top of page

Code chlorophylle

  • Marie-Anne Lorgé
  • 30 avr.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 mai

On a changé de couleur, la saison est passée en code chlorophylle.


Café du matin, fenêtre ouverte sur mai, avec ce marqueur immuable du printemps qu’est le muguet – ce brin à clochettes blanches qui depuis la Rome antique, chez les Celtes aussi, s’accorde des vertus porte-bonheur. En tout cas, vérification dans mon pommier en fleur, c’est bien avec le retour des beaux jours que les oiseaux sont le plus bavards, et certes, ils ne chantent pas pour rien, non pas tant par pure joie de vocalises – ce qui toutefois suffit à nous rendre gais comme des pinsons – mais par intérêt et nécessité, mus par une poussée hormonale régulée par la durée du jour.


Du coup, à ce stade des réveils du printemps, je vous signale justement la dernière création (multilingue) d’Anne Simon, Spring Awakenings, la chronique d’un groupe d’adolescent.e.s qui découvrent les tumultes de la sexualité et luttent pour naviguer dans un monde déchiré entre la surabondance de l’information et le désir croissant de structuration. En fait, la pièce réactive un texte de 1891 de Frank Wekekind, mais réinvesti par des éléments élaborés dans le cadre d’ateliers impliquant précisément des jeunes d’aujourd’hui, afin, au final, de refléter leurs réalités et leurs voix.

Spring Awakenings, ça se passe au Théâtre des Capucins, en allemand, anglais, luxembourgeois et en français, avec surtitres, encore les 7, 8 et 10 mai, à 20.00h, ainsi que les dimanches 4 et 11 mai à 17.00h.



A l’évidence, la métamorphose fait son nid au printemps, et c’est pourquoi cette saison fait pousser nos ailes… avec des envies d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Ce vert qui, en tout cas, immerge le magnifique site, à la fois forestier, archéologique et légendaire, de Montauban-Buzenol, refuge du Centre d’art contemporain du Luxembourg belge (CALCB), idéale destination pour un plein des sens, où, en ce moment, des œuvres tissent un réseau d’affinités et de résonances, à l’image des écosystèmes d’un… Ecotone, titre de cette exposition collective et terme emprunté à l’écologie désignant les zones de transition entre deux écosystèmes, de sorte que l’expo révèle des espaces fragiles et vivants où s’opère une perpétuelle métamorphose.


En fait, dans Ecotone, cohabitent deux expos, celle qui réactive l’Artothèque du Centre – environ 130 œuvres, de petit format essentiellement, certaines remontant à 1995, sont ainsi exhumées de l’oubli, avec bonheur – et celle d’Elise Claudot, installée au dernier étage de l’Espace René Greisch, lequel, pour rappel, est une structure d’assemblage de containers maritimes vitrés. 


Originaire de Gaume et y résidant, Elise Claudot a étudié la peinture à Liège. La nature de sa région et de nombreux voyages lui ont appris l’esprit et les gestes de son art, dont le savoir du feutre. La preuve avec son assemblage installatoire qui transforme le lieu en un espace sensible, organique, où le sublime et le chaos se font écho (Alain Renoy).


Mue par un viscéral besoin de vivre au plus près de végétal, de l’animal, des ombres et des lumières,  Elise a passé un mois dans une cabane, nichée dans la forêt de Montauban. Résultat? Des branches mortes pour aspirer le vivant dans le blanc clinique du lieu, et dans les branchages, pour redonner vie à l’éphémère, des oiseaux de plâtre et de feutre blanc, aux authentiques plumes et à la queue d’écorce, des espèces factices, immobiles et muettes, mais répliques/témoins d’une fragilité véritable… sur Les routes qui traversent le ciel (visuel ci-dessus, © photo: J.-P. Ruelle).

 

Exposition magique accessible entrée libre jusqu’au 8 juin, samedi et dimanche de 14.00 à 18.00h ou sur rendez-vous (infos: www.caclb.be). Et pendant ces (belges) vacances de printemps (jusqu’au 9 mai) du mardi au dimanche de 14.00 à 18.00h.

