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  • Marie-Anne Lorgé

Dans tout ce vert

«Au milieu de la prairie verte, l’ombre de l’arbre ressemble à une île», dit le poète persan. En tout cas, pas de doute, il y a du vert partout, du vert de petits pois «assis sagement dans leurs cosses».


Bon, pour la cueillette, il faut attendre un peu. Par contre, le vers est mûr, il n’est ni sage ni assis, c’est celui du Printemps des poètes- Luxembourg (PPL); dans le jardin de cette 17e édition, les 26, 27 et 28 avril, un thème: la grâce.


«Que la grâce est petite ! Mais la terre plus encore…» selon Ocean Vuong, auteur vietnamo-américain (né en 1988) à qui l’on doit Un bref instant de splendeur, un premier roman (2019) au succès immédiat, et Le temps est une mère (Gallimard 2023), un recueil  poèmes «à vous retourner le cœur». Vuong dit que c’est Rimbaud qui l’a autorisé à devenir poète. Et pour Rimbaud qui voit les voyelles en couleur, le U est… en vert.


A vous les couleurs. Du coup, sans crier gare, une chanson s’invite dans mes oreilles, qui est un hommage  à une institutrice: «Aujourd'hui je repense à elle/ A toutes les vies qu'elle a changé/ Avec ses consonnes, ses voyelles/ Et toutes les phrases qu'elle a semé/Je la revois à son bureau/ La tête penchée sur le côté/ En train de réparer leurs mots/ Comme on soignerait des blessés» - l’instit’ en question, c’est la maman du chanteur, un certain Patrick Bruel !



En tout cas, remuer, bouleverser, bousculer, mais faire rêver et faire sourire aussi, c’est bien ce que les 12 poètes invité(e)s du 17e festival du Printemps des Poètes-Luxembourg se proposent de faire au cours des 3 jours d’un festival inédit, multilingue et festif, riche et divers, mais constant dans sa forme.


Ils viennent d’Autriche, de Catalogne et de Tchéquie, de France, du Portugal et de Hongrie, de Suisse, d’Espagne et d’Italie, du Liechtenstein et de Slovaquie sans oublier le régional de l’étape (Tom Hengen). Ils représentent la poésie d’aujourd’hui telle qu’elle s’écrit et se dit et chacun(e) nous fera entendre cette «façon de parler des choses, même les plus ordinaires» (découvrez les 12 poètes sur www.printemps-poetes.lu).


On bloque donc son agenda. Le 17e PPL ouvrira ses portes à la Kulturfabrik (Esch/Alzette) ce vendredi 26/04 – entre les lectures, Maxime Bender et Napoleon Gold interviendront par une expérience sonore unique mêlant sons acoustiques et sons électroniques (accueil et buffet 19.00h, début de la soirée 20.00h, réserv.: inscriptions@kulturfabrik.lu). Le lendemain, samedi 27/04, comme le veut la tradition, c’est une soirée marathon en deux temps qui réunira les 12 poètes à neimënster (Espace Nic Klecker), accompagnés au violoncelle par Beatriz Jiménez (début de la soirée 19.00h, pause-repas 21.00h, reprise des lectures 22.00h, réserv.: billetterie@neimenster.lu). Enfin, c’est dans le cadre intimiste de la galerie Simoncini (6 rue Notre-Dame) qu’est fixé le dimanche 28/04 (matinée à 11.00h) le dernier rendez-vous du festival avec, outre les lectures, une table ronde autour du thème de «la grâce».


Parce qu’un moment de grâce, ça s’impose en ces temps moroses.


C’est pourquoi je fabrique des fenêtres. En 6 expos, qui, partant d’une bibliothèque (la BnL du Luxembourg en l’occurrence), vous conduisent en pleine forêt, précisément sur le site du Centre d’art contemporain de Luxembourg belge. Le parcours se fiche des frontières, passe du chaud au froid (eh oui, avril ne se découvre résolument pas d’un fil), et vous parle en vrac d’héraldique (version Catherine Lorent), de cirque (façon Menny Olinger), de fer (hommage à l’artiste forgeron Jean Bichel), de verre et d’Etat des lieux (selon le fécond environnement d’Hélène Van den Putte). 


