Heure buissonnière
- Marie-Anne Lorgé
- 5 sept.
- 4 min de lecture
Des hirondelles alignées sur des fils comme sur un quai, septembre est arrivé.
La saison ressort les boîtes à tartines, baisse doucement la lumière, et la nature de bâiller sous le coup d’une mélatonine ou d’un ciel en feu, comme s’il était l’heure d’aller au lit…
J’adore cet entre-deux, avec son invitation hors sol: «Ne changez pas de rêve, sortez les plus souvent» (Karel Logist).
Alors, voici encore un peu d’heure buissonnière, entre prunelliers et rivières.
Et la rivière, c’est au demeurant une proposition poétique de Marco Godinho, qui, au MNAHA (Nationalmusée um Fëschmaart, Luxembourg), au creux de l’expo Land in Motion, et au travers de ses textes, livre une ode aux éléments où les mots deviennent rivières, paysages et souffle du vivant (ça se passe le 11/09, à 18.00h).
Notez aussi que Rivière, c’est le titre de l’expo automnale du CACLB (Centre d’art contemporain du Luxembourg), sur ce site fabuleux qu’est Buzenol (photo ci-dessous ©Bruno Tillière), en Gaume: il s’agit d’un voyage où rêve et rivière se rejoignent, un courant liant imaginaire et réalité, avec les artistes Sarah Behets, Olivia Perce et Emmanuel Tête. Le vernissage a lieu ce samedi 6 septembre, dès 16.00h, et bien sûr que je vous raconterai (du reste, l’expo se prolonge jusqu’au 19 octobre).

Et puisque j’en suis encore à vous parler de Gaume, je me permets – ci-dessous – une rencontre avec le monde dessiné, peint et sculpté de cet artiste aussi humaniste qu’inclassable qu’était Jean Morette, le temps d’une expo accueillie au Musée gaumais, à Virton.
Préalablement, en bref, deux bons plans (grand-ducaux) pour le week-end.
D’abord, au sud (commune de Pétange/Differdange), le Festival Vapeur, au Fond-de-Gras, les 6 et 7/09, de 10.00 à 18.00h, promet une plongée au cœur de l’univers ferroviaire d’antan –collection de trains miniatures et grandeur nature, circulation de locomotives emblématiques du Train 1900, tracteurs à vapeur, machines à scier, souffleuse de ballon à vapeur et autres curiosités du génie mécanique du siècle dernier, animations, ateliers pour enfants, outre le parcours en boucle du train minier Minièresbunn. Le festival est payant: 18 euros, enfants (5- 11 ans) 10 euros. Infos: www.minettpark.lu
Sinon, ce samedi 06/09, dans le Pfaffenthal, précisément au 4 rue Vauban, c’est la 10e édition du Rendez-vous au jardin de Canopée: une journée – de 11.00 à 21.00h – où la nature devient scène, où l’on sème des idées, des images, des notes et des mots. Au programme, 12 propositions créatives, dont l’atelier ouvert de l’artiste en résidence Pedro Amaral, la leçon de fermentation du chou au kombucha, le concert guitare-voix du duo The Stereos (à 14.30h) – de la pop douce aux classiques intemporels –, des ateliers participatifs à la croisée des arts et de la biodiversité (ne ratez pas les hydrolats de Mélissa), de la poésie à la carte avec Poèmance de Joël Delsaut – où chacun bricole son émerveillement personnel au fil des vers –, et puis, une performance loufoque médiévale, Perceval, l’histoire très librement inspirée de la fameuse légende arthurienne, réécrite et mise en scène par François Baldassare (à 17.00h). En clôture, DJ Ghost aka Gustavo Morales.
Pour tout savoir, surfez sur le lien (sachant que pour certaines activités de ce festival, tout public, une réservation est requise): https://canopee-asbl.com/06-09-25-line-up-rdv-am-gaart-ll-2025/

Je file en Gaume, une terre d’artistes, de peintres et de poètes. Halte au Musée gaumais, qui niche au 38 rue d’Arlon à Virton.
Là, l’expo En-jeux de l’Homme retrace l’œuvre de Jean Morette (1938-2023) – natif de Valensart (Jamoigne) mais qui a passé son enfance à Saint-Mard (Virton) – dévoilant en creux la tendre personnalité et l’imaginaire foisonnant, l’humour aussi, de ce créateur éminemment non conformiste, impénitent touche-à-tout, passant avec une égale jubilation de la sculpture à la peinture.
En l’occurrence, une sculpture anthropomorphe, bricolée/forgée/soudée comme un miroir de nos déraisons ou extravagances souvent inoffensives et passagères, la preuve avec les Céphalocrates, une famille de similis humains nés de fonds de réservoirs d’eau chaude, de cardans de jeep, de boulons, d’écrous, de racagnacs et autres matériaux récupérés dans les garages environnants et qui, soudain, prennent vie, formant de curieuses confréries chorales ou acrobates entre autres.
Et une peinture qui navigue de l’expressionnisme au surréalisme, du «parodisme» au «contemplatisme», en tout cas, qui brouille joyeusement les codes et les médiums, expérimentant la craie grasse, l’huile sur papier et sur polyester ou sur panneau, l’acrylique sur toile et sur verre, le lavis, la mine de plomb, l’encre, le collage… Pour accoucher au final de paysages ou, plutôt, de ciels, de sols et de maisons, celles-là qui se s’agrippent les unes aux autres ou se superposent comme des boîtes, toujours sans âme qui vive.
En fait, c’est à partir des années 80 qu’apparaît un personnage, costume noir et chapeau noir, sans trait, un hybride échappé du répertoire de Foulon et de Magritte, qui se fige ou avance déboussolé/déphasé dans une situation qui à l’évidence le dépasse (visuel ci-dessus). L’absurde prévaut, aussi la poésie, cela qui touche dans un au-delà des mots.
Cette diversité, c’est un choix de travail qui répond à la conviction d’un regard de philosophe, ou comme Morette l’a souvent répété: J’ai besoin de cette diversité, de ces manières et de ces matières pour comprendre notre monde, lui aussi multiple, même si j’avoue n’avoir encore rien compris.
A travers ses En-jeux de l’Homme, Jean Morette n’en finit pas de jeter un oeil qui frise sur le sens à donner à la vie, et c’est contagieux. On succombe jusqu’au 28 septembre, tous les jours, sauf le mardi, de 09.30 à 18.00, infos: www.museegaumais.be
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