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A l’heure verte

  • Marie-Anne Lorgé
  • 16 août
  • 6 min de lecture

La mi-août, c’est la période de l’année réputée pour vider une ville. Ce qui a le talent… d’attirer tous ceux qui n’ont pas coché l’option plage. Les parcs se la coulent douce, les vergers un peu moins… si l’on en croit l’observation proverbiale: «c’est le soleil d’août qui donne aux pommes leur goût». Dès lors, vu comme il grésille, le soleil, voilà qui promet des tonnes de tartes et de compotes – en attendant, juste pour dire, c’est la prune qui a la vedette…


L’autre vedette, c’est le coucou. Que guette du coin de l’oeil un autre dicton, celui qui prétend qu’au 15 août (et autour), ledit coucou perd son chant et que c’est la caille qui le reprend. Traduction (selon un énième dicton qui fiche le bourdon), «temps trop beau en août, annonce hiver en courroux».


Arrêt bref sur le bourdon, confondu avec l’abeille mâle, chassé comme une guêpe, celle-là qui s’entête autour du pique-nique…


Allez, dans les t-shirts dans les maillots (célèbre refrain estival d’Eric Charden), on ne se laisse pas abattre, d’autant que le sablier a déjà entamé le décompte, baissant doucement l’abat-jour …


Du coup, comme chaque jour, je suis partie marcher – ce qui selon d’aucuns est «l’art tranquille du bonheur». Mais marcher dans la ville. Au travers de parcs transformés en une gigantesque et phénoménale jardinerie: c’est tout l’enjeu de la LUGA – qui, tablant sur l’émerveillement des publics, lequel induit le respect, passe par la beauté du vivant et sa fragilité histoire d’interroger notre éco-responsabilité. Et ça se passe à Luxembourg.


Je vous guide le temps d’un après-midi…


En ouvrant préalablement une parenthèse capitale sur L’arbre qui cache la forêt (déi Wëll, déi lafen am Bësch), un magnifique projet poétique et politique évolutif initié depuis le mois de mai par CELL (Citizens for Ecological Learning and Living) et conceptualisé en collaboration avec l’artiste plasticienne Justine Blau, qui explore donc la place de l’arbre dans nos villes et nos forêts, en tant que sujet, habitat et écosystème. Alors, notez que ce vaste programme ancré dans le réel et l’imaginaire qui a proposé moult contes, balades d’écoute ou d’observation et ateliers des sens se clôture magistralement par une inédite Assemblée citoyenne poélitique – un espace de réflexion, un temps d’échanges doublé d’une installation artistique in situ – qui a lieu au Jardin du multilinguisme (bd Konrad Adenauer) au Kirchberg, deux jours durant, le 29 août (10.00 - 24.00h) et le 30 août (09.00 – 22.00h).


C’est unique et donc inratable. On s’informe via ul.llec@erbra et on réserve sur  https://luga.lu/fr/nos-evenements/


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La promenade peut commencer, d’une serre à orchidées à un aquatunnel, d’un Solum à un slalom dans le parc Odendahl (quartier historique de Pfaffenthal) pour finalement remonter au centre-ville, au Cerce Cité, où l’estivale expo de la Photothèque, intitulée Nature captured and framed, témoigne par l’image – 100 photographies réalisées entre 1900 et 2014 par e.a. Batty Fischer, Pol Aschman, Tony Krier ou encore Marcel Schroeder – de ce qu’à Luxembourg-ville, la nature, refuge, lieu de ressourcement et miroir de société, est intimement liée à l’histoire et à l’évolution du paysage urbain. Depuis le démantèlement de la forteresse en 1867, le tissu de la ville s’est transformé, intégrant des espaces de verdure qui sont devenus des repères identitaires et émotionnels pour ses habitants. Le Parc municipal, conçu par le paysagiste français Edouard André, a marqué le début d’une «transformation verte» dont de nombreux autres parcs et jardins sont les héritiers.


A travers leurs regards personnels (visuel ci-dessus), les photographes nous invitent à découvrir des fragments de nature – parfois bruts, parfois mis en scène – qui suscitent l’émotion, la réflexion ou l’émerveillement. Un cadrage simple, un jeu de lumière ou le détail d’un feuillage peuvent faire naître un monde de poésie. Les moments de joie sont au cœur de cette mise en scène humaine de la nature,  tout comme les deuils, inondations et tempêtes.


A voir/revoir sans modération dans l’espace Ratskeller du Cercle Cité jusqu’au 14/09, du lundi au dimanche de 11.00 à 19.00h visite guidée le 6/09, à 11.00h.


