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Marie-Anne Lorgé

Dernier devoir de vacances

Elle est de retour la «capsule» conçue par l’artiste pluridisciplinaire luxembourgeoise Nora Wagner, aussi attachante qu'inclassable, adepte des marges, et le photographe-cinéaste Kim El Ouardi, près de 4 mois après leur départ en fanfare de la Kufa d’Esch. Une longue traversée à pied du Grand-Duché et du Luxembourg belge, à tracter 2 espèces de triporteurs bardés de curieux gris-gris bricolés, et du strict nécessaire à une vie low-fi, en totale autonomie (visuel ci-dessous).


Un retour joyeusement célébré dans le Parc Klein. On y a ri, mangé, bu, dansé, une fête à l’image des deux utopistes partis en doux rêveurs…



Le but de cette odyssée, réaliser un documentaire-fiction participatif «où les préoccupations environnementales, sociétales et artistiques seront déconstruites et mises en pratique». En attendant la sortie de ce road movie hors cadre (bénéficiant d'une carte blanche du Film Fund), l'histoire racontée par Nora et Kim, épuisés, des ampoules aux pieds, mais radieux et comblés, est celle d'une aventure humaine d'une richesse à faire pleurer, débordant de rencontres inespérées, de discussions interminables à refaire le monde, de fêtes de village (j'ai appris ce qu'est "faire la chenille", dit Nora), d’endroits improbables où dresser le bivouac, de rivières où se débarbouiller, de repas improvisés par des habitants, leur accueil quand abrutis par la pluie, Nora et Kim, trempés jusqu'aux os, désespéraient de continuer la route. Du reste, Nora n'est pas certaine d'un jour retrouver l'énergie de recommencer, mais ce dont elle est convaincue, c'est que l'autarcie, au contraire de l'autonomie, est une aberration.


Aventure humaine, absolument, mais aussi artistique, avec interventions en certains lieux d'artistes, danseurs/danseuses, comédiennes/diennes dont ceux de la «S» Grand Atelier de Vielsalm, aussi Tania Soubry et Aurélie d'Incau… invités à rejoindre temporairement la caravane.


Et puis, apprendre à se défaire d'un apparent superflu, alléger la «capsule» afin de plus aisément la pousser/traîner (cfr l’épisode de la roue cassée sous la charge, dans les cailloux), et dans l’idéal, afin de mieux la transformer en «archive pour les imaginaires alternatifs». Et marcher de très longues heures, une performance aussi physique que mentale, émotionnelle, où rien, malgré tout, n’empêche… le doute, ni surtout de se sentir seul(e). Une itinérance où s’affûtent fatalement la perception et les ressentis, où surtout se laisser manger par le paysage, le silence et… les oiseaux.


Aussi, puisque j’en suis à parler d’oiseaux, notez la création, au Mudam, d’un éphémère «Institut  pour le chant multi-espèces», une initiative de la poétesse et artiste Jasmina Al-Qaisi qui, à travers une série d’ateliers (le 4 et le 6 septembre, de 14.30 à 16.30h), invite le public (adultes et jeunes de 13 ns) à explorer les espaces extérieurs du musée, transformés pour l’occasion en un vaste marais imaginaire, à découvrir ainsi le monde fascinant des écosystèmes humides (places limitées, 10€/atelier, réserv. obligatoire).


Partant de la sphaigne, un genre de mousse spongieuse qui emmagasine l’eau, et du sifflet à eau, en particulier celui en forme d’oiseau – Péckvillercher, il s’agit de réaliser des partitions, de créer des sons en contribuant à une pièce radiophonique qui sera présentée le 7 septembre – ce jour-là, cette pièce sonore qui boucle le Summer Project 2024 du Mudam, sera interprétée dans l’espace du musée et diffusée en direct à l’antenne de Radio ARA). Infos: mudam.com



Dans les petits chemins, la noisette est encore timide mais ça sent la prune… et la boîte à tartines… et les 460 quatrièmes de couverture des romans de la rituelle rentrée littéraire.


Sinon, au beau milieu du désastreux contexte géopolitique, la poésie a gagné une nuit et trois jours astronomico-météorologiques d’août, avec une lune bleue et une plume de chaleur.


Plume de chaleur, c’est jolie comme expression non ? ça accable moins que le mot «canicule», c’est comme si une voyelle, une tentative d’écriture avait plané dans nos ciels, certes très brièvement  – du moins dans nos régions – mais de quoi distraire la perception du monde.


Désormais, la plume est en passe de retrouver l’école – où l’encrier a toutefois disparu – et d’étoffer la couette – eh oui, les matins sont frileux, la rosée brode les champs et l’araignée tisse sa toile.


Entre-temps, un guépard est mort, des  forêts sont parties en fumée et un volcan n’en finit pas de vomir …


Août expire… et je reçois une carte postale, ce vieil objet désuet qui défie le temps en quelques mots d’affection jetés comme une bouteille à la mer.



La carte postale n’a assurément pas dit son dernier mot. En tout cas, celle proposée aux Rotondes, à défaut de réel potentiel affectif, reste un transport têtu de souvenir(s), ce qui m’autorise à rebondir sur l’expo Les Voyeuses déjà évoquée dans un précédent post.