Sinon, non, je ne suis pas allée à Venise, mythique QG de la 60e Exposition Internationale d’Art – La Biennale di Venezia, arc-boutée cette année sur le thème Foreigners Everywhere. Le Pavillon luxembourgeois, à l’Arsenale (Sale d’Armi, 1er étage), a été inauguré le 18 avril, avec le projet A Comparative Dialogue Act porté par l’artiste luxembourgeois Andrea Mancini et le collectif multidisciplinaire Every Island, projet conçu «comme une infrastructure pour la transmission du son - un espace de production partagé qui remet en question la notion bien ancrée de paternité artistique individuelle. Une formidable expérience en ces temps de division et de polarisation». On promet une atmosphère certes sonore mais surtout sensuelle et performative. Avis donc à tous ceux/celles qui comptent pérégriner autour de la Sérénissime jusqu’au 24 novembre. Infos: www.venicebiennale.kulturlx.lu


Bien sûr, ici et maintenant, c’est pas mal non plus. Alors, pour ceux/celles à qui poussent des ailes sans prendre l’avion, notez aussi les Inédits d’atelier de Gust Graas à Schifflange, au Schëfflenger Konschthaus qui célèbre ainsi  le centenaire de l’artiste (l’expo reste accessible jusqu’au 18 mai, du mercredi au dimanche de 14.00 à 18.00h).


Enfin, pour marquer le jubilé de la Révolution des œillets, le 25 avril 1974, il y a donc 50 ans, le Nationalmusée um Fëschmaart (MNAHA, Marché-aux-Poissons, Luxembourg) thématise le renversement de la dictature au Portugal (sous Salazar), son passé colonial et l’exil de nombreux Portugais, un crucial mais peu connu chapitre qui a partie liée avec l’histoire de notre collectivité aujourd’hui. Intitulée La révolution de 1974. De rues de Lisbonne au Luxembourg, l’expo reste en place jusqu’au 5 janvier 2025.

Conjointement, avec le soutien de l’Institut Camoes, l’Université de Luxembourg (Campus Belval, Esch/Alzette) met sur pied L’héritage d’un œillet, une expo ouverte au public au 3e étage de la Maison du Savoir jusqu’au 24 juin2024.


Allez, hop, on se met en route…


Mais avant, sachant que du vers au fruit il n’y a qu’un pas… je vous conte une histoire … d’abricot (alors même que les pommiers sont en fleur !). Ça se passe au Théâtre du Centaure («Am Dierfgen», 4 Grand-Rue, Luxembourg).



L’histoire est celle de Julie, une petite fille dotée d'une passion exorbitante pour un fruit très particulier: les abricots doux, juteux et veloutés. «A l'orée d'un bois, non loin de chez elle, se dresse, dit-on, un abricotier d'exception, le plus grand de son espèce, portant les fruits les plus savoureux et les plus beaux que l'on n'ait jamais vus. Son père, cependant, lui a formellement défendu d’entrer dans cette forêt, car, comme se le racontent les villageois depuis des siècles, le mal y rôde. Mais habituée à obtenir ce qu'elle veut et poussée par une gourmandise démesurée, un soir, Julie se faufile en cachette hors de la maison, bien décidée à goûter à cette délicatesse unique et convoitée». Et voilà qu'un léger bruissement derrière un buisson dévoile un petit être merveilleux, surpassant de loin tout ce qu’elle n’aurait jamais pu imaginer...


En fait, Julie et le petit bonhomme abricot, c’est une histoire de Cosimo Suglia, développée en pièce de théâtre pour enfants à partir de 6 ans, mise en scène par  Daliah Kentges, interprétée par Mady Durrer (visuel ci-dessus), Luc Lamesch et Rosalie Maes, un petit bijou servi en langue luxembourgeoise (les 25, 27 et 28 avril) mais aussi en français, ce, les 4 et 5 mai, chaque fois à 15.00h et à 17.00h, au Théâtre du Centaure. Egalement en français au Kinneksbond Mamer, le 8 juin, à 15.00h.


Et puisqu’on est au royaume d’enfance, je saisis la «plume», ou PLOMM en luxembourgeois, pour vous signaler l’inauguration à Wiltz, au Campus Geenzepark, du musée du même nom, unique en son genre au Luxembourg puisque dédié uniquement aux enfants, à leur curiosité et à leur fantaisie, ce, sur une surface de 1.700 m². Selon le principe «Hands On !», les petits visiteurs peuvent appréhender les sujets de manière ludique et se positionner par rapport à eux. «Dans le contexte du musée, cela signifie que toucher les installations d’exposition n’est pas seulement permis, mais aussi encouragé».


