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Au bord du monde

  • Marie-Anne Lorgé
  • 25 sept.
  • 7 min de lecture

Ciels pluvieux/venteux, si lourds de leurs 50 nuances de gris poisseux, que, forcément, ils nous tombent sur la tête. Précoce temps de Toussaint, propice … aux amours, celles des araignées, tisseuses muettes, squatteuses de plinthes et plafonds, et celles autrement sonores du cerf, ce brame qui fait trembler les forêts ardennaises (ce que suggère le visuel ci-dessous, © Anne-Charlotte Finel). Et ça, c’est un spectacle grandiose, à vous réconcilier avec les bottes en caoutchouc…


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Bottes également conseillées – sinon, à défaut, chaussez-vous non pas élégamment mais confortablement – pour arpenter le Camille’s Gaart, ce jardin de sculptures de la commune de Beckerich, qui s’étire sur le site du moulin, tout dédié à la mémoire de Camille Gira (1958-2018), longtemps bourgmestre de ladite commune et secrétaire d'Etat au Développement durable et aux infrastructures.


Sous la forme d’un parcours, ce pont entre nature et art est balisé à la fois par 15 stations (conçues par Jhemp Bastin, Patrice Verscheure, Marie-Josée Kerschen, Florence Hoffmann, Assy  Jans entre autres) et par des bancs ou autres structures bois permettant une suspension du temps dans le vert, les arbres, l’étang. Petit coup de coeur pour une série de petites têtes en céramique créées par un des ateliers d’inclusion professionnelle à Redange, tout un petit monde elfique, en tout cas imaginaire, où percolent des émotions…


A deux pas du jardin, ne surtout pas rater la Millegalerie, petit havre lumineux dévolu aux couleurs du présent à travers des œuvres contemporaines


Autre parcours, urbain et poétiquement intitulé La Complainte des Orchidées, un très joli projet JUNCTIO conçu et réalisé par Sophie Langevin et Stéphanie Laruade: il s’agit d’une balade littéraire et sonore à traves 2 quartiers, celui du Grund et celui de Clausen, où, partant des rebords de fenêtres de 14 maisons, 14 récits d’orchidées vous sont révélés comme autant de mini-jardins intimes. Concrètement, tout démarre du LUGA Science Hub, point d’accueil situé rue St-Ulric (vallée de la Pétrusse), où vous munir du sésame, le plan de la promenade, et repérer les orchidées raconteuses, puis, devant chacune des maisons complices, moyennant Smartphone et QR Code, tendre l’oreille et se laisser surprendre par les histoires concoctées par des auteurs/autrices (dont Ian de Toffoli, Elise Schmit, Antoine Pohu, Stéphane Ghislain Roussel, Nico Helminger…) particulièrement inspirés.

 

Jusqu’au 18 octobre. Infos: orchidee.junctio.lu


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Sinon, oui, je sais, j’ai promis de rebondir sur les exos de Jeannine Unsen et de Darja Linder à Dudelange, et je m’y emploie ci-dessous, non sans d’abord faire un détour par la Valerius Gallery – au 1 place du Théâtre, Luxembourg – où l’artiste luxembourgeoise Monique Becker habite l’obscurité, à coups de grands formats abstraits quasi sculpturaux, d’une intense sensualité de noir, non pas une couleur, mais une substance en couches successives , une matière qui se déverse, s'éclabousse, s'étale, une peinture d’action, aussi intemporelle, perfusée par la mémoire et les non-dits (visuel ci-dessus). Jusqu’au 25 octobre.


Non sans aussi vous faire le topo des rendez-vous que vous auriez tort de zapper ces jours prochains.


J’épingle chronologiquement:

Lucilin, ensemble instrumental luxembourgeois, qui, ce soir (25/09) à 19.30h, nous convie à son concert d’ouverture de saison placé sous le thème Past > Present > Future, et ça se passe au Klub des Rotondes.