 

Sinon, c’est la saison de la graphie par la lumière, c’est-à-dire, la photographie. Et le mois du genre, forcément appelé EMOP (Mois européen de la photographie), va monopoliser 25 lieux – télescopant en passant la LUGA (Luxembourg Urban Garden), cette vaste expo plein air d’installations paysagères et autres lieux de vie, s’agissant, du 7 mai au 18 octobre, de rendre visible l’invisible. Du reste, surfant sur la même épiphanie, le marathon photographique a déjà commencé, et là où je vous emmène (suivre ci-dessous), de Luxembourg à Dudelange, c’est au Cercle Cité, au MNAHA (Musée national d’archéologie, d’histoire et d’art) et aux Centres d’art Nei Liicht & Dominique Lang.



Mais avant, brève parenthèse sur un projet qui se réclame de Freud, soit: Gambling On Your self, une rencontre sous forme de séance de jeu en tête-à-tête avec l’artiste Flora Mar, ce, dans l’espace «Projects» de la galerie Nosbaum Reding (4 rue Wiltheim, Luxembourg).


Concrètement, au milieu d’huiles, collages, dessins, papiers, tout un florilège, aussi mystérieux que symbolique, de désirs inconscients nommés Portraits de soi, toute une série d’«esquisses» sur l’identité susceptibles d’initier une réflexion sur son propre rapport au «soi», Flora nous propose de «jouer le jeu», une expérience qui se déroule au centre de la pièce, dans le secret d’une petite tonnelle carrée en tulle: là, l’artiste invite le visiteur (sans public) à prendre place face à elle (visuel ci-dessus) et, partant d’un planche de jeu choisie parmi 13 oeuvres, à jouer avec elle… le temps d’un échange (30 minutes) qui n’a d’autre finalité que se perdre… pour se trouver.


Et la formule plaît, on se bouscule, il faut donc se hâter de réserver un créneau d’ici le 4 mai (eh oui, il ne reste que 4 jours !) les jeudi, vendredi, samedi et dimanche à 13.00, 14.00, 16.00 et 17.00h – se présenter 15 minutes avant le rendez-vous, tél.: 28.11.251 ou mail: contact@nosbaumreding.com


Sinon, petit regard arrière planté au 23 avril, date promue Journée mondiale du livre… et choisie par les frères Godinho, Marco le plasticien et Fábio le théâtreux, pour présenter LUAR, une maison d’édition indépendante (initiative audacieuse par les temps qui courent) lancée il y a 3 ans, avec l’illustratrice Keong-A Song.


A ce jour, 5 publications, autant de projets singuliers à la marge de différentes disciplines artistiques et littéraires. Et donc, LUAR signifiant clair de lune en portugais, chaque livre entend refléter une phase de la lune et son atmosphère, soit, une couverture éditée en blanc avec un lettrage noir très sobre pour la littérature et la poésie – cfr 2 titres: Offrir quelques mots à la rive de M.& F. Godinho et De l’astre son limbe d’Hervé Bize –,  une couverture en couleur et beau lettrage en relief pour le théâtre – cfr Erop - Un air perforé de Romain Butti –, suit la collection dédiée à l’illustration, avec, premier ouvrage, Le couturier M. Croco de Keong-A Song; enfin, dans la dernière série dédiée aux livres et multiples d’artistes avec des formats et contenus très variés, un titre paru à couverture anthracite, à savoir: Un feu permanent à l’intérieur de nous de Marco Godinho. 


Actuellement, une sélection des publications LUAR est en vente dans la librairie ArtBookBox du Casino Luxembourg (41 rue Notre-Dame).



Et de Marco Godinho, artiste visuel portugais-luxembourgeois, il en est encore question au Cercle Cité, exposant aux côtés de 4 autres artistes qui, conformément au thème de la 1Oe édition du Mois européen de la photographique au Luxembourg, adoptent des approches innovantes pour interroger la nature de l’image photographique et ses multiples dimensions – en clair, Rethinking Photography (Repenser la photographie), c’est le fil générique de ce nouveau chapitre d’Emoplux , et interroger les frontières entre visible et invisible, présence et absence, ce qui, en l’occurrence, télescope le titre de l’expo dudit Cercle Cité. Chronologiquement, c’est la première escale du marathon, enfin, non, pas vraiment.


