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Lettre au père Noël

Marie-Anne Lorgé

Nous sommes désormais en hiver, en vertu du solstice du même nom qui fait irruption autour du 21 décembre, le phénomène a précisément eu lieu samedi à 4h21 HE, consacrant du même coup la nuit la plus longue de l'année – qui, du reste, est aussi un film, en l’occurrence de Will Tremper, où, en 1963, il est question d’un épais brouillard qui bloque au sol les passagers de l’aéroport de Berlin-Tempelhof (à ne pas confondre d’ailleurs avec le titre québécois de Une nuit en enfer de 1996, lequel film, lui, dégouline d’hémoglobines).


En tout cas, cette année, de la grisaille plutôt que du blanc – mais où donc va ce blanc quand fond cette neige symbolique de pureté, d’infini, de silence, de secrets ensevelis (à condition déjà qu’elle consente à tomber !)? – et des conflits qui bousillent notre humanité (sans trop inhiber notre prostration familière et son réflexe puéril: la couette, où se pelotonner, sinon enfouir sa nausée).


En tout cas, la nuit la plus longue n’est pas celle de Noël.


Déjà que Noël, jour de célébration d’une millénaire naissance, celle de Jésus – qui n’est pas né un 25 décembre ni sans doute pas en hiver est une date convenue au IVe siècle par le clergé, et le pape Libère, afin de capitaliser (!) sur le symbolisme des festivités païennes liées au retour de la lumière, ancrées dans les coutumes populaires.


La rançon des siècles? Noël reste un rituel – et même tout un lot, avec, pêle-mêle, sapin, couronne, guirlandes, lutins, rennes et bûche , surtout, c’est un esprit, à commencer par «faire famille».


Si les lieux portent l’empreinte des sentiments, les dates ont aussi un talent, celui de réactiver des fantômes. Et mon Noël à moi, c’est toujours mon père aux fourneaux dès potron-minet, à écouter en boucle Tino Rossi et Stille Nacht, heilige Nacht.


La table était longue, nappée argentée, semée de petits cougnous et d’ailes d’anges en sucre. L’attente commençait, jusqu’au minuit des cadeaux. Les voix s’amplifiaient, rejointes par celles des tantes et oncles, de quelques cousins/cousines aussi, plutôt réfractaires à l’histoire des «Ho Ho Ho» mielleux de la vieille barbe blanche. Sauf qu’une consigne prévalait, jamais verbalisée mais toujours entendue: pas de guerre de salon, pas de terrain miné, pas de repas négocié comme un tatami  – on a tous un souvenir du genre, mais celui de Noël se devait d’y échapper, la bouche pleine.


En face, et je faisais partie du clan, les adeptes de magie nourrie de grelots, de conte de Dickens, d’émotions qui tremblent… Et toujours il y avait un couvert vacant, pour celui/celle qui manquait… C’était doux et fort, et je le ressens toujours.



Solidarité est un mot en ce moment pendu à toutes les lèvres, mais qui se volatilise sitôt que Noël a le dos tourné. Alors, s’il vous reste une petite place sous le sapin – ça vaut aussi sous le gui et bien après , glissez un remède surprenant: l’émerveillement. Eh oui, s’autorisez à s’émerveiller dans un monde qui, à condition de voir, de voir autrement que ce que le convenu nous ordonne de regarder, ne manque pas de sources d’émerveillement. Tel est le programme du dernier livre de Bruno Humbeeck (Eduquer à l’émerveillement aux éditions Racine) qui, avant de se permettre cet opus, a d’abord écrit sur la manière dont la violence se construit, de quoi l’empêcher, et nous aussi dans la foulée, d’être suspecté d’angélisme. L’urgente nécessité, c’est de retrouver le spectacle du vivant, celui de la nature par exemple. ça rend altruiste et ça augmente l’estime de soi.


Du spectacle du vivant au spectacle vivant, il n’y a qu’un pas, un article partitif aussi singulier que le ciel immense, que la quête, que l’émotion d’une rencontre entre un aviateur perdu dans le désert et un enfant, cet énigmatique Petit Prince qui, un jour, a vu le coucher de soleil quarante-quatre fois, et demandé un mouton à dessiner, héros peu ordinaire de ce conte philosophique, chef-d’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry, qui se revisite à travers la planète depuis plus de 80 ans.


Alors Le Petit Prince, comble d’émerveillement, est à l’affiche en cette fin d’année en deux adaptations.  


A Luxembourg, au Grand Théâtre, dans une production de Broadway Entertainment Group: 13 représentations du 27 décembre (20.00h) au 5 janvier (15.00h) – les 28, 29/12 et les 02, 04/01 à 15.00h et 20.00h, le 03/01 à 20.00h, le 31/12 et le 01/01 à 17.00h, réserv. tél.: 47.96 .39.00 - visuel ci-dessus.


Et à Arlon, en l’église Saint-Martin, dans la version de Luc Petit: avec sa troupe d’artistes Les Nocturnales (danseurs, charmeurs, acrobates, mages et comédiens), embarquez pour un fabuleux voyage (de 50 min.) dans la magie d’un crépuscule étoilé, au cœur de l'immensité dévorante du désert… Mirage ou miracle? Au lever du jour, la voix d’un petit bonhomme aux cheveux d'or comme tombé du ciel se fait entendre… Avec lui, vous croiserez l'allumeur de réverbère qui s’obstine à baliser son chemin ou encore le jardinier qui arrache les graines de baobabs et celui qui vénère les roses… 

Les 2, 3, 4 et 5 janvier, 3 représentations par jour à 17.00h, 18.15h et 19.30h.


Et puis, Ho Ho Ho, dernier cadeau, et ultime remède à la morosité ambiante, un bouquin réjouissant, à savoir: Les dessous de la langue française, commis par Joëlle Scoriels qui raconte la petite et la grande histoire de mots familiers, étranges ou oubliés, creusant avec malice, et poésie aussi, dans les racines étymologiques pour nous en livrer des trésors inattendus, souvent hilares, parfois insolents. On apprend ainsi que cervelas, modeste saucisse, tire son nom d’une recette médiévale enrichie de cervelle, que camarade est lié au cloporte, comme la pute et la punaise, ou la moule et…  le chrétien ! Je parie que la dinde a son chapitre…


Bel exercice de jonglerie entre savoir et badinerie, à lire à voix haute si vous voulez briller en société (ce soir ou un autre jour) et surtout d’en rire.

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