Aux Rotondes, on y reste, avec, ce 26 septembre, le lancement d’une programmation éclectique, un mix de vernissage, spectacle, concerts, conférence et ateliers, un joli condensé de ce qui attend le public dans les mois à venir. Et justement deux nouvelles installations artistiques seront dévoilées ce 26/09 à la Buvette, dès 18.00h. A savoir, , une création de Klara Troost – sur l’écran géant au-dessus du comptoir, il s’agit d’une  méditation visuelle orientée sur les cycles, une animation non narrative qui se déploie comme un collage hypnotique de motifs, un tissage d’animations (en deux et trois dimensions) qui entraîne le cosmique et l’ordinaire, le familier et le rêve –, tandis que Viktoria Vanyi exposera Zwëschent Welten une installation lumineuse et sculpturale interrogeant la façon dont chaque langue parlée révèle un autre soi – dans le cube (visuel ci-dessous).


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La Nuit des langues, aussi ce 26/09, dès 17.00h  en collaboration avec l'Institut Pierre Werner et le Parlement Européen. Stands, quizz, expo et spectacles au programme, dont, à 19.15h, Un souffle d’horizons  un souffle commun pour s’accorder là où les mots se confrontent au sens –, une performance multilingue de l’acteur, metteur en scène et auteur Fábio Godinho. ça se passe au Centre «Europa Expérience», Bâtiment Konrad Adenauer, 17 rue John F. Kennedy, Kirchberg- Luxembourg. Entrée libre. Inscription souhaitée: info@ipw.lu


Le Printemps des Poètes-Luxembourg (PPL) qui marque son 18e anniversaire ce samedi 27 septembre, à 19.30h, au Théâtre national de Luxembourg (TNL), en invitant le poète et dramaturge Jean-Pierre Siméon, parrain du PPL, auteur de Stabat Mater Furiosa, le cri solitaire d’une femme qui se révolte contre la guerre et la violence et qui résonne aujourd’hui de terrible manière. C’est autour de ce texte que se cristallisera cette soirée au titre beaucoup plus léger, Florilège. En première partie, des poèmes de Jean-Pierre Siméon et une discussion croisée avec le poète Paul Mathieu sur ce qu’est la poésie, son rôle dans la cité et sur le pouvoir des mots. En seconde partie de soirée, le Stabat Mater Furiosa de Siméon en lecture travaillée par Marja-Leena Junker qui avait porté ce texte fort une première fois sur la scène du TNL en 2004. Entrée libre mais réservation souhaitée auprès du TNL: secretariat@tnl.lu.


Soirée organisée en collaboration avec le TNL et l’Association Victor Hugo, infos: www.printemps-poetes.lu 


Enfin, Island 2.0 du collectif d’artistes Eddi van Tsui à voir et écouter le 28 septembre, de 14.00 à 21.00h au LUGA Lab (Pfaffenthal, Luxembourg). Cette installation immersive, fruit de mois d'investigation interdisciplinaire, interroge la réponse extraordinaire de l’archipel de Tuvalu face à sa disparition programmée: transférer intégralement leur nation dans le métavers. Le musicien et compositeur du collectif, Pierrick Grobéty, présentera en exclusivité l'environnement sonore qu'il a créé pour l'installation, soit: performance électronique à 19.15h. Mais déjà, vernissage de l’expo à 18.00h et visite guidée dès 14.00h. L’expo reste accessible tous les jours de 11.00 à 8.00h, jusqu’au 12 octobre, avec performance et artist talk lors du finissage.


C’est l’heure, je vous emmène à Dudelange


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Tout le monde descend pour Darla Linder (née en 1992 à Thälmanskij) – déjà rencontrée en 2024 au Cercle Cité (Luxembourg), avec Loreley (vidéo), dans l’expo collective GOSSIP – Matters hard to grasp.


Donc, Darja Linder, dis-je, qui raconte son histoire personnelle dans mute, au Centre d’art Dominique Lang.


Parce que, oui, au travers de ses peintures et performances vidéo, c’est bien de sa trajectoire d’exilée et de passé tenu sous silence qu’il s’agit, et que Darja arrivée à Sarrebruck en droite ligne de l’ex-URSS à l’âge de 6 ans trimballe comme un traumatisme, en l’occurrence ravivé depuis qu’elle est devenue mère. Une maternité qui décuple d’autant sa réflexion sur sa propre transmission.


