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Marie-Anne Lorgé

Drôle d'escargot



Il fait un vent de novembre qui s’est trompé de saison. C’est donc juillet qui vente – pour autant, il ne pleut pas des oiseaux noirs (comme le dirait l’auteur de thrillers Franck Thilliez) mais des mouches. Des mouches venues en escadrons compacts, comme des camping-caristes, aspirées par le moindre interstice, par la moindre miette de nourriture oubliée. Même pas besoin de cette lumière qui affole les papillons. Et même pas peur, pas comme les abeilles adeptes du sur-place au-dessus du cœur d’une fleur et qui n’importunent que ceux qui dérangent leur goûter pollen.


Au rayon droguerie, la pénurie des tapettes à mouches, même télescopiques, divisent les camps. Il y a celui des âmes sensibles (eh oui, la tapette tue !), celui des hygiénistes (eh oui, explosé, l’insecte disperse des germes) et celui des dormeurs (eh oui, pour cause de bourdonnement, qui n’ a jamais testé la nuit devenue blanche de rage?). Ne manque que le moustique. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, sachez que des prophètes chafouins nous prédisent un été à guêpes. Le total bol nature.


Pas de quoi arrêter le pèlerin sur la route des vacances recouvrées, les vraies, pas les similis qui ont transformé nos jours en dimanches lors du pic de crise du Covid et qui ont fait de nous des plantes en pot, certains végétant plus en largeur qu’en hauteur. Etrange cette notion d’avant et d’après…


Donc, juillet vente. Or le vent purifie la route, dit la sagesse hindoue, qui ne précise pas que si cette route conduit à la mer, ça fait des vagues. En tout cas, plus le vent est fou, plus il pèse sur nos vies y a qu’à regarder le politique, qui doit en brasser beaucoup, du vent, pour être élu, pour éviter de boire la tasse ou de manquer de courant.


Dans mon village, pas d’éolienne, mais une girouette. Qui a perdu le nord un jour d’orage, la foudre décapitant son coq.


Et dans mon village, comme dans beaucoup d’autres, dans de nombreuses villes aussi, si l’heure n’est plus au plumeau, elle n’est pas non plus – ou pas encore réglée sur le régime minceur, cette dictature du prêt à porter le maillot. Eh non. La frilosité reste peu ou prou de mise. Collée comme un chewing-gum sur le mur, la lenteur continue son chemin. Avec, au bout, ce goût d’un dedans-dehors idéal qu’est la cabane.


La cabane, ça ressemble à un grenier, à un coffre de vieux souvenirs. Ça sent bon, comme le bois dont elle est née. Ça évoque le radeau de Robinson Crusoé, mais perché dans un arbre, prêt à voguer comme un nuage. La sensation est grandiose, capable de te distraire des chagrins dont on ne se console jamais. Le temps se délite, l’espace aussi, tu te prends pour un oiseau. Le cou tendu entre le ciel du soir qui prend feu et le… «plancher des vaches» (sachant que cette expression, qui désigne la terre ferme et que Zola a empruntée dans L’assommoir, remonte aux marins du XVIe siècle).


Au pied de l’arbre que tu peux enlacer – c’est d’ailleurs le seul toucher non contaminant du moment -, tu fermes les yeux. Y a du bleu de scabieuse et de campanule semé dans le vert. Et tu te fiches qu’il y ait une mouche sur le lait.

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