de ma mémoire, avec la chambre bleue. J’emballe donc les objets dont on a oublié l’origine mais dont je ne peux imaginer me séparer.


En attendant, le vaste monde s’ébroue, soigne sa gueule de bois, les créateurs aussi. Alors je tiens à vous parler d’un théâtre régénérateur, d’une solaire inventivité, dans le fond comme dans la forme (moyennant souvent un dispositif fait de bric et de broc), loin du formatage stérile ou d’un modèle productiviste toxique, conçu et porté comme une véritable expérience par Isabelle Bonillo, un feu follet, un regard traversé de questions et d’imaginaire, une comédienne itinérante qui «promène son camion-chapiteau pour aller à la rencontre de son public et proposer des spectacles ludiques et interactifs, souvent adaptés de grands classiques». Parce qu’eux non plus ne méritent pas qu’on les oublie, et surtout parce qu’ils restent les miroirs toujours vivants de la nature humaine.

Du coup, rendez-vous au TNL (Théâtre national du Luxembourg), où Isabelle Bonillo «nous entraîne à devenir des misérables, puisque c'est ce qu'on nous demande en ces temps troublés et... comme Victor Hugo semble être le spécialiste...». En clair, dans sa nouvelle création, Isabelle revisite à sa sauce Les Misérables d’Hugo (photo ci-dessous © Fred Burnier) et la première a lieu le 11 janvier, à voir et revoir les 13, 14, 26 et 27 janvier à 20.00h, ainsi que le 15/01, à 17.00h.



Mais avant.


Entre le 31 décembre et le 1er janvier, quoi de neuf? Un saut dans le temps, un boulier compteur qui repart à 1, un goût de page blanche, de fable, de table rase, d’espoir fou et parce que «tout commencement comporte des présages», dixit Ovide, qui préconisait de chasser les mauvais esprits à coups de vœux, aujourd’hui assortis de pétards.


Sauf que la question du 1er janvier qui marque le début d’une nouvelle année, est occidento-centrée. Eh oui, ça n’a pas toujours été le cas, il a fallu ainsi attendre le XVIe siècle, le passage du comptage de la lune au soleil, des calendriers julien et grégorien, avec le grain de sablier de l’Eglise, pour que cette date soit en vigueur, et encore, pas partout, le Nouvel An chinois étant par exemple mouvant.


En tout cas, peu importe quand elle tombe, c’est une date qui, même au milieu du désastre, bouture moult joyeux, gourmands ou bruyants rituels, à la fois fossoyeurs et prophétiques.


Il est dit aussi que le jour de la semaine du 1er janvier détermine le temps de l'année. Et là, ça craint pour les stations de ski – on y vire de cap, troquant la glisse poudreuse pour la marche «qui nous rend immenses, nous confond aux arbres, aux mardelles, aux fentes à peine tracées comme un trait du doigt dans la pelisse d’une bête» (Jean-Pierre Otte). D’ailleurs, ça craint pour les hérissons aussi, voire pour les papillons, qui rompent déjà leur hivernage. Toutefois, aux dernières nouvelles, les marmottes dorment encore…


Par contre, la carte de vœux papier – née au XIXe signe au Royaume-Uni, coloriée à coups de paysages neigeux à partir des années 60 – est moribonde, enterrée par le GIF numérique, qui vaut en vrac, dispensé de timbre, mais d’attentions personnalisées aussi – certes, la tradition est sauve.


Tout comme celle de l’Epiphanie, jour du débarquement de Melchior, Balthazar et Gaspard, les fameux Rois mages: la fête est chrétienne, alors que la galette dégustée précisément le 6 janvier, qui d’un coup de dent vous intronise roi/reine d’un jour, est païenne, imputée aux Romains qui désignaient le «Prince des Saturnales» en offrant un gâteau dans lequel était glissée une fève. Laquelle fève – ou couronne de fruits confits selon les régions – a fini par coïncider avec la venue des trois visiteurs guidées par une étoile…


Sinon, grosso modo, la myrrhe et l’encens de janvier ont viré aux soldes, et les étoiles ont fondu…


En fait, le concept des soldes remonte à 1852, et fait rimer janvier avec «le mois du Blanc». La faute à un pionnier du commerce moderne, Aristide Boucicault, à la tête du Bon Marché, grand magasin parisien, à son idée de déstocker du linge de maison, alors exclusivement blanc, afin de relancer les ventes et de noyer ce déstockage dans la neige de saison, baptisant du coup son opération «le mois du blanc ». Notez que cette incitation nouvelle à la consommation féminine inspira à Zola son œuvre Au Bonheur des Dames. Preuve s’il le fallait encore que la littérature est une indéfectible caisse de résonance.


Du reste, du front ukrainien, arrive l’écho d’un assaut de l’écrit, mené obstinément par les bibliothèques, lieux de résistance et de résilience.


«Tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles», écrivait Victor Hugo, et nous revoilà au spectacle d’Isabelle Bonillo.


«Voici l'occasion de vivre de l'intérieur l'histoire de ce monument de la littérature, incroyable épopée chargée de l'odeur des barricades, de la Révolution où vous croiserez Jean Valjean, Cosette, Javert, les Thénardier et tant d'autres. Et Isabelle Bonillo vous raconte cette histoire à sa façon, en interprétant les principaux rôles dans cette interaction avec le public dont elle a le secret».


Infos: Théâtre national du Luxembourg, 194 route de Longwy, Luxembourg, réserv. tél.: 47.08.95 1, tnl.lu

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