Que reste-t-il lorsque le langage se perd? Et que transmettre dès lors que la recherche d’identité a pris appui sur des stéréotypes? C’est ce que nous raconte Darja, en utilisant et déjouant subtilement un héritage farci de clichés, ceux de la poupée russe – l’artiste, menue et blonde, s’auto-portraiture habillée de rouge et coiffée d’une grosse tête stylisée, parfaitement inexpressive, conforme à la matriochka, objet (emboîtable) symboliquement associé à la famille, à la fertilité (visuel ci-dessus) et ceux de la culture pop occidentale. En fait, Darja a façonné son enfance et son adolescence à partir de Britney Spears, promue modèle, dès lors intégré dans tous emprunts (les titres des oeuvres sont souvent des paroles de chansons) et dans toutes ses représentations d’archétypes féminins.


Au final, dans mute, Darja mélange tous ces ressorts, particulièrement colorés, sauf que le code pop ambiant est aussi pétant que faussement enjoué, comme un subterfuge, une tentative de dédramatisation, en vain, tant suinte une béance, une vulnérabilité. Laquelle se trahit singulièrement dans une vidéo (cfr le visuel de mon post précédent), où Darja, la poupée dans la poupée dans la poupée, installée allongée sur une couverture écarlate, au milieu de roses rouges, s’adresse à sa fille, se livre et délivre sa propre histoire en tentant d’écrire un nouveau chapitre, et c’est désarmant.


On tangue jusqu’au 9 novembre.


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Au Centre d’art Nei Liicht, autre proposition au féminin, voire féministe, avec Jeannine Unsen, photographe, apparemment à la croisée d’un dilemme existentiel, être ou ne plus être artiste… alors que la (pré)ménopause questionne son horloge biologique et déclenche une tempête émotionnelle – sujet encore tabou, néanmoins aujourd’hui obsédant, mais ressenti/vécu dans l’isolement et en tout cas rarement mis en images.


Résultat? Moustache gracias – délicieux détournement de «muchas gracias», merci beaucoup , une expo installatoire susceptible d’appeler à retrouver une énergie universelle, précieuse et créatrice.


Le tout, spectaculaire, se réclame d’un voyage en cinq étapes Trahison, Abandon, Révélation, Présence et Emergence , chacune assortie d’une figure animale totémique – dont le loup –,  un récit non figé, qui invite la spectatrice (voire le spectateur) à créer le sien, noyé dans une lumière inspirée d’une aurore boréale.


Du reste, partant de là, les éléments narratifs ou suggestifs le décor, le recours aux aphorismes et slogans sur bannières à franges, les personnages surréels ou créatures nimbées de voiles divins (de pythies?) évoluant comme une tribu codifiée par des gestes incantatoires, images photographiques (visuel ci-dessus) parfois transposées par impression sur des assiettes murales , procèdent d’un imaginaire délibérément redevable à l’IA, grosso modo raccord tant aux Mille et une Nuits qu’au folklore scandinave, le tout mouliné par l’ésotérisme.


Mon coup de coeur, c’est une vidéo où des femmes – les complices de pensée de Jeannine – forment en silence un cercle d’amour, un collectif nommé… sororité.


Au-delà de ce tout – qui (il faut l’avouer) pèche un tantinet par le kitsch –, une empathie contagieuse, une palpable suspension du temps, une indéniable vibration…


Une poésie aussi. Ce qui n’empêche pas l’humour, à l’exemple de la performance réalisée lors du vernissage, un rap décomplexé qui invitait non à pleurer mais à danser et… à baiser.


On s’immerge jusqu’au 9 novembre.


Les deux expos, mute et Moustache gracias sont accessibles du mercredi au dimanche de 15.00 à 19.00h – notez que des événements spéciaux sont proposés dans le cadre de l’expo de Jeannine Unsen le 27/09 et le 11/10. Infos: www.galeries-dudelange.lu

 
 
 

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