Initialement conçues comme balises visuelles du festival Congés annulés, lesdites Voyeuses devaient quitter le site de Bonnevoie le 21 août mais les voilà reconduites jusqu’au 8 septembre.


Et Les Voyeuses, c’est un féminin pluriel choisi de préférence à Voyeurs, terme plutôt péjoratif, parce que la bande des photographes y convoqués, se compose de 7 femmes… pour 5 hommes.

Il s’agit donc d’une expo photographique. Inédite à plus d’un titre. Déjà par le dispositif, à savoir: un ensemble de sortes mégaphones transformés en longues-vues géantes – semées à travers et même hors du site, chacune juchée sur une petite estrade rectangulaire, requérant du spectateur un peu de contorsion (j’ai testé !) – dont la mission est de nous permettre de voir loin… dans le temps (visuel ci-dessus: photo Sven Becker).


L’œil ainsi rivé au dispositif, la main actionnant une petite molette, on découvre des images prises il y a plus de 60 ans, toutes relatives aux Rotondes «d’avant», mais pas que, le propos n’étant pas d’exhumer le fonds de la Photothèque, et donc quoi?


En fait, ce qui se donne à voir, ce sont les créations de 12 artistes visuels contemporains – Cana Somay Panayırcı, Daniel Wagener, Etienne Duval, Jeannine Unsen, Jessica Frascht, Klara Troost, Lascar, Liliana Francisco, Lise Walgenwitz, Maxime Charasson, Viktoria Mladenovski et Yannick Tossing – invités à sublimer, interroger, transformer et déconstruire les photos historiques, ce sont leurs interventions surfant sur différents médiums, dont le collage, la distorsion, la découpe, la sérigraphie ou la broderie, qui défilent juxtaposées aux clichés (en l’occurrence) d’Edouard Kutter, Pol Aschman, Romain Urhausen, Theo Mey et Tony Krier. 


Certes, le dispositif est perfectible – des images restant collées – mais le résultat qui va et vient dans le tamis de nouveaux récits révèle des univers artistiques tendus par l’humour, l’absurde, la poésie, l’émotion aussi.


A ceux/celles qui souhaitent garder le souvenir de ce voyage spatio-temporel, sachez qu’il est possible d’emporter les photos par lot de 6 ou 12, comme un jeu des cartes postales, ce, à tout petit prix grâce un distributeur automatique de microéditions, le rotondo:mat, installé à l’entrée du site, qui du reste ne fonctionne… qu’avec des pièces de monnaie.



L’été n’est pas mort, encore propice à l’école buissonnière. Le temps de vous signaler un joli site du sud qui mérite une petite excursion, le Minett Park au Fond-de-Gras (Niederkorn). Là, très précisément dans le Hall Paul Wurth, l’artiste pluridisciplinaire Martine Federmeyer-Gwynne explore la rencontre entre la nature et les vestiges industriels, façonnés par les éléments météorologiques et le temps. Ses œuvres, marquées par des textures évoquant la dégradation et l’érosion, sont un hommage à sa famille et à l’histoire du Luxembourg, où le fer a joué un rôle crucial dans le développement industriel et social.


Expo accessible jusqu’au 22 septembre, les dimanches de 14.00 à18.00h, assortie de stages gratuits (le 31/08, puis les 7 et 14/09) axés sur l’utilisation des pigments naturels issus de plantes et minéraux locaux.

 

Sinon, pour éviter de parler de la rentrée, notez deux rendez-vous qui donnent des fourmis dans les jambes.

 

D’abord du côté du TROIS C-L – Maison pour la danse (à la Banannefabrik, 12 rue du puits à Bonnevoie). Le 3 septembre, donc lors du prochain 3 du TROIS, à partir de 19.00h, l'empathie est au programme dans un espace-temps en suspension avec MANY Mes de Rocío Dominguez, pour ensuite découvrir l'univers de Léa Tirabasso dans The Chain: cette pièce, interprétée par la junior compagnie de la CND, explore les stratagèmes que nous devons mettre en place ensemble pour concrétiser nos rêves et désirs enfouis: strass, paillettes et bonheur.


Dans la foulée, avec crash test dummies, l'artiste Chara Kotsali tente de créer une relative à l'absence de sol et d'horizons stables les performances de cascadeur.euse.s, de mannequins et de crash test s’inviteront pour incarner les vitesses supersoniques d’une culture qui court vers sa perte. Pour clôturer la soirée, la Cie Eddi Van Tsui, dans son montage vidéographique déluges, abordera l’intimité de la rencontre amoureuse, placée dans un lieu chimérique, suggestif, abstrait et sensuel: «dans ce jardin secret, le désir frôle le pouvoir et flirte avec l’émotion tel un funambule sur le fil de son rasoir. La rivière qui traverse ce paysage symbolique nous conduit à travers d’étranges tableaux et marque à la fois l’écoulement du temps et annonce une transformation à venir». Infos: www.danse.lu


En passant, je signale que, du 28 au 31 août, le même TROIS C-L présente la richesse et la diversité de la scène de la danse contemporaine luxembourgeoise à Düsseldorf, dans le cadre de l’internationale tanzmesse nrw 2024. Outre les 5 chorégraphes  William Cardoso, Jennifer Gohier, Saeed Hani, Rhiannon Morgan et Giovanni Zazzera présents sur le stand national (stand n°34), Sarah Baltzinger et Isaiah Wilson présenteront leur création MEGASTRUCTURE – «un puzzle dont les pièces se démontent, se cherchent, se casent, se testent, se réinventent en permanence» – le 29 août de 14.15 à 15.35h au Studio 4.


