Peut-être êtes-vous amoureux du vent comme Chateaubriand, peut-être avez-vous pris un grand bol d’air ce week-end. Du coup, vous ignorez que le Prix LEAP a été attribué à l’artiste mexicano-espagnole Hisae Ikenaga (qui vit et travaille à Luxembourg) et que la nouvelle expo du Casino Luxembourg-Forum d’art contemporain est possédée par le démon. En soi, y a pas le feu au lac. C’est pourquoi, avant de plonger dans les eaux de l’art, je vous propose une sorte de mini yoga de la pensée – s’arrêter, respirer, réfléchir – , juste de quoi sortir trois minutes de son petit coin gavé de procédure.
Eh quoi? C’était le printemps, voilà l’automne, et rien n’a changé. On n’a pas tourné la page Covid, mais surtout, chacun retranché, replié, craintif, soupçonneux (biffer la mention inutile) en oublie ce qu’est le désir, l’émerveillement et leur pouvoir de contagion.
Alors, voilà. Plus le temps de dire que quelque chose de neuf doit surgir, c’est l’heure de ce qui surgit déjà. A l’aide… d’une plume. Je vous dis combien c’est beau et comment c’est simple.
D’abord, il y a les «Feurs de funérailles», une opération mise en place par un collectif de poètes qui se fend de textes lumineux, souvent bouleversants, au service de tous ceux qui ont perdu un parent ou un ami en cette période de coronavirus, contraints à des obsèques expéditives, dans une intimité forcée. Née il y a sept mois, autour du poète (belge) Carl Norac, l’initiative essaime un peu partout, de plus de plus de familles endeuillées – du personnel soignant aussi – recourant à ces textes (disponibles en toute liberté et en permanence) pour honorer la mémoire des disparus.
Un texte, ce n’est pas grand-chose? Sauf que ce n‘est pas rien. C’est même tout sauf ça. C’est cela dont on a perdu le sens mais que l’on tend à recouvrer comme une boussole et qui s'appelle "aide spirituelle". Pour le moins, c’est une résistance aux chiffres: «Paradoxalement, alors qu’on a jamais autant parlé d’une maladie, qu’elle occupe toutes les pensées et les médias, celles et ceux qui en sont victimes semblent rendus plus anonymes, une statistique chassant celle de la veille» (voir la page: poetenational.be/fleurs-de-funerailles/).
Ensuite, il y a L’année du singe. Un petit livre que signe la rockeuse Patti Smith, où, partie pérégriner en solitaire, «avec un carnet de notes et une poignée de gris-gris au fond du sac», elle compile 17 petits poèmes en prose qui ont des allures de rêveries et de méditations, assorties de 35 Polaroids, l’œil prompt à décrocher les nuages, à capter un motel délavé ou des mouettes planant au bout d’un embarcadère .
Aux dernières nouvelles, Patti Smith envisage de transformer en résidence d’artiste(s) la maison familiale de Rimbaud, située à Roche, village ardennais près de Charleville-Mézières, qu’elle a acquise dans le plus grand secret en 2017. En tout cas, c’est dans cette maison que le poète a écrit Une saison en enfer.
Et l’enfer, pavé ou non de bonnes intentions, c’est précisément ce dont il est question au «Casino», dans l’expo L’homme gris. Damnation dans mon prochain post.
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