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Ce qui nous éclaire

  • Marie-Anne Lorgé
  • il y a 7 jours
  • 9 min de lecture

Cette première semaine de l’Avent sent le massepain, cette confiserie à base d’amandes glissée dans le petit soulier de l’enfance … qui accueille Saint-Nicolas.


Et de me dire que si l’adulte temps du monde ne fait certes pas de cadeau, ça ne fait pas de mal de se faire du bien. Entre bougie, bouquin lu comme un chocolat chaud, forêt détrempée arpentée comme si une neige s’y préparait, et, entre autres jolies étoiles à suivre, des façons d’artistes de créer des atmosphères aux allures de madeleines de Proust. C’est le cas avec Intérieurs à l’Espace Beau Site (à Arlon) et avec les Paysages d‘hiver de la Villa Vauban (Musée d’art de la Ville de Luxembourg).


Forcément, je vous en cause… plus bas en ajoutant un florilège de rendez-vous qui tombent autour du 6 décembre, comme dans une hotte.


D’abord, un autre accès à ce qui participe du merveilleux. A l’exemple, le jour tombant, des vastes nuées d’étourneaux formant des sphères, des nappes ondulantes, un phénomène connu sous le nom de «murmure»: une œuvre d’art vivante, sur une toile crépusculaire, d’autant plus magique que l’on ignore encore le pourquoi de ces vagues, sauf à supputer qu’elles aident les oiseaux à rester au chaud les créatures du bas, les humains, devraient en prendre de la graine (suis du reste tombée sur une phrase qui disait que, parfois, la seule présence de certaines personnes faisait déjà d’aller mieux).


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Et à l’exemple de cet autre art vivant qu’est le théâtre. Avec une comédienne qui en bouscule les codes, Isabelle Bonillo, une enfant de balle à l’engagement légendaire, qui, à chacune de ses créations, en solo et toujours en interaction avec le public, vous parle de la vie, la sienne incluse, en réactivant les classiques du répertoire, que, du coup, on découvre, pertinents, touchants, drôles, révoltants, déroutants, salutaires, comme des miroirs du présent.

 

Et donc, après sa revisitation des Misérables, interprétant chacun des personnages de la fresque littéraire, historique et sociale de Victor Hugo, voilà Isabelle qui, au TNL (Théâtre National du Luxembourg), débarque drapée d’accessoires de bric et de broc (visuel ci-dessus, photo Philippe Pache), prenant à bras-le-corps de célèbres monologues, ceux-là qu’elle aurait voulu un jour incarner, ceux-là que tout le monde a déjà entendus sans savoir où les situer (Antigone, Le Cid, L’Avare, Macbeth, Médée…), ceux-là qu’elle replace dans leur contexte en les greffant à des petits textes «maison» de transition en lien avec le quotidien des comédiens, sans oublier l’humour de certains de ses déboires perso.   


Au final, ce pot-pourri textuel qui passe de Shakespeare, Molière, Corneille, Racine à Edmond Rostand et Karl Valentin, truffé qui plus est de confidences et autres réflexions ludiques, c’est une performance «la» Bonillo ne se ménage jamais , un défi véritable troussé en 1 heure, et ça ne se rate pas, au TNL, ce soir (06/12) c’est la Première (à 19.30h), mais aussi le 7/12 à 17.00h, et encore les 12, 16 décembre à 19.30h, ainsi que les 6 et 10 janvier à 19.30h, et le 7/01 à 10.00h. Infos & réserv.: tnl.lu - tél.: 26.44.12-701.

 

Sinon, selon Monique Dorsel, la regrettée directrice de ce lieu fabuleux qu’est le Théâtre-Poème à Bruxelles, la poésie doit toujours se tenir sur scène. La poésie et, au sens le plus large, la parole.


C’est ainsi que je vous signale Je porte donc je pense, la grande finale du Concours d’éloquence organisé par l’ONG Fairtrade et l’Institut français du Luxembourg qui se tiendra ce lundi 8 décembre, à 18.30h, à neimënster. Ce concours d’éloquence a pour ambition de donner la parole aux élèves issus de plusieurs lycées du Grand-Duché ils sont une centaine à avoir participé afin qu’ils puissent exprimer leurs réflexions sur la mode, la consommation responsable et la justice sociale et environnementale. Soirée ponctuée d’une performance artistique exclusive de Norah Noush. 


