Avec l’obligation sanitaire de la distanciation et du port du masque, tout se complique sévèrement pour les praticiens du corps et de la respiration que sont les danseurs. Pris de surcroît en tenaille entre l’embouteillage de la diffusion – en tablant déjà sur l’hypothétique faisabilité des répétitions – et la frilosité des programmateurs (empêchés de se déplacer pour voir) à acheter des spectacles par écrans interposés.
Voilà en substance ce que déplorent Anne-Mareike Hess et Anaïs Rouch, les chorégraphes et danseuses invitées par le 3CL lors de son prochain 3 du TROIS (ou soirée du 3 mai à la Banannefabrik, siège du Centre de création chorégraphique luxembourgeois, à Bonnevoie).
Avant de vous en expliquer le menu, avant aussi de vous présenter les grandes lignes de «Hors circuits», le nouveau programme que le 3CL lance dès le 15 mai dans l’idée de créer «une maison de la danse», un programme «un peu loufoque», dit Bernard Baumgarten, comme l’a été la précédente formule du «1+1» et qui marque «une nouvelle étape après celle du "work in progress" typique du mensuel 3 du TROIS», rendez-vous très prisé par le public – les réservations s’emballent déjà – et public plus que jamais friand de spectacles vivants, donc, de vibration(s) collective(s), comme en témoignent les théâtres affichant à chaque fois complet...
Donc, avant tout, il me faut urgemment vous signaler un événement… qui brûle. Et d’autant plus brûlant qu’il a déjà lieu ces 29 et 30 avril, à 19.00h, aux Rotondes (à Bonnevoie). Il s’agit de Burning (photo Hubert Amiel).
Burning, de la compagnie L’Habeas Corpus, est «un mélange de cirque documentaire et de poésie chorégraphique», dont le texte, combiné à des témoignages, «dit toute la souffrance de ceux qui perdent leur souffle vital dans la course au rendement qu’on leur impose» – le texte est dû à Laurence Vielle, sacrée meilleure autrice au (belge) Prix de la critique en 2018, qui aussi le restitue en voix off dans le spectacle.
Dont le pitch donne ceci: «Dans un univers froid et impersonnel, un anonyme enchaîne les tâches absurdes et répétitives. Il tente de rester debout malgré le sol qui se dérobe et les éléments qui se retournent contre lui et le malmènent sans répit. Un courageux acrobate du quotidien? Il est en équilibre, certes, mais sur le fil du burnout. Et pendant qu’une voix égrène les mots d’une lente combustion intérieure, le corps, lui, s’affole».
Notez qu’à l’issue de la représentation du jeudi 29 avril, le public est convié à une discussion avec l’interprète du spectacle et le Dr Fränz D’Onghia PhD, docteur en psychologie et chargé de direction à la Ligue Luxembourgeoise d’Hygiène Mentale a.s.b.l.
Réserv. par mail: tickets@rotondes.lu.Ou par tél.: 26.62.20.30.
Au 3CL, nous y voilà. En compagnie d’Anne-Mareike Hess et d’Anaïs Rouch.
Anne-Mareike, chorégraphe luxembourgeoise, qui est du reste artiste en résidence à Neimënster – «c’est magique, c’est le lieu où, 8 semaines par an, je me pose entre Berlin et Luxembourg, où je bénéficie d’un temps de recherche, où la solitude pèse sans doute en ces temps de repli contraint mais où je nourris l’idée de réunir les artistes de toutes les différentes résidences de l’abbaye et voir les synergies possibles, où, aussi, je pose les bases de mes créations, comme le solo "Dreamer"» – Anne-Mareike, donc, qui, pour l’heure, ne produit pas, est en recherche. De quoi, à quel propos? «J’essaie de comprendre d’où les stéréotypes viennent, dans notre société, et pourquoi ils subsistent, et je les décrypte, les développe avec mon corps et ma voix».
Ce processus en cours, c’est précisément le propos de Choréographing Identities, présenté le 3 mai, où Anne-Mareike explore «comment la pratique de mouvements codifiés spécifiques affecte et transforme le corps et l’identité d’une personne». A la base du postulat, Anne-Mareike collecte et a collecté des postures et des gestes (puisés par exemple dans la tradition coréenne) «afin d’explorer comment ceux-ci résonnent en elle».
Anaïs Rouch, elle, ne travaille jamais en solo, «je n’aime pas ça». L’artiste française débarque ainsi au 3CL, le 3 mai, avec «In Corpus», un collectif de cinq femmes, basé à Reims, cinq danseuses «très similaires, toutes brunes et de petite taille», qui… marchent. La marche nébuleuse – qui est un produit fini, non pas un «work in progress», est «un travail sur l’uniformisation, induisant un minimum de gestes, soit: la marche, mouvement épuré. Et très algorithmique».
«Se libérer de la marche, c’est sortir du cadre, de la pensée unique, telle est la question du spectacle», jumelée à celle de l’importance de la lumière. «Il s’agit de la faire danser, afin de questionner la lumière réelle et celle, artificielle, de la boîte noire» qu’est la salle. Ou n’importe quelle pièce où désormais on se cloître.
La marche nébuleuse (©Isa Photographie) renvoie discrètement aux questions urgentes de notre époque, à l’absurdité répétitive mais aussi à l’isolement et, par ricochet, à la soif décuplée de rassemblement, de rapports humains, hier minorés et tellement précieux aujourd’hui.
Alors, c’est parti, on réserve: danse@danse.lu, tél.: 40.45.69.
Un mot enfin sur «Hors circuits», programme visant à faire découvrir aux publics luxembourgeois «des œuvres qui n’ont pas encore trouvé une filière, ni un marché». Donc, priorité à des projets qui feront ainsi «leurs premières au Luxembourg», à l’exemple, le 15 mai, de 100 mètres par seconde, de Cognitive Overload, une performance de 5 heures (de 16.00 à 21.00h). Pour motif sanitaire, le public viendra selon des créneaux horaires d’1/2 heure, allant et venant à sa guise dans l’espace, observant l’action en train de se dérouler, les performeurs continuant à danser…
Infos:
A la Banannefabrik, 12 rue du Puits, Luxembourg-Bonnevoie, www.danse.lu
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