Février, énième mois en panne. C’est pas la faute à la crêpe – les magazines en ont même fait tout un plat – mais aux confettis… en manque de carnavals, et aux grands feux… privés d’allumettes.
Il n'empêche, j’ai déjà entendu passer des oies sauvages. Censées, sauf erreur d’aiguillage, indiquer comme une boussole que le nord n’a pas (tout à fait) perdu la tête. Dans la lumière mandarine, j’ai distinctement vu les sonores escadrons en V de ces échassiers cendrés, ces voiliers des ciels en pleine migration prénuptiale, qui se jurent fidélité à vie.
Morale de la fable naturaliste, les amoureux à plumes traversent février et, par mimétisme, la Saint-Valentin aussi, un tantinet amputée de sa cour rapprochée, mesure sanitaire oblige. Malgré tout, ça va butiner dans les fleurs – entre perce-neige et primevères – ou par cartes postales interposées (on peut rêver !).
Et justement, c’est en février que les mots couvent. Avec des salons du genre. A commencer par la Foire du livre de Bruxelles, dont une première version (professionnelle) virtuelle «pose un acte littéraire, politique et social» du 22 au 27 février (avec colloque, rencontre d’éditeurs et journée Talentueux Indépendants); sinon, de toutes les façons, la bruxelloise foire de la chaîne du livre renonce à sa forme habituelle sur le site de Tour & Taxis pour devenir un festival dans la ville, éclaté dans une trentaine de lieux, en quelque 150 événements… du 6 au 16 mai, sauf assaut viral – notez au passage que c’est aussi en mai que se tiendra le Salon du livre de Paris, traditionnellement fixé… en mars.
«Quelle profonde inquiétude, quel désir d’autre chose», écrivait Fernando Pessoa, comme si le désir nous reliait aux étoiles. Or, le désir, c’est précisément le thème gravitationnel du Printemps des poètes 2021, prévu du 13 au 29 mars, sachant qu’à Luxembourg, la manifestation aura lieu du 24 au 26 avril – si l’alignement des étoiles le permet !
J’en profite pour souligner que le poète luxembourgeois de l’affiche, c’est Serge Basso de March, ex-directeur de la Kulturfabrik d’Esch, lauréat au Concours national 2020, y décrochant le 2e Prix pour Petite cosmogonie des poèmes avec jardin, où «une écologie poétique prend forme, dans l’équilibre trouvé entre les éléments et la langue (…), dans un style coulant, frôlant le prosaïque – terre à terre».
En comme en période d’hibernation, une bonne fiche de lecture, ça tient chaud, j’ajoute que Paul Mathieu – ancien chroniqueur régulier du défunt Jeudi – a aussi été primé à ce même Concours national pour à bord: une écriture à la lisière de la prose, un recueil dont «la dynamique suit la progression lente, assurée et puissante d’un paquebot», comme moteur à la fois d’une quête personnelle et d’une mémoire collective, puisque l’opus, «composé à partir d’un ensemble de documents (cartes postales, photos, documents divers) ayant appartenu à un marin belge», aborde notamment le passé colonial belge.
Toujours est-il que février, incubateur des grands événements de l’été, a désormais l’incongru talent de perturber les saisons, d’en jouer comme à saute-mouton: à ce train-là, ce qui ne peut advenir maintenant se ramassera à la pelle… à la fin de l’automne.
Un lieu qui brouille les latitudes et réduit les jours en cendres, c’est le Centre d’art contemporain du Luxembourg belge (CACLB), dont je vous parle régulièrement: un lieu magique, implanté sur le verdoyant site de Montauban-Buzenol (Etalle), où des installations (d’art contemporain) éphémères réussissent un inouï plein des sens, sans cesse renouvelé.
Et donc, ce CACLB – dont l’ouverture de saison est attendue, depuis plus de 30 ans, comme l’hirondelle –, le CACLB, dis-je, lance un appel à projets pour la création d’une installation artistique extérieure temporaire, visible… durant la période hivernale 2021-2022.
Cet appel à projets s’adresse aux artistes plasticiens travaillant dans une démarche contemporaine et d’intégration plastique, sans restriction d’âge ou de nationalité. Quant à l’œuvre sélectionnée – un budget de 4.000 euros est dévolu à sa création –, elle sera installée à proximité des halles charbon – ces halles sont des ruines sises en face de l’Espace Greisch, une structure d’exposition composée de containers maritimes vitrés (photo ci-dessus) –, du 24 octobre 2021 jusqu’en mars 2022.
Les dossiers sont à envoyer pour le 1er mai 2021 au plus tard, soit par voie postale (CACLB - Rue du Moulin, 35 - B-6740 Etalle), soit par voie électronique: bureau@caclb.be. Conditions et modalités de participation: www.caclb.be (ou tél.: 00.32.63.22.99.85).
Résultat à apprécier dans 294 jours. En attendant, en cet hiver, que faire? S’indigner, enfouir la tête sous l’oreiller, fermer le tube aux infos? Ou mieux, profiter du froid polaire pour enchaîner «trois p’tits bonhommes sans rire» dans le jardin, nourrir les oiseaux avec un pain de graisse végétale mixée d’amandes concassées et décrypter sur la terre pétrifiée les traces de «la vie d’avant». D’avant sa mise sous respirateur ou la vie «comme avant, quand on pensait avoir cinq planètes» (dixit Bruno Latour)?
De ces traces, mon voisin, frotté au grec et latin, en connaît un rayon, lui qui «parle à petits coups», avec une «musique des mots qui semble venir de l’intérieur, paisible, familière». Une musique dont il a tout appris... grâce à l’écossage des petits pois, ce geste dérisoire, répétitif et fastidieux, mais ce rituel simple, silencieux, patient et curieusement solidaire auquel Vincent Delerm, cueilleur de bonheurs minuscules, a consacré de belles lignes dans son livre La première gorgée de bière.
«L’écossage des petits pois n’est pas conçu pour expliquer, mais pour suivre le cours, à léger contretemps».
Au jardin, on y revient toujours. Ça fait trois siècles que Voltaire préconise de le cultiver. Sans allusion, certes, aux petits pois, pas plus qu’à la météo, mais à cela qui est de «reconsidérer notre rapport à l’espace et au vivant».
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