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Pour coller à la carte postale de saison, je vous propose trois Paysages d’hiver, trois huiles sur bois de trois peintres néerlandais des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, qui ont désormais rejoint la collection de Villa Vauban effet combiné de deux acquisitions et d’une donation et qui se trouvent actuellement réunis (pour la première fois) dans une petite salle, ce qui n’empêche pas l’accrochage de valoir le détour par la dimension narrative des œuvres où le contexte climatique, le «petit âge glaciaire» de l’époque, avec ses aléas, se reflète dans le quotidien.


Et donc.

Il faisait un froid glacial sur Amsterdam au XVIIe, considéré comme le Siècle d’or de la peinture hollandaise, fer de lance des collections de la Villa Vauban, où le paysage hivernal, un genre alors prisé, ne s’attarde guère, ou pas prioritairement, sur les loisirs de la glace, sur les canaux régulièrement gelés d’alors.


Or, ce que nous raconte Jacob Esselens (1626-1687), peintre amstellodamois aussi marchand de tissus, dans son Paysage hivernal avec patineurs  un bijou d’œuvre (visuel ci-dessus), don de Claude Lebrun , c’est précisément le plaisir simple, ouvert à tous, du patinage, du kolf (ancêtre du golf), de la luge. Mais l’aspect remarquable de la scène tient à sa palette «résolument moderne», à sa perspective atmosphérique, avec un ciel bas, laiteux, qui se confond à la surface figée par le froid, où moulins, bateaux et personnages progressivement se dissolvent. Un paysage unique, le seul de ce genre connu de Jacob Esselens.


A ses côtés, pour suggérer différents angles des Plaisirs de la glace (c’est le titre de l’expo temporaire), il y a Paysage d’hiver avec moulin à vent et patineurs, tableau datant du XIXe siècle, peint par Andreas Schelfhout (1787-1870), l’un des principaux représentants de l’Ecole de La Haye, ainsi qu’une scène hivernale d’Andries Vermeulen, du XVIIIe siècle, qui perpétue la popularité des wintertjes, avec toutefois une allusion aux astreintes (embarcation immobilisée, bois porté sur les épaules…), sans pour autant verser dans la commisération.


On patine … jusqu’au 15 mai.


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Et à la Villa Vauban, tout n’est pas dit. L’expo dont tout le monde parle, c’est Art luxembourgeois du XXe siècle, le volet n° 3 de la série Bienvenue à la Villa !, qui réunit, en dialogue, nouvelles acquisitions/donations et oeuvres issues de la collection de la Ville de Luxembourg, dialogue axé sur la période allant du modernisme classique jusqu’au tournant du millénaire.


Voilà qui devrait peut-être titiller la curiosité de ceux qui languissent d’une future galerie nationale hypothétique, sauf, évidemment, que l’enjeu n’a pas, ici, cette prétention puisqu’il s’agit… de la sélection d’une sélection. La ligne est chronologique mais, au-delà ou à travers, elle s’autorise des juxtapositions dans la diversité et les époques, entre natures mortes et paysages, abstraction et figuration.


Partant des «sécessionnistes» artistes faisant «sécession» par rapport au Cercle Artistique, où l’on retrouve avec plaisir Joseph Kutter et un Jean Schaack «limite expressionniste» , pour ensuite croiser les interprétations graphiques de cavalcades de Moritz Ney ou les petits formats sculpturaux de Pit Nicolas, la déambulation, foncièrement éclectique, passe notamment par une immense huile, Les femmes, de Nico Thurm une succession de nus féminins, formes d’abord définies puis progressivement schématiques, abstraites - , par aussi une pléthorique série d’images (scènes érotiques?) de Wil Lofy, et par un sublime ensemble d’oeuvres sur papier de Roger Bertemes.