En fait, tout a commencé au Musée Dräi Eechelen (Kirchberg) – dont c’est la première participation au festival biennal photographique , avec La cité transparente de Yann Tonnar, qui fait cohabiter le Luxembourg de 1829 et celui d'aujourd'hui en une seule et même image, un voyage temporel de deux siècles rendu possible grâce au collage digital – l’artiste a donc superposé des photographies numériques aux lithographies anciennes, soit, neuf Vues de Luxembourg publiées en 1828-1829, dont six dessins de Jean-Baptiste Fresez (1800-1867), donnant ainsi naissance à des œuvres hybrides qui questionnent l’évolution du paysage urbain (visuel ci-dessus: vue d’une salle photo ©Tom Lucas). Jusqu’au 16 novembre.



Retour au Cercle Cité. Arrêt dans l’espace d’expo Ratskeller (rue du Curé).  

Noir d’encre. Avec le plasticien luxembourgeois Yann Annicchiarico qui, à l’aide d’un scanner posé au sol, donne à voir des vies furtives, un chassé-croisé d’insectes, une chorégraphie de papillons de nuit déployée tout le long d’une sorte de souple fresque de satin.


Hologramme ou plutôt photo lenticulaire – deux techniques différentes d’image en trois dimensions apparaissant comme «suspendue en l'air» mais au résultat similaire – avec Marco Godinho qui, dans Blind Memory, compose un double portrait de Jorge Luis Borges (1899-1986), un portrait inédit de l’immense écrivain argentin universaliste frappé de cécité, déclenchant une nouvelle constellation de sens, ou «comment voir sans les yeux?» 


Photos d’archives et travail d’appropriation/ déformation du Lisboète Paulo Simão qui, dans Erased, puisant dans le fonds d’images de la Bibliothèque du Congrès américain, représente des monuments d'hommes ayant marqué l’histoire, dont certains aujourd’hui contestés, mais en effaçant le personnage – ne reste donc que le socle –, ce faisant, il met en lumière une "absence” historiquement chargée, d’abord politique, tout en interrogeant les représentations du pouvoir, l’art public et le rôle de l’artiste aujourd’hui.


Archives aussi avec l’artiste plasticien belge Lucas Leffler, dont le travail multimédia – vidéo et colloidum (image sur métal) – s’articule autour de la mise à mort d’un héritage, celui de l’usine Kodak, et de sa réactivation fantomatique. C’est à la fois (très) beau, techniquement virtuose, interpellant (quant à la production des minerais argentiques, des pellicules) et engagé, en ce que, créant ses propres émulsions photosensibles à partir de boues argentifères provenant de cours d’eau pollués (visuel ci-dessus), Lucas aborde les questions écologiques liées à l’industrie de la photographie.


Engagement également, et ruine, ambiance de guerre, avec l’artiste germano-irakien Raisan Hameed qui, partant d’images de Google Street View de sa ville natale, Mossoul, et utilisant un outil thermographique, crée des figures abstraites visiblement noircies par des flammes, une évocation des cicatrices dévastant les lieux de son enfance. Par ce processus expérimental, s’entrelacent l’histoire personnelle, la mémoire collective et la fragilité d’un monde façonnée par la violence politique et le déracinement. Formellement, la série exposée a l’allure d’une pellicule aussi monumentale que sculpturale.


Jusqu’au 29 juin, entrée libre de 11.00 à 19.00h. Visites guidées tous les samedis à 15.00h, visite curatoriale de Paul du Felice (en français) le 28 juin à 15.00h. Conférence (en français) sur Une petite histoire de la photographie le 13 mai, à 11.45h, au Ratskeller et table ronde sur Les enjeux de l’image à l’ère de l’IA le 20 mai, à 18.00h, dans l’auditorium Henri Beck -– dans les deux cas, infos et inscription sur cerclecite.lu


Direction le MNAHA, puis Dudelange. Mais pour vous épargner une indigestion textuelle et visuelle, hop, je vous pilote dans le post qui suit…

 
 
 

コメント


bottom of page