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  • Marie-Anne Lorgé

Carnet optique

Ma semaine en mode Brel. Qui ne voulait pas voir Vierzon et qui a vu sa belle-mère. Et moi qui voulais voir la mer – avec, partant d’Ostende et tout le long du littoral belge, les œuvres pieds dans les marées de la triennale d’art contemporain baptisée «Beaufort» comme un vent –, j’ai vu Kufa-sur- Alzette – c’est le retour de son irrésistible formule «Summer Bar», avec cour-podium ouverte aux performances ou DJ sets plein air, tables de guingois et ambiance décalée (le concert de Bartleby Delicate du 5 juin est apparemment complet), avant de m’attarder dans un lieu singulier, l’Espace Beau Site, prisé tant par les artistes (aussi luxembourgeois) que par le public (aussi luxembourgeois). Pour l’heure, il y est question de photos et de regards sur la ville. On est à Arlon, et je vous y emmène.


En passant, sachez que «t’emmener loin de tes idées noires», c’est un bout de refrain taillé comme un aphorisme par Michel Berger. Et par ailleurs…


«Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis»: ça, c’est un aphorisme d’André Gide, qui aurait accouché… du parti des «Insoumis». Histoire de dire que si vous souhaitez en savoir davantage sur l’importance renouvelée des aphorismes, de Gide en l’occurrence, dans les discours médiatiques et politiques, rendez-vous le 10 juin, à 19.00h, à l’Institut Pierre Werner, 28 rue Münster à Luxembourg-Grund (pour cette manifestation co-organisée par le Cercle des Amis de Colpach, la réservation est obligatoire, infos: www.ipw.lu).


En tout cas, dans la famille des insoumis, il y a les artistes – remarquez, ça dure depuis des siècles. Les créateurs … prennent parti. Le parti d’en découdre avec un monde comme il ne va pas et qui, pour le moins, ne souscrivent pas à la mode du bref, ni du consommé/jeté.


La preuve aussi décloisonnée que transversale avec TalentLab – un tremplin artistique pluridisciplinaire focalisé sur les projets expérimentaux et la transmission (deux pistes à suivre ci-dessous) –, avec aussi la photographie, encore elle, qui a «un rôle particulier à jouer dans l'effort de compréhension» de notre relation actuelle avec la nature, thème emboîté, tout comme celui du paysage, par le 8e Mois européen de la photographie (zoom ci-après sur les EMoP-Days).


Lors donc, il y a la nature – sa perception, son ambivalence, son exploitation – mais aussi ce qu’on lui oppose communément, à savoir: la ville.



Et la ville en question, c’est Arlon. Mise en orbite dans l’Espace Beau site, cette galerie-mezzanine qui surplombe le garage du même nom – exemple réussi de mécénat d’entreprise –, précisément sis… à Arlon. Du reste, c’est ainsi que «Beau Site» clôt sa saison sacrifiée sur l’autel du covid.


Et donc là, huit étudiants-photographes repensent la ville en filtrant un florilège de points de vue et, loin du cliché documentaire ou touristique, en optant pour une distanciation, cela qui passe par une réflexion et d’où émerge une traduction artistique, esthétique.


Ils sont huit, tous membres de l’Atelier photo de l’Académie des beaux-arts de la Ville d’Arlon, atelier que pilote Carole Melchior, détentrice d'un master en Arts Visuels (La Cambre à Bruxelles), qui vit et travaille entre le Luxembourg et la Belgique, et avec qui, de semaine en semaine, pendant plus d’un an d’accompagnement de recherches, le questionnement local a télescopé le devenir de toute réalité urbaine, à savoir: la bétonisation, la rupture du lien avec le sensible et le vivant, animal ou végétal, rupture du lien social aussi, généré par la fermeture des petits commerces.


Au final, «huit regards se portent sur la ville» et ça donne une «écriture visuelle inventive qui fait place à l’inattendu, ouvre sur l’imaginaire».


Globalement, c’est désert. Exception faite des «stewards» affectés à l’entretien/nettoyage de l’espace, donc ceux, héros de l’ombre habillés en rouge, seau et brosse à la main, que Pierre Jacques immobilise sur le perron de l’Hôtel de ville – Pierre Jacques, c’est le facétieux de la bande, toujours à l’affût du clin d’œil, du détail décalé, sinon absurde, qui fait basculer chantier et signalétique dans le gag.


Le chantier, c’est aussi le terrain d’exploration de Marie-Claire Crochet. Traitement digital, saturation des couleurs, atmosphère irréelle, aussi hypnotique qu’inquiétante, quasi cinématographique, à la David Lynch. Et quand, entre le béton, Marie-Claire cueille des fleurs, elle les traite comme un(e) peintre.


Tantôt, c’est la flânerie qui prévaut – avec un chien cascadeur, surgi sur le rebord d’une fenêtre ouverte –, tantôt c’est le vrai faux détachement, ce micro exil qui te fait fuir la ville pour l’apprivoiser de loin. Avec ses rectangles panoramiques, ses plates-bandes à l’allure d’aquarelles, Mariette Defays raconte les saisons qui, de nuit comme de jour, métamorphosent la ville réduite à une silhouette, noyée dans le paysage.


