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  • Marie-Anne Lorgé

Accélérateur de particules

Le Lycée des arts et métiers a 125 ans. Le bail mérite d’être célébré. Et c’est chose faite, de façon aussi magistrale qu’inattendue. Une petite folie collective.


Actuellement visible au Tramsschapp, le résultat ne relève donc ni d’une rétrospective, ni d’un inventaire à la Prévert, autrement dit, pas de trombinoscope, ni d’exposition d’oeuvres d’anciens élèves devenus plasticiens renommés, ni autre conventionnelle façon de juste réactiver le passé. Alors quoi?


L’excellente idée a été de confier la conception et la mise en scène de cet événement anniversaire à un regard extérieur au lycée, qui plus est, celui d’un artiste. A savoir: Edmond Oliveira.


Qui d’emblée a opté pour une position réfractaire au passéisme, adepte de la liberté d’expression, celle-là qui utilise tout matériau ou support possible, chantre en tout cas d’une liberté du langage par définition hétéroclite, soit: une forme de salutaire irrévérence précisément caractéristique… du dadaïsme. Avec une figure d’incarnation, auquel Edmond Oliveira se réfère: Francis Picabia (1879-1953), artiste iconoclaste, fondu de ready-made, passionné par l’automobile, le cinéma et la photographie, héraut surtout d’un credo: «Toujours aller de l’avant».


C’est dans ce terreau que percole le magnifique projet Think Ahead d’Edmond, qui tire du lycée un portrait inédit, celui d’une école à l’allure d’aventure. Une aventure foncièrement participative. Où les élèves et étudiant(e)s sont non pas spectateurs mais véritablement acteurs, engageant leurs compétences spécifiques, les combinant par synergie.


Tout, des éléments de construction (rampe, scène) aux images et sons, à leur mixage, tout, donc, a été entièrement conçu et réalisé par les élèves, pendant et hors des cours, en veillant à la belle alliance des métiers et des arts. Chapeau bas aux mains et surtout aux regards qui ont fait de Think Ahead une entreprise, voire une odyssée, absolument bluffante.


Au final, ce qui est donné à voir au Tramsschapp, ou plutôt à vivre, à expérimenter, c’est une vaste installation multimédia parfaitement immersive, c’est toute une atmosphère où le visiteur pénètre comme dans un «game», noyé de bleu, comme un paysage aquatique surréaliste, éclaboussé par des douches lumineuses, lesquelles balayent l’espace comme un dancefloor, espace aussi balisé par des sortes d’étapes ou stations, à franchir uniquement quand la lumière passe au vert.


A chaque station, une projection différente. Et une sensation renouvelée. Il y a des bruits, ceux-là qui composent la carte d’identité sonore d’un lycée – sonneries, portes, pas, cris et chuchotements –, collectés et enregistrés. Il y a des portraits et des corps en mouvement – élèves photographiés réagissant à la musique, photos animées puis montées par d’autres, de la section «technicien d’image» en l’occurrence, étudiant la luminosité en photographie analogique ou digitale.


Et il y a des phrases, ces témoignages brefs récoltés par Edmond depuis avril 2020 où les élèves expliquent leurs motivations, ce que pour eux l’école devrait ou pourrait être. Ces témoignages sont placés dans l’exposition soit sous forme graphique, soit sonore, comme une collection de voix.


Entres autres montages et mixages, il y a bien sûr des extraits de films. D’animation, mais pas que. Et puis, des vues du bâtiment, tel qu’il fut hier et tel qu’il se rêve pour 2046: ainsi, selon modélisation, dans 25 ans, la verdure habitera l’école, agencée en espaces colorés et ouverts, où, surtout, possibilité il y aura d’avancer à son propre rythme.


Enfin, le clou, c’est un prototype de voiture solaire, construit en fibre de verre en 1991, qui, de l’avis unanime, a bien fonctionné, participant avec succès à quelques marathons.


Sachez aussi que pour donner un aperçu plus exhaustif des nombreuses réalisations qui se font au sein des divers départements et formations du LAM, des codes QR répartis tout le long d’un parcours signalisé, relient l’exposition (Tramsschapp) et le lycée.


Et tout n’est pas dit. Si l’école est un formidable incubateur, pour autant, elle ne fonctionne pas en vase clos. Nombreux sont les diversifiés/insoupçonnés métiers et arts (visuels, non pas vivants), meshing (maillage) et mapping inclus, susceptibles de répondre aux offres et besoins d’institutions et services tels que les Parcs de la Ville (des interactions sont d’ailleurs en cours), les bibliothèques, les musées (dont Photothèque, Villa Vauban, Casino Luxembourg, Musée national d’Histoire et d’Art), les Rotondes, la Philharmonie, le Grand Théâtre (avec lequel une collaboration est désormais amorcée) et autres chambres (de commerce ou des salariés).


C’est pourquoi, parallèlement à l’exposition, toute une série d’ateliers et de visites connecte l’école à la vie (professionnelle), dans une démarche qui entend se renforcer et se pérenniser.


Think Ahead, c’est aussi ça: toute la créativité et le rayonnement d’un accélérateur de particules.


Photo: © Lycée arts et métiers


Infos:

Au Tramsschapp, 49 rue Ermesinde, Luxembourg-Limpertsberg: expo Les 125 ans du Lycée des arts et métiers, jusqu’au 20 juin – www.artsetmetiers.lu (visite sur inscription obligatoire).

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