L’inauguration officielle du Kannermusée PLOMM a lieu le 26 avril, à partir de 16.00h, sinon, c’est portes ouvertes le dimanche 28 avril, de 10.00 à 18.00h, avec visite par les enfants de zéro à douze ans, et leurs familles, de l’exposition permanente Arbre des histoires – une installation fixe où il est question d’écoute et de création de récits – et de l’expo temporaire LOVE, qui propose «de vivre des expériences à la fois amusantes et intuitives et d’embarquer pour un voyage à la découverte de l’amour sous toutes ses formes». 


Tout au long de cette journée du 28/04, aussi des lectures, des concerts, des jeux, des activités et ateliers pour enfants. Infos programme (gratuit) et réserv. sur www.plomm.lu.


Et puis, pour ceux qui ont les pieds qui démangent, des fourmis dans les jambes, les portes ouvertes adéquates sont celles de la Banannefabrik (12, rue du Puits, à Bonnevoie), siège du TROIS C-L | Maison pour la danse. Là, le samedi 27 avril, à partir de 11.30h, les YOUNG MOVERS fêtent la Journée internationale de la danse en proposant des ateliers ouverts aux passionné.e.s, entre 14 et 30 ans, quel que soit leur niveau de danse. «Ces ateliers invitent à se plonger dans les univers vibrants de la danse contemporaine, de la danse classique et de la danse urbaine, trois styles de danse fusionnés qui créent une expérience unique et dynamique».

Infos: www.danse.lu - Inscription gratuite par e-mail à youngmovers@danse.lu


Cette fois, c’est pour de bon, on se met en route.



Et je commence en belgitude par deux expos qui expirent ce 28 avril (donc, on se hâte). 


A Aubange, le Domaine de Clémarais (salle la Harpaille) accueille des fabricants d’arcs-en-ciel (de la région et d’ailleurs, dont Jean-Michel Folon), 16 artistes et artisans au chevet de l’immatérialité qu’est la lumière, seize alchimistes, vitriers, vitraillistes, autant de savoir-faire (soufflage à la canne, peinture dans la masse, assemblage sculptural y compris) et un florilège d’allégories, d’objets, de convocations abstraites ou figurées de la nature, de l’humaine communauté, de la féerie aussi, en tout cas, un hymne translucide et coloré où le temps chavire, tout comme le regard.


L’expo Reflets et transparence, c’est donc une expo, mais aussi un éventail de conférences, projections et concerts en intime raccord avec le «cœur du verre». Parlant de coeur, ne résistez pas à Mes années lumière, une rencontre avec Bernard Tirtiaux, artisan célébrateur du lumineux, qui, par le verbe et l’image, vous invite «dans la confidence d'un parcours de vie qui a la lumière en ligne de mire depuis 1968, date où il plaça ses premiers vitraux dans la chapelle de la ferme de Martinrou où il habite». (…) «Cette passion jamais démentie pour le verre et la couleur a trouvé des résonances dans l'écriture de romans, de poésies et de chansons habitée par la même obsession» - ça se passe le vendredi 26 avril, à 20.00h. Réserv. tél.: +32 (0)63.38.95.73 (de 09.00 à 17.00h) ou +32 (0)494.08.40.93 (hors horaires), sinon: www.ccathus.be


Et puis, à Arlon. A l’Espace Beau Site (au 321 avenue de Longwy). Lieu de révélations sans cesse renouvelées, d’affinités électives aussi. Ce qui est le cas avec Hélène Van den Putte – figure de l’Académie des Beaux-Arts d’Arlon, surtout artiste d’une inventivité sans limite – dont l’expo Etat des lieux rembobine le fil d’un demi-siècle de création. Et c’est un fil foisonnant, éclectique, qui circule allegro, tout de précision extrême (formation d’architecte d’intérieur oblige), entre la céramique, le dessin, l’illustration, le pastel, la gravure et… le tricotage de bandes magnétiques.


Les techniques sont diverses et les matériaux tout autant, pour peu, on s’y perd, mais ce que l’accrochage – en rien chronologique – met subtilement en relief, c’est le rapport au mouvement – palpable dans les compositions picturales, où il est question de train, d’autobus, et où, à travers un jeu de transparences et de reflets, figures et volumes se confondent, comme dans le brouillard de la mémoire – et rapport aussi à l’espace. Comme dans la série déclinant à la manière noire un personnage au balcon, qui disparaît progressivement dans le décor, un décor construit tout en angles vifs – indirecte référence à Zaha Hadid, architecte et urbaniste irako-britannique précurseuse –, comme une enfilade de lignes de béton mangée d’ombres.


