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Marie-Anne Lorgé

Du chant à la bêche

«Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter», disait Beckett, comme une façon de rappeler que «l’art n’est pas une coquetterie mais une question de survie». Remarquez, ça vaut aussi pour tous les refrains ânonnés sous la douche, ceux-là qui nous empêchent 3 minutes durant de… déchanter (3 minutes, c’est la durée du jet préconisée par une enquête scientifique, une de plus qui se mêle de jeter le bébé avec l’eau du bain).



En tout cas, histoire de vous prouver que chanter, ça soigne, j’ai épinglé une initiative absolument désarmante, celle du «Petit magasin de chansons livrées par téléphone», qui, en contre-poil du clic du commerce électronique, tire une ligne… entre chœur et coeur.

Comme souvent, les meilleures idées sont les plus simples. Et donc, pour tous ceux qui n’osent pousser la note ou surtout, qui souhaitent recevoir dans l’oreille une chanson pour se sentir moins seul(e)s – et ils sont nombreux à l’heure de «la fermeture d’espaces dédiés aux plus vulnérables» –, un groupe de comédiens barjots a mis sur pied un catalogue de chansons livrables à toute heure, il suffit de choisir entre Piaf, Dassin, Gainsbourg ou Noir Désir (notamment), de composer un numéro (le 00.32.470.20.11.45) et hop, 2 minutes 35 de bonheur (selon le duo Vartan/Carlos) – sous cet angle, bref calcul fait, il y aurait lieu de remplacer le pommeau de douche par un smartphone.


Ce qui fait aussi un bien fou, c’est l’odeur. Celle de la pluie sur la route. Des feuilles mortes qui collent aux semelles. Qui n’a pas déjà fait l’expérience de se laisser mener par le bout du nez, de ce nez dont le pouvoir vaut bien celui de la madeleine de Proust. Alors, c’est maintenant ou jamais. Et maintenant, sachant qu’«à la Sainte Catherine tout bois prend racine» (le dicton populaire l’affirme), c'est aujourd'hui! Donc, direction les arbres – les fruitiers ont cette année les honneurs de la traditionnelle distribution gratuite de plants (dont le point d’orgue, c’est le 28/11, Jour de l’arbre).


La bêche serait partout à la mode, selon les experts. Les haies aussi, celles-là longtemps sacrifiées mais dont on démontre désormais l’utilité, contre le vent ou les boues, pour les oiseaux – chorales aussi fabuleuses qu’inestimables – et pour la beauté du paysage. Pour ces images susceptibles de fabriquer des récits, ou vice versa.


Pendant ce temps, Père Noël se ronge les sangs. Enfin, pas vraiment lui, mais tous ceux qui le gavent de foie gras, truffes et champagne. Noël étant un esprit, de famille en l’occurrence, compliqué de le troquer contre une vidéoconférence ou de planifier traîneau et grelots en juillet par exemple, et donc, s’agissant de «se réinventer» – c’est la grande injonction du moment, chantée sur tous les tons, sans vraiment être au diapason de millions de précarisés –, essayons un vieux mot aussi galvaudé que les haies: la solidarité – à mille lieues du «planté de bâton», au grand dam des bronzés (peut-être) privés de ski.

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