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Arrêt à la Fondation Pescatore. Zoom sur une collection exceptionnelle d’orchidées tropicales (visuel ci-dessus). Et donc, qui & quoi? En fait, celui qui a financé la Fondation qui porte son nom, à savoir: Jean-Pierre Pescatore, homme d’affaires influent, était  un grand collectionneur d’orchidées, connu même pour avoir la plus grande collection privée d'orchidées d’Europe du milieu du XIXe siècle, il les cultivait dans les serres de son domaine de La Celle-Saint-Cloud près de Paris. Et c’est ainsi, actuellement, comme une forme d’hommage, qu’une partie de sa collection de plus de 2.000 plantes est reproduite dans une petite serre dressée contre les portes ceignant la Fondation, site qui abrite aujourd’hui un établissement pour personnes âgées et qui fut, il y a 150 ans, le lieu de l’une des premières expositions horticoles au Luxembourg, exactement en 1875.


Prolongez votre découverte aussi visuelle qu’olfactive en flânant dans l’espace contigu, un charmant périmètre horticole – massifs végétaux, plantes aromatiques, bancs, fontaine… conçu comme un «Cocon exploratif» aussi ludique que zen, où chaque texture, chaque parfum, chaque couleur raconte une histoire…


Et hop, on trace une diagonale dans la ville, via la Grand-Rue, où au n°14 vient d'être inauguré le Pop-Up Store LUGA x Sightseeing.lu, un espace d’info, de vente et d’expérience où tout connaître de l’offre de la LUGA, et je dirais que ça tombe bien, tant il me semble que ladite offre pèche un peu par absence de signalétique, de plan emportable précis et explicite…


En tout cas, on pique vers la Pétrusse, là, sous le Pont Adolphe, à l’entrée A de l’Aquatunnel, un large et austère couloir de 900 mètres conçu dans les années 1960 pour évacuer les eaux usées, qui promet une dépaysante visite souterraine de la ville – peut-être déconseillée aux claustrophobes et d’accès payant (12 euros !), ce qui est sans doute regrettable. A vous de tester. 


Ce qui s’agit de savoir, c’est que le site est habité par des sons et des chants de sirène contemporaine, en l’occurrence, c’est l’artiste écossaise Susan Philipsz – connue pour ses installations/ explorations des dimensions à la fois sculpturale et émotionnelle du son  que l’on entend chanter, inspirée par Mélusine, légende nationale, cette femme-poisson disparue à jamais dans les flots de la rivière dès lors que son mari, le comte Sigefroi, trahissant sa promesse en la l’observant en cachette prendre son bain sur le Bock, la découvre… sirène.


Les chants, au départ peu audibles s’amplifient au fur et à mur de la progression dans l’hypnotique boyau, jusqu’à saturation de décibels. L’ouïe perturbe un tantinet l’orientation, toutefois stabilisée à la faveur des panneaux «Grand-Rue», «Côte d’Eich», «Rue des Bains et place d’Armes où, du reste, une plaque noire située à l’arrière du kiosque sert de repère visible à la bouche du puits de la ville.


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Toujours est-il que la sortie de l’Aquatunnel se fait … côté vallée de l’Alzette, quartier Pfaffenthal. Juste en face de cette sortie, vous télescopez Solum, un jardin urbain conçu par les architectes paysagistes français Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau de l’Atelier Faber, une installation composée d’un monumental bandeau de roseaux, une sorte d’allégorie des zones humides superposée par strates sur des piliers en grès du Luxembourg, pierre ayant permis la constitution de l’aquifère la plus importante du pays, fabriquant ainsi un paysage archaïque et premier.


Quelques mètres plus loin, en traversant le pont des tours Vauban, vous plongez dans Après l’effondrement, un paysage chaotique organisé autour d’un éboulis rocheux mais où le pouvoir cautérisant de la colonisation végétale crée un lieu paradoxalement hospitalier (visuel ci-dessus).


De là, soit vous empruntez le funiculaire pour rejoindre le Mudam –  avec sa Living Pyramid sur l’esplanade –, soit vous déambulez au travers du parc Odendahl, là où Marco Godinho sème des phrases poétiques gravées sur des plaques métalliques, un projet intitulé A Head Like a Garden / La tête comme un jardin susceptible d’éveiller l’imaginaire, de sensibiliser à l’environnement, à la marche comme processus créatif et aux énergies invisibles qui nous entourent.


En fait, en ce 15 août caniculaire, j’ai aussi fait un crochet en Luxembourg belge, ma curiosité aiguillonnée par une petite expo parfaitement décalée sur... les madones et autres vierges à l’enfant, ce, dans une discrète galerie, baptisée ARTémis, sise à Saint-Mard (Virton). Je vous raconte cette rencontre de délicieuse irrévérence la prochaine fois, sachant qu’il me faut filer au festival de Chassepierre, une gigantesque scène plein air (en bord de Semois) consacrée aux arts de la rue, qui, pour sa 51e édition, embarque une cinquantaine de spectacles internationaux ces 16 et 17 août – infos: www.chassepierre.be

 
 
 

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