Avec Hélène Van den Putte, il y a l’observation aussi clinique que sensible de son environnement (visuel ci-dessus), en particulier des objets de la poésie du quotidien, que ce soit le linge sur le fil, la bouilloire qui dort ou tout ce qui peut encombrer (flacon, boîte, aspirateur, sachet) les étagères d’une maison – ce qui a clairement inspiré le titre de l’expo, Etat des lieux.


Du reste, tout commence avec une proue de bateau en terre, celle-là que l’Espace Beau Site accueillait… en 2002. Tout à côté, un magnifique fusain, celui d’un homme nu, assis.


Ce qui au final infuse l’œuvre généreuse d’Hélène Van den Putte, c’est sa dimension narrative –d’ailleurs, l’artiste écrit et illustre ses histoires.


Alors, on enfile dare-dare ses baskets (de 10.00 à 18.00h), jusqu’au dévernissage prévu ce dimanche 28 avril, de 15.00 à 18.00h. Infos: www.espacebeausite.be




 

Premier arrêt grand-ducal à Walderdange, au CAW (5 route de Diekirch) – lieu sympa, intime –, le temps de battre le fer. Avec une expo hommage à Jean Bichel (1935-2022), «artiste patrimoine» qui offrait «du beau en sculptant au feu et à mille et une frappes de marteau». Une sélection d’œuvres en fer forgé et en acier (dont des faucilles et autres houes détournées, des figures d’anges, de danseurs et de moines, des allégories de la liberté ou de l’amour) le prouve par l’exemple. Oeuvres escortées par des photographies (de Pitt Becker) et des sculptures d’une dizaine d’artistes rassemblés sous la houlette d’Iva Mrazkova pour témoigner à la fois de leur amitié, estime et reconnaissance.


C’est que Jean Bichel, d’une «étonnante curiosité», n’a eu de cesse de partager son savoir-faire, une passion de la transmission qu’attestent ses petites forges et autres cours assurés à la Kulturfabrik (Esch) et dans les ardoisières de Martelange – c’est ce que raconte l’artiste Misch Feinen, devenu l’artisan et le pilier de FerroForum (restauration/reconversion de l’atelier central de l’ancienne usine d’Esch-Schifflange), qui fut son élève en ferronnerie. Transmettre mais aussi expérimenter, selon le témoignage du galeriste Alex Reding, d’abord sculpteur et chargé de cours en taille et sculpture sur pierre, qui relate l’enthousiasme de Bichel et leur complicité – au demeurant, Alex Reding expose deux œuvres de 1991, une panthère en travertin rose et un buste en pierre de Bourgogne.


Jean Bichel & ses amis, c’est à voir comme une belle histoire jusqu’au 12 mai - entrée libre les jeudis et vendredis de 15.00 à 19.00h, les samedis et dimanches de 14.00 à 18.00h.


Et puis, à Luxembourg, arrêt à la Bibliothèque nationale du Luxembourg (BnL). Halte dans la salle de lecture, où découvrir Insignia, la série d’encres de chine, d’aquarelles et de gouaches de Catherine Lorent, une artiste (luxembourgeoise) fondue de baroque, qui s’empare de ce domaine a priori passéiste et en tout cas obscur qu’est l'héraldique, pour lui assigner une perspective contemporaine artistique. Singulière et singulièrement décalée (cfr le visuel ci-dessus). C’est bluffant, surtout ça conforte le réel talent de peintre de la créatrice Lorent.


En fait, Insignia est programmée en complément d’une expérience, celle d’une immersion dans le monde des armoiries (ou armes) – son étude, c’est précisément l’héraldique, terme venant du masculin «héraut», à savoir celui qui annonçait et décrivait les chevaliers entrant en lice (tournoi) au Moyen Âge –, à la faveur d’une autre expo, intitulée Ars Heraldica.


Alors, les armoiries – qui font tout de même partie de la culture occidentale depuis plus de 800 ans, qui restent comme d’autres symboles ou emblèmes l’expression d’une identité personnelle, familiale et sociale (passant des chevaliers aux nobles puis aux villes, administrations et corporations) –, c’est pour le moins un monde mystérieux. Et j’avoue que je n’y étais guère sensible. Or voilà donc que l’actuelle expo Ars Heraldica de/à la BnL nous en offre un remarquable décryptage, basé notamment sur 22 manuscrits de la collection du docteur Jean-Claude Loutsch, gracieusement légués à la BnL en 2021. Et franchement, c’est aussi magnifique qu’édifiant, on déambule au milieu de documents précieux, de blasons dont la symbolique se régale d’un vocabulaire spécifique, un tantinet crypté, dont les couleurs et les formes répondent à une nomenclature strictement codifiée, mais parfois saugrenue.