Et quid des femmes? Il est spécifié qu’au cours de l’après-guerre la création artistique s’est féminisée, la preuve entre autres avec la sérigraphie d’Annette Weiwers-Probst, le geste de Marie-Paule Feiereisen et un bronze totémique de Bettina Scholl-Sabbatini, mais, en remontant le temps, on rencontre Adrienne Baudoin-d’Huart (1892-199) qui, à l’Expo universelle de Bruxelles en 1935, a exposé aux côtés de Kutter et Schaack, à qui l’on doit une Marine, œuvre moderne qui met en scène une «mer vide» sous un ciel plombé, et des natures mortes forales, dont une gouache qui dynamise un jeté de fleurs (visuel ci-dessus).


On arpente jusqu’au 17 mai Villa Vauban- Musée d’art de la Ville de Luxembourg,18 rue Emile Reuter, www.villavauban.lu


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Pour combler une envie de se pelotonner, de sombrer avec volupté dans la torpeur des heures, dans l’intimité de lieux d’absence ou d’abandon juste habités par les sensations, aussi par les objets, ceux-là qui racontent une vie, l’adresse idéale, c’est l’Espace Beau Site, à Arlon (au 321 Avenue de Longwy), six artistes font communion, et communauté, autour d’un mot-monde, Intérieurs, abordé par divers médiums la photographie Marianne Grooteclaes, Jean Janssis, Jean-Pierre Ruelle ,  la peinture Catherine Bardiau et le dessin Gasquis, Françoise Pierson.


Les artistes portent donc un regard particulier sur ce que peut être un intérieur, un espace de solitude, ou de vie mais inanimée, ou de silence… traversé par le temps. Ils ouvrent des espaces familiers aux allures de passages secrets, des brèches à souvenirs, à ombres et lumières, à un autrefois ressuscité, et le plus magique, dans ce climat plutôt doux et fané, nostalgique, voire mélancolique, c’est que le quidam visiteur entre sans frapper, pour se sentir chez lui.


C’est clair, Intérieurs, c’est une expo d’atmosphères, d’instantanés devenus éternité, une expo d’une grande sensibilité biberonnée à la poésie.


Et tout commence par La ferme d’Olivier, un lieu délabré, un lieu d’apparent abandon, hanté par un personnage, Simone, disparue… mais toujours présente grâce à la photographie de révélation de Marianne Grooteclaes, qui circule de pièce en pièce. Et qui, autour de ses photos, installe un peignoir, un fragment de papier peint, ou un bouquet de fleurs en tissu, autant de témoins, d’éléments concrets qui incarnent à jamais l’absente. Ou conjuguent le passé au présent.


En écho, et en couleur(s), Jean Janssis nous parle de La maison de sa mère, une mémoire  qu’il réactive par les objets (bric-à-brac de cadres, chandeliers, bibelots..), par leur accumulation sur la cheminée, le buffet, le séjour …, des espaces désormais sans soin, plantés dans un temps suspendu, et que parfois l’artiste fige dans un médaillon, une forme désuète, utilisée pour tromper l’oubli.


Sinon, le phare de l’expo, c’est Willy Gasquis né en1926 à Liège, où il décède en 2014 , fidèle à la technique du pastel, abyssalement vibratoire raccord indéniable ave Théo van Rysselberghe (1862-1926), l’un des principaux représentants du divisionnisme en Belgique, et ami du poète symboliste Emile Verhaeren. Quelques silhouettes, beaucoup de rideaux et une table qui flotte comme un fantôme, pas de convive mais une nappe et des verres qui tremblent dans une blancheur spectrale.


Pas de convive non plus autour de la table de Françoise Pierson, où quatre assiettes discrètement empilées suggèrent les absents, ceux que l’on attend ou ceux qui ne viendront plus. Sur la table, un bouquet et, surtout, un sublime rendu des plis du tissu, lequel flétrit comme une peau (visuel ci-dessus). Et c’est par la lumière que Françoise traduit le velours élimé du fauteuil où elle s’assied, d’où aussi elle observe la géométrie des ombres et des gris sur le sol ou par les fenêtres, selon le jeu du soleil, au levant ou au couchant. Un pastel méditatif.


Quant à Catherine Bardiau, elle s’inspire de décors de films. Ses petits formats à l’acrylique sur mdf (bois) ressemblent à des plans-séquences empruntés aux salons (encore vides) de La corde et de La mort aux trousses d’Hitchcock, où l’imminence dramatique tend l’ambiance.