Autre exil avec Eric Flohimont, visiblement affecté par les vitrines désormais aveugles des anciens commerces qu’il a bien connus. Il les aligne comme des carrelages improbables, autant d’identiques formats noirs et blancs formant une mosaïque, sauf que cet exercice qui confine à la typologie dégouline d’empathie. Chaque façade charrie un vécu, inscrit sur une fresque au goût de madeleine de Proust, à la recherche d’un temps perdu (photo ci-dessus).


Et ce n’est pas tout. Il y a la scénographie, l’accrochage souvent à nu sur les murs et puis, sur la rampe de sécurité de la mezzanine, la reconstitution d’une rue, avec un chapelet de maisons découpées, miniatures, dans du carton peint.


Infos:

Arlon, ville en vues, à l’Espace Beau Site – 321 Avenue de Longwy, Arlon – jusqu’au 20 juin, du lundi au samedi de 10.00 à 18.00h. Dévernissage le dimanche 20 juin, de 14.00 à 18.00h. Tél.: (00.32) 478.52.43.58 - www.espacebeausite.be


Pour ce qui est des EMoP-Days, trois bonnes adresses.


Le Casino Luxembourg (rue Notre-Dame), avec son diaporama Rethinking Nature, en continu dans l'InfoLab jusqu’au 7 juin, rameutant les œuvres d'environ 110 artistes, provenant de 74 pays. «Les œuvres sélectionnées couvrent un champ de pensée artistique qui va de la réflexion philosophique, de la mise en scène conceptuelle, du document neutre jusqu’aux nouveaux romantismes. La compilation des différentes positions, en combinaison avec la musique composée spécialement pour le diaporama, ouvre une expérience audiovisuelle à multiples facettes qui permet d'explorer les rapports subjectifs respectifs avec la nature».


Au Cercle Cité (Place d’Armes, Luxembourg), qui, dans la foulée de son expo Rethinking Nature, organise une conversation intitulée Re-penser la nature, re-penser la photographie, ce, le 5 juin, à 15.00h, à l’Auditorium Cité (3 rue Genistre).


La parole sera donnée aux artistes – Justine Blau, Nicolas Floc’h, Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, ainsi que Daphné Lesergent, artiste et chercheuse, dont l’expo Siver Memories reste accessible au «Casino» jusqu’au 6 juin –, curateurs (Paul di Felice, Pierre Stiwer de Café-Crème) et théoriciens – dont François Soulages – qui dialogueront avec le public à propos du médium photographique et des nouvelles représentations paysagères. En langue française. Réservation sur inscription.


Au Mudam (Musée d’Art moderne Grand-Duc Jean, Luxembourg-Kirchberg) où l’on retrouve Justine Blau, artiste visuelle, qui rencontre le biologiste Thierry Helminger, le 9 juin, à 19.00h: un temps de regards croisés sur l’expo Enfin seules, sélection de photographies issue de la collection Archive of Modern Conflict. «Les plantes sont-elles vraiment seules? Sans aucune interaction avec d’autres êtres? Mais alors, qui s’en occupe?». En français. Gratuit. Inscription tél.: 45.37.85-531 ou mudam.com/booking



Pour ce qui est de TalentLAB, édition imbriquée au red bridge project – projet porté par le Mudam, la Philharmonie et les Théâtres de la Ville –, donc fortement marquée par l’artiste William Kentridge, sa phénoménale expo More Sweetly Play the Dance (au Mudam) et son centre de recherche artistique interdisciplinaire – le «Center for the Less Good Idea» créé à Johannesbourg, où «tout est possible, même l’improbable» –, que découvrir encore jusqu’au 6 juin?


Eh bien, la danseuse de Butoh Yuko Kominami, désormais installée au Portugal mais encore très active sur la scène nationale, qui, à travers In Ritual, explore une nouvelle formule de performance-rituel. A voir le jeudi 3 juin, dès 19.00h, au TROIS-CL (Centre de création chorégraphique du Luxembourg), à la Banannefabrik (12, rue du Puits à Bonnevoie), tout comme la chorégraphe Annick Schadeck, qui, en compagnie de l’écrivain Luc Spada, tente de comprendre ce qu’apporte le texte à la narration chorégraphique dans Locker Ruf. Réserv. tél.: 40 45 69, www.danse.lu


Notez aussi, le 4 juin, à 19.30h, la présentation au Grand Théâtre des maquettes «danse» réalisées par de jeunes artistes sélectionnés au TalentLab, et le samedi 5 juin, à 17.30h, la présentation au Théâtre des Capucins des maquettes «opéra & théâtre».


Enfin, la très attendue Fanfare Dada (photo ci-dessus), conçue par Stéphane Ghislain Roussel en trois ateliers autonomes mais complémentaires qui proposent d’explorer différents versants de l’œuvre de William Kentridge à travers le prisme de l’une de ses grandes références: le dadaïsme.

L’ensemble se clôturera le dimanche 6 juin. C’est le clou: ce jour-là, dès 16.30h, vous êtes invités à vous joindre à la déambulation joviale qui partira du Grand Théâtre pour traverser le Pont Rouge, passer devant la Philharmonie et se terminer au Mudam «afin de montrer sous la forme d’une sorte d’exposition vivante et en mouvement», les créations élaborées durant ces ateliers.

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