Pour vous initier, ou déjà vous éclairer, des visites guidées sont prévues en luxembourgeois, en allemand et en français, en ce cas le 27 avril, à 11.00h, le 27 juin à 18.30h et le 23 juillet à 17.00h.



On revient dans la salle de lecture, rencontrer Catherine Lorent et son œuvre de papier, une exploration atypique du lien entre l’art et l’histoire, à travers cette science auxiliaire qu’est l’héraldique, vue/conçue en l’occurrence comme le reflet d’une société contemporaine façonnée par les rituels, les hiérarchies et les quêtes d’identité.


Concrètement, c’est une galerie de blasons joyeusement déclinés et chantournés, ourlés de rubans échevelés, comme sous l’effet d’un grand vent ou d’une houle de mer (normal, Catherine est navigatrice), et où s’ébrouent de concert des fanfreluches, des chimères, des éléments ornementaux et autres objets ou motifs insolites, proches des grelots du chapeau du fou du roi.


Dans cette fantaisie baroque, souvent coiffée d’une couronne, parfois de guingois, accessoirement habillée d’hermine, Catherine zoome sur l’écu central, parfois aveugle, sinon volontiers ouvert comme une fenêtre sur des architectures (cfr visuel ci-dessus: Creare Scientiam, 2024), des paysages surtout, familiers ou identifiables, en tout cas sublimes, à défaut, la fronde s’enhardit, avec allusion possible aux grotesques, de Rome ou de Jacques Caillot. Il arrive aussi que du texte se combine à l’image. En clair, bouder Insignia serait impardonnable.


Les deux expositions sont accessibles gratuitement jusqu’au 12 octobre.



Terminus au 2a rue Wiltheim, dans la galerie Hans Fellner, qui baisse définitivement le rideau avec cette ultime expo qui réunit deux artistes luxembourgeois, Moritz Ney – avec une quinzaine d’acryliques sur papier – et Menny Olinger – avec une vingtaine de sculptures en céramique, porcelaine et résine (impression 3D). Je vous donne le ton, c’est une expo qui fait exploser les couleurs (visuel ci-dessus).


Et des couleurs, Moritz Ney en a «un sens profond», servi par une «gestuelle flottante». Ici, en quelques fleurs stylisées coupées, dont tulipes et iris, c’est le printemps en pots, ou plutôt en vases. Ailleurs, c’est ambiance de kermesse, avec manèges, carrousels, roulottes et quidams, une façon concrète, d’une poésie aussi simple qu’amusée, de croquer la joie de vivre, mais sans bruit, juste… tranquille.  


Avec Menny Olinger, même sens de la fête foraine, du cirque plus exactement – cfr Saltimboque 1 et 2, deux bustes en céramique, certes clownesques mais revêches –, et même regard malicieux, perfusé par un doigt d’absurde et de magie.


Avec Menny, c’est étonnement à tous les étages, du cochonnet en porcelaine accroché au mur au portait en 5 versions de drolatiques œufs sur le plat aussi en porcelaine, de la langue médisante transformée en fontaine ou bidet Duchamp (porcelaine itou) à la tête de singe qui écoute (Mich laust der Affe), pastiche en résine de l’un des mythiques «Singes de la sagesse».


C’est dans la résine blanche que l’artiste inclassable déride son imaginaire, la preuve avec Boot, une oeuvre mécanique, articulée, où un canot sur roues, avec un mini Donald Duck à la proue, est tracté par une petite grenouille qui dompte une gueule de crocodile.


Et quand Menny revisite l’histoire de l’art, la fable a un goût de surréalisme. Il en va ainsi de Foni, une sculpture réplique du portrait ébahi du facétieux peintre luxembourgeois Foni Tissen (1909-1975), mais portrait retenu en l’occurrence par un fil – fil tendu entre le pouce et l’index d’une main –, comme s’il s’agissait d’un ballon. Il en va aussi ainsi de Barber, une grosse potiche en porcelaine, arborant par transfert le portrait noir du Titien, et coiffée d’une cage à oiseaux.


Un univers qui fait sourire les nuages, et nous aussi, jusqu’au 18 mai – du mercredi au samedi, de 11.00h à 19.00h. Infos: fellnercontemporary.lu

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