Et puis, du côté de FerroForum – tiers-lieu culturel né dans l’atelier central de la Metzeschmelz (Esch-sur-Alzette/Schifflange). Qui rend hommage à la «Grenz», haut-lieu de la fête ouvrière pendant les Trente Glorieuses.


En clair, ça donne «Feierôwend», un bal dans les murs d’une usine, le 6 septembre de 20.00 à 00.30h (venez endimanchés !). Feierôwend signifiant «couvre-feu» mais aussi «soirée du feu», attendez-vous à des démonstrations… de fer et de feu (c’est la notturna ferruginosa… avec frites et bières).


C’est aussi l’occasion de lever le voile sur le projet de livre de Laura Steil, chercheuse au C2DH qui s’intéresse à la culture et mémoire des fêtes, danses et musiques populaires dans le Luxembourg sidérurgique des années 50-70. Pour la cause, FerroForum continue de collecter des témoignages et des documents, contact: moien@ferroforum.lu


Feierôwend – accès à pied ou à vélo depuis les portails de Schifflange et Esch-Neudorf (piste verte), à défaut, une navette assume l’aller-retour en continu entre le parking portail Lallange et l’atelier central entre 20.30 et 00.30h «fera revivre la vie culturelle, sociale et artistique des ouvriers d’usine, mettant en lumière des dimensions moins documentées du passé industriel» (visuel ci-dessus: photo Romain Girtgen).



Et j’ajoute GEM, avec Fred Blin, un drôle de type qui débarque en sabots, perruque Louis XIV de travers, maquillage de clown et veste fermée par un portemanteau. Dans A-t-on toujours raison ?, ce personnage de tragédie en travesti, esquisse piteusement pas de danse et numéros de cirque. Surtout, il s'arrête souvent pour demander l'heure au public et combien de temps il lui reste pour finir. Avec des airs de cabot à la ramasse, Blin qui foire méthodiquement tout ce qu’il tente, fait prendre conscience comme rarement de la spécificité de son art, du temps de la représentation, de ses dangers, de son pathétique et de sa splendeur (visuel ci-dessus).


Personnage emblématique du trio d’humoristes français Les Chiche Capon, Fred Blin, avec son premier seul en scène pour un spectacle hors norme, inaugure le 05/09, à 20.00h, ce nouveau festival baptisé GEM, qui réunit jusqu’au 8 septembre des pépites de théâtre contemporain à la fois intimes et universelles, avec pour fil rouge l’identité et la place de chacun·e dans la société.


Ca se passe à neimënster (Centre culturel abbaye de Neumünster, Luxembourg-Grund); pour sa première édition, GEM – festival bisannuel prévu en alternance, en septembre, avec le festival de danse Aerowaves – propose une soirée germanophone avec trois pièces: Migrant Migraine –Tina Keserović y rappe sur les effets de la migration sur l’état mental et la santé physique d’une jeune femme partie à l’étranger dans l’espoir d’améliorer ses conditions de vie –, Der Prinz der Tränen – un seul en scène de et avec Kaspar Locher – et  Ich, Ännie, un monologue d’Anouk Wagener, d’après l’œuvre de Thomas Melle, une projection de nos espoirs et le miroir de nos désillusions, ce, le 07/09, dès 19.00h.


En français, Personne n’est ensemble sauf moi, la dernière création de Cléa Petrolesi qui a eu l’idée d‘initier ce projet en travaillant aux côtés de jeunes porteurs de handicaps, ne se rate pas le 06/09, 20.00h. Enfin, le dimanche 08/09, à 11.00h (introduction en luxembourgeois) & 16.00h (introduction en français), Nos petits penchants est un sujet traité sans paroles, à travers le langage de l’image en créant des décalages avec la réalité et proposant une poésie que chacun·e peut par la suite interpréter à son échelle.



A neimënster, là où, jusqu’au 30 septembre (entrée libre tljrs de 10.00 à 18.00h), la très édifiante exposition photographique Earth is not flat but soon will be – Climate Stories Near & Far met en lumière l’urgence de la crise climatique et ses implications parfois insoupçonnées pour les êtres humains aux quatre coins de la planète. A travers cinq photographes – Nichole Sobecki, Kerem Uzel, Andrea Mantovani, Natalya Saprunova et Mathias Depardon – et leurs récits – migrations forcées, extinction des traditions indigènes, dégradation des plages publiques, colonisation d’une faune et d’une flore rares pour en tirer des bénéfices temporaires –, l’expo s’affiche dès lors comme une tentative collective de faire face à notre passé et de recréer un avenir alternatif.

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