C’est en version pastorale que je vous propose de basculer de saison – c’est que, oui, le premier jour de l’automne tombe ce dimanche 22 septembre, à 14. 43h. En compagnie des moutons de Liz Lambert, lauréate de la bourse CNA 2024 X LUGA, et des vaches de Louis Lecomte, ce portraitiste et paysagiste paisible qui s’expose actuellement dans l’Espace Beau Site, à Arlon, lieu à haut potentiel sensible.
La proposition tranche dans le fracas et la cruauté du monde, et c’est pourquoi je m’y attarde (ci-dessous) – ça fait un bien fou, comme de se perdre dans les sous-bois ou partager une tarte aux quetsches.
Ce qui aussi fait un bien fou, c’est la fête aux arts de la scène, avec le désormais traditionnel «Theaterfest» qui s’installe Place d’Armes ce vendredi 20 septembre, de 11.00 à 18.00h, un joyeux bouillon jongleur, danseur et acteur qui vous permet de tout connaître des programmes, spécificités et équipes des différentes structurelles du pays – le Théâtre du Centaure (www.theatrecentaure.lu), le TOL (www.tol.lu) et le Kasemattentheater viennent d’ailleurs conjointement de dévoiler leur programmation 2024-25. Après les sous-bois et la tarte, allez au théâtre, ça vous change la vie.
Alors quoi voir? Les jongleries enflammées de Matis (Zaltimbanq’ Zirkus), de la danse, classique ou contemporaine, aux tendances urbaines des Young Movers (une initiative du TROIS C-L), le rock’n’roll très sixties des Garçons Plage, le spectacle de rue de La Compagnie des Bonimenteurs avec Les Ouvreurs de portes, les rythmes endiablés de Mambo Schinki et de son orgue, des lectures de textes dramatiques par les étudiants du Master Theaterwissenschaft und Interkulturalität de l’Université du Luxembourg, et pour clôturer cette journée unique, une visite guidée du Grand Théâtre de la ville de Luxembourg.
Autre occasion unique – et ça urge, parce que ça se passe déjà ce soir, à 19.00h, à la galerie Simoncini (6 rue Notre-Dame) –-, la présentation du nouveau recueil poétique (en allemand) de Carla Lucarelli, salztage + zurück, illustré par Florence Hoffmann, présentation accompagnée d’une lecture musicale (avec Joël Metz au saxophone) et d’une expo d’œuvres de la même Florence Hoffmann.
Des moutons ai-je dit? Ceux de l’artiste photographe autodidacte Liz Lambert, née au Luxembourg en 1993, lauréate du prix d'encouragement du Prix de la Photographie - «Clervaux Cité de l'image», connue pour sa documentation visuelle de la vie quotidienne. Liz alerte de son environnement … du bout d’une perception sensible – grosso modo dans le sillage noir et blanc du photographe hongrois André Kertész (1894-1985) –, ce qui correspond aux enjeux ou critères du LUGA. Eh quoi?
En clair, Liz est aujourd’hui lauréate de la 16e édition de la Bourse CNA (Centre national de l’audiovisuel) – aide à la création et à la diffusion en photographie –, mais initiée cette fois en collaboration avec LUGA (Luxembourg Urban Garden), l’exposition plein air de jardins urbains, d’installations paysagères et artistiques, de projets agricoles et de lieux de vie qui se tiendra au Luxembourg en 2025. Il s’agit donc d’une bourse spéciale, le projet comprenant une commande photographique qui explore des thématiques associées à LUGA ainsi qu'au Mois Européen de la Photographie 2025.
Et le thème primé grâce à Liz Lambert, c’est la transhumance, cette tradition saisonnière de la migration des hommes et du bétail inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2023. Au Luxembourg, il n’existe plus qu’une seule bergerie qui transhume avec son bétail à travers les prairies, les villages et les routes du Grand-Duché. Et par son projet TRANSHUMANZ, c’est cette exploitation que Liz va accompagner par la photographie pendant plusieurs mois (visuel ci-dessus, photo © Liz Lambert), accordant une attention particulière à la relation entre l’être humain et l’animal et aux questions suivantes: quelle est l’importance de cette pratique pour notre société actuelle et future, comment crée-t-elle un pont entre les espaces ruraux et urbains et comment contribue-t-elle à la préservation de la biodiversité?
Pas de moutons mais des vaches, dupliquées à l’identique, toutes couchées dans un pré en apesanteur «à la Folon» (visuel ci-dessus).
Leur observateur aussi attendri qu’amusé, c’est Louis Lecomte, 93 ans mais l’œil toujours vif –exerçant son fin regard sur le monde par un dessin journalier –, un imagier de l’humain et du champêtre, un conteur né d’une bonhomie farceuse, un fils spirituel du Belge Edgard Tytgat (1879-1957), ce peintre (et illustrateur) du quotidien à la poésie douce qualifiée de naïve.
Cette expo est un état de grâce, distillé comme un bonbon par un artiste généreux. Tout comme la musique, l’art de Lecomte – natif de Florenville (Luxembourg belge), ancien professeur d’histoire de l’art à l’Institut de la Sainte- Famille à Virton – adoucit les humeurs. Et pas que.
Elle s’intitule Les années cette expo qui, pour la cause, circule au travers des 60 ans de la foisonnante création du coloriste aussi poète que rieur. Il a fallu 3 ans à Pierre François, le capitaine (bien inspiré) de Beau Site, galerie mezzanine sise au 321 Avenue de Longwy à Arlon, pour, chez Louis, chaque mercredi, fouiller les tiroirs et nous proposer une histoire en morceaux choisis.
Il y a les portraits, tous sur papier – précisément, chacun sur une page d’un livre imprimé –, autant de petits formats habités par un personnage campé au long nez, souvent coiffé d’un chapeau mou, parfois fumant la pipe, un anonyme égaré – comme le monsieur Hulot de Tati – dans la vie comme elle va, ou non, perméable au chagrin ou aux bonnes nouvelles – une caricature de l’humaine simplicité où percole l’empathie. Ce qui n’empêche pas, dans quelques grands formats, au genre de confiner au grotesque, avec visages glabres et roses aux dents carnassières.
Et puis, il y a les paysages sereins, une véritable ode à la Gaume, peinte sur bois. Silence verduré. Calme et volupté. Terre surréaliste aussi, avec un d’après nature perfusé par Magritte, des arbres alignés sur un horizon tranquille. C’est là que nous observent en somnolant six vaches de bande dessinée (revoir visuel ci-dessus). La plus sympathique s’appelle Gisèle, une réplique humanisée du logo d’une célèbre marque de fromage, avec des yeux qui tombent comme sous l’effet d’une bonne blague. Gisèle, guidée en pâture par le chien Louis, a bel et bien existé, c’était la vache d’Alphonse, le grand-père de l’artiste, qui craignait qu’elle ne passe pas la porte de l’écurie tant elle était volumineuse.
Facétie donc, et même lucidité caustique dans la dimension plus sociale de l’œuvre du début de la carrière de Louis Lecomte. A l’exemple d’un grand format de facture expressionniste, «façon» Constant Permeke, ainsi légendé par l’artiste: Paysan luxembourgeois montrant à ses petits-enfants comment tisser des paniers pour la Maison de la culture d’Arlon…
Louis Lecomte, un univers désarmant à voir puis revoir et à partager chaleureusement jusqu’au 6 octobre, du mardi au vendredi 10.00 -12.00h/ 13.30 -18.00h. Le samedi 10.00 -12.00h/13.30 -17.00h. Les dimanches 29 septembre et 6 octobre, de 15.00 à 18.00h. Infos: www.espacebeausite.be
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