Août molto
- Marie-Anne Lorgé
- 2 août
- 4 min de lecture
Levez les yeux, pluie d’étoiles annoncée, c’est la nuit des Perséides…
Il est souvent dit que la couleur est un son. Il est aussi vrai que ledit son est une image. Et donc, sous une pluie fine, de celle qui donne l’impression de te débattre dans un monde que tu ne comprends pas, je suis partie écouter à travers champs, escortée par un couple de buses, dont le cri ressemble à un miaulement haut perché.
Tendre l’oreille pour fabriquer des histoires. Lesquelles, en l’occurrence, ont inéluctablement rebondi sur mon enfance au temps de l’été comme il se languit en août – avec sirop d’orgeat, labyrinthe tracé dans le sarrasin, cerf-volant cousu dans un vieux drap, lancer de noyaux dans la mare aux grenouilles et libellules. J’ai toujours adoré ce mois qui sent déjà la noisette, où la lumière ne brûle plus. C’est un entre-deux, un quai entre deux valises, où il y a tout à la fois comme une urgence et un lâcher prise.
En tout cas, là, alors que les buses ont cessé de tournoyer, j’ai croisé deux petits hérissons – désormais confiés à un centre de soins pour la faune sauvage – et un homme, jeune, bâton de randonneur coincé sous le bras, visiblement habité par un besoin de chanter. Du coup, deux heures d’échanges impromptus, entre champignons précoces et souche de chêne, sur l’aveuglement des idées reçues, la rigueur des convenances, le poids des secrets.
Il regrettait d’avoir loupé un départ vers le Sud, je maudissais ma frustration de n’avoir pas pris la route vers le Nord. On en a conclu, chacun reprenant son chemin, que quelque chose s’était éclairé qui échappait sans doute à l’imposture ambiante, au moins, à l’exercice obligé de la surenchère exotique autour de la machine à café du bureau.

Bon, à ceux qui tendent l’oreille en août, trois petites échappées belles pas loin.
A Vyle-Tharoul – commune de Marchin (à 10 minutes de Huy, 40 de Liège et de Namur) –, village d’incubation de la 12e édition de la Biennale de photographie en Condroz, amarrée au thème Pluriel, ce, depuis ce 2 août et chaque week-end jusqu’au 24/08.
A Buzenol, ce coin de Gaume dont je ne me lasse pas de vous parler, où, conçue au/par le Centre d’art contemporain du Luxembourg belge – lieu inclassable, entre ruines et étangs –, où, donc, l’expo collective Arkhè fait éclore l’invisible – grâce aux palimpsestes picturaux de Mélanie berger – et l’inaudible – grâce à Adrien Degioanni, géologue des sons. Jusqu’au 24 août.
Et c’est à Buzenol que vous attend la clarinettiste Aurélie Charneux, attachée à l’idée que le son et la musique peuvent être perçus comme des textures et que les traditions musicales peuvent être détournées. Concert prévu le 10 août, à 11.00h, dans le cadre du Off du désormais légendaire Gaume Jazz Festival qui, lui, fête ses 40 ans les 8, 9 et 10 août, dans cet autre lieu bucolique qu’est Rossignol (Tintigny), à 13 kms de Buzenol.
Sinon, c’est tout près de chez vous, à Koerich, que Euterpe s’invite, la muse grecque de la musique et de la poésie lyrique. Plus exactement, c’est à elle qu’est dédié le 7e Symposium de sculpture (visuel ci-dessus) initié par le sculpteur luxembourgeois Tom Flick, là, dans une ancienne scierie transformée en 2001 en ateliers de création, qu’occupe en l’occurrence le collectif Sithfloor: ses sept artistes membres, Lukas Arons, Nadine Cloos, Tom Flick, Katarzyna Kot-Bach, Patrick Meyer, Joachim van der Vlugt et Wouter van der Vlugt, travaillent quotidiennement à Neimillen, avec des matériaux tels que l'argile, le bois, la pierre, le bronze, le plâtre, l'aluminium, l'acrylique et la peinture à l'huile.
C’est aussi là que se rencontre Mars Lépine, qui a récemment exposé L’appel du large dans la Millegalerie, à Beckerich, une série de singuliers portraits photographiques, taillés dans un noir et blanc sculptural.
Donc, des ateliers, et un espace d’expo baptisé «la Piazza». Le tout vaut le détour, d’autant qu’actuellement y bourdonne comme une ruche le Symposium international des Muses – cette figure qu’est la muse personnifiant par excellence la pensée créatrice –, un rendez-vous professionnel triennal consacré à la pierre, au travertin, qui, pour sa 7e édition, autour de Tom Flick, réunit en harmonie avec la matière et connectés à la nature, Lukas Arons (Suède), Doru Nuta (Roumanie), Abe Wientjens (Pays-Bas) et Alberto Scodro (Italie), qui, par ailleurs, travaille le verre en des sortes de concrétions marines aussi remarquables qu’absolument uniques.
Un rendez-vous professionnel qui a d’abord l’allure d’une rencontre informelle, d’une communauté lâchée librement dans un «work in progress» où la poussière féconde comme une farine.
Le Symposium expire ce 3 août, finissage dès 15.00h, et le rater, ce serait comme passer à côté d’une constellation …
Du reste, la pluie d’étoiles est celle que vient de rejoindre Bob Wilson, créateur (américain) d’un théâtre visuel et sensoriel – cet explorateur du temps, de la lumière et du mouvement nous a quittés le 31 juillet.
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