Intérieurs à voix basse et à pas feutrés jusqu’au 21 décembre, du mardi au vendredi de 10.00 à 12.00h et de 14.00 à 18.00h. Le samedi de 10.00 à 12.00h et de 14.00 à 17.00h, ainsi que les dimanches 7, 14 et 21 décembre de 15.00 à 18.00h. Infos: www.espacebeausite.be, tél.: +32 (0) 478. 52. 43.58. 


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Nous voilà arrivés au rayon «bons plans».


A commencer par un Marché des créateurs. Au Mudam (Musée d’Art moderne Grand-Duc Jean au Kirchberg), ce 6 décembre jusqu’à 20.00h, mais aussi le 7 décembre, de 10.00 à 18.00h (accès libre gratuit). C’est l’endroit idéal pour dénicher vos cadeaux à l’approche des fêtes de fin d’année… en y rencontrant 32 créateur·rice·s dans un cadre architectural unique.


J’embraye avec 2 rappels d’expos. Celle qui, au LUCA (Luxembourg Center for Architecture, 1 rue de la Tour Jacob, Clausen), consacrée à Charles Arendt (1825–1910): Staatsarchitekt, explore la vie et l’œuvre de l’architecte premier architecte d’Etat ayant façonné le Luxembourg du XIXᵉ siècle, dont les nombreux édifices publics, religieux et administratifs  témoignent d’une époque de changement et ont jeté les bases d’une culture architecturale durable. Jusqu’au 31 janvier, entrée libre mardi, jeudi, vendredi de 12.00 à 18.00h, mercredi de 12.00 à 19.00h, samedi de 14.00 à 18.00h, fermeture hivernale du 20 décembre au  5 janvier.


Et celle de Roland Schauls, qui a commis l’emblématique Portait Society (réinterprétant 504 portraits de maîtres anciens), mais aussi le tableau officiel du nouveau Grand-Duc Guillaume, accroché au palais depuis octobre, et qui, actuellement, à la Reuter Bausch Art Gallery (14 rue Notre-Dame, Luxembourg), présente une sélection de compositions (anciennes et récentes) invitant les spectateurs à imaginer leur propre histoire derrière les sujets représentés, parfois en postures décalées, souvent ironiques, toujours en brouillant les frontières entre dedans et dehors, intérieur et paysage.

Avec leurs couleurs vives, leurs références superposées et leur spatialité inattendue, les peintures de Schauls reflètent parfaitement l’esprit du Capriccio  le caprice pictural, fruit de l’imagination renouvelé/ amplifié dans Weitere Launen (visuel ci-dessus), jusqu’au 20 décembre.


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Enfin, parce que le projet risque de passer à la trappe, je pointe Marés Vivas (visuel ci-dessus), une fresque en carreaux de faïence de l’artiste visuel luxembourgeois d’origine portugaise Steven Cruz, conçue pour ranimer un vestige du passé de la gare centrale de la capitale, soit, un des piliers de l’ancienne passerelle reliant la Rotonde 1, lequel pilier devient ainsi support artistique. La fresque évoque des chemins parcourus, mêlant influences marines, symboles de liberté et fragments d’histoires oubliées. En fait, l’œuvre, suspendue entre rêve et réalité, laisse place à l’imaginaire. L’installation reste visible 24h/​24, 7j/​7, pour une durée indéterminée.


Ultime info:

Devenu l’une des ressources les plus complètes consacrées à l’art contemporain au Grand-Duché, l’InfoLab du Casino Luxembourg fait peau neuve grâce au studio NJoy  afin d’offrir une expérience plus intuitive et conviviale aux publics.


Ce projet s’inscrit pleinement dans la dynamique du 30e anniversaire du Casino Luxembourg-Forum d’art contemporain.

 

Sachant que la bibliothèque regroupe une sélection de plus de 8.000 ouvrages, dont une large sélection consacrée aux artistes luxembourgeois, 36 revues spécialisées et des dossiers d’artistes, consultables exclusivement sur place. Une partie de son fonds documentaire – comprenant catalogues d’expositions, monographies et livres d’artistes – est accessible via le catalogue collectif en ligne du Luxembourg, à l’adresse www.a-z.lu.

 
 
 
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