Le grand spectacle éphémère du jour, c’est… la neige.
Et le grand barnum de cette semaine, c’est une foire d’art. La Luxembourg Art Week (LAW). Qui se déploie au Glacis ces 22, 23 et 24 novembre.
Et alors?
Alors, une occasion unique de revoir sa copie quant à ce qu’est une foire du genre dans la particulière optique du galeriste Alex Reding, son concepteur. Qui multiplie les opportunités, expériences et échanges permettant de repenser la manière dont l’art est perçu et diffusé aujourd’hui.
La preuve en deux temps.
D’abord, avec la stimulante série des «Art Talks» qui explore des thèmes comme l’impact de l’intelligence artificielle sur la création, comme la relation entre les plateformes numériques et les artistes, comme aussi la contrefaçon. Notez en avant-première, ce 21/11, à 16.00h, le débat initié par l’Aica (Association internationale des critiques d'art) portant sur les nouveaux enjeux et acteurs de… la critique d’art (avec Marco Godinho entre autres intervenants); en preview aussi, ce 21/11, à 14.00h, une discussion célébrant les 20 ans de l’Edward Steichen Award (en présence notamment de la lauréate 2024 Marianne Villière).
J’avoue une affection particulière sur Auriez-vous une minute?, la causerie du 22/11, à 14.30h, organisée par le CNA – inspirée de l’expo Traces of Time de Kay Walkowiak accessible jusqu'au 24 novembre au Waassertuerm+Pomhouse à Dudelange – qui interroge le potentiel de l'art pour capturer l'essence du temps: Comment l'art peut-il thématiser et arrêter le temps, le documenter et ouvrir de nouvelles perspectives?
La preuve ensuite en s’échappant du chapiteau, avec le programme «Art Walk», à savoir: un parcours de sculptures à travers la ville et des œuvres/installations baptisées «Capsules» installées dans certaines vitrines de lieux vacants (je vous en ai déjà touché un mot), parce que l’art ainsi semé dans l’espace public, accessible à ciel ouvert, permet certes de voir son environnement urbain autrement mais aussi d’interagir, par la réflexion et la perception, avec le pouvoir pluriel de la création artistique.
Sinon, au cœur de la LAW – avec l’espace Café confié à Delphine Dénéréaz (visuel ci-dessus) –, il est dit qu’au travers des 80 galeries (nationales et internationales) présentes – de quoi combler collectionneurs et amateurs – émerge une poésie intemporelle, tendue par des énigmes visuelles et des artistes qui suspendent le temps (encore lui !).
Le mieux, pour tout apprendre, tout savoir sur le quoi, qui, quand – dont nocturne le 22/11, de 18.00 à 22.00h, le tout entrée payante (billetterie en ligne), avec catalogue (consultable en ligne) –, c’est de surfer sur le site luxembourgartweek.lu
En tout cas, dans la section Take Off, une prospection de 21 jeunes galeries et artistes, institutions, associations et collectifs d'artistes, faites une halte sur le stand D18, lieu de Transitus Immobilis, un projet évolutif (né à la Wiener Art Foundation en 2018) aux allures de laboratoire itinérant qui fédère les pratiques (souvent opposées aux catégories établies) de Serge Ecker, Catherine Lorent, Trixi Weis et Claudia Passeri, leurs convergences aussi s’agissant de développer des vues alternatives dans l’art contemporain en dialogue avec la société.
Concrètement ça donne quoi? D’abord, MOOOONING//Quattro stagioni, une œuvre commune accouchée d’un pied de nez, une sculpture créée à partir de scans 3D… du fessier de chacun des 4 artistes.
Et puis des œuvres personnelles, des bâtons dans les roues du ronron ambiant, fallacieux et biaisé: Serge Ecker présente l’édition de 3 tirages Shop ‘til you drop en noir et blanc sur papier Ilford, Catherine Lorent dévoile un nouveau vinyle, RELEGATION SOUNDS, raccord avec son installation visuelle et sonore à base de peintures et guitares à la 55e Biennale de Venise en 2013, outre INSIGNIA, des gouaches héraldiques détournées (en lien avec l’expo Ars Heraldica qui se tient à la BnL jusqu’au 29/11, avec visite particulière ce 22/11 à 11.30h – visuel ci-dessus: Fake Fire II). Claudia Passeri, elle, réactive le coffret d‘archives Aedicula publié à l‘occasion de son expo éponyme à la chapelle de la Charité à Arles en 2019, quant à Trixi Weis, hormis sa publication monographique Wär daat alles? (présentation informelle le 22/11, à 18.30h), elle montre une série de sculptures de l‘installation Invisibles exposée de mai à juin 2924 à la galerie Nosbaum Reding/ Projects.
Donc, 3 jours d’immersion sur la planète art, par les temps qui courent, ça ne se boude pas.
Toujours est-il que, hors chapiteau, je me propose de faire un saut parmi les nuages de Valentin Van der Meulen, associés aux bouquets de Pascal Vilcollet, exposés à la Reuter Bausch Art Gallery (visuel ci-dessus). Le tandem d’artistes bouscule la notion de classique, certes, rien de plus rabâchés – dans l’histoire de l’art, et pas seulement – que les motifs du ciel et des fleurs, sauf que Valentin et Pascal y injectent ce qu’ils appellent un «accident», ce grain de sable susceptible – comme le temps qui passe – de faire vaciller un canon: la beauté. Mais rien n’y fait. Le fusain céleste de Valentin, même écorché/menacé par de vives spirales de traits noirs, reste une sublime invitation à la méditation; quant à Pascal, malgré l’irruption de quasi imperceptibles petits éléments improbables dans ses opulents bouquets à l’huile, sa relecture grand format de la nature morte, de facture baroque, impose sa virtuosité, sa somptueuse puissance aussi visuelle que sensible. Jusqu’au 14 décembre. Infos: www.reuterbausch.lu
Et faire également un saut parmi les choses que nous transportons (The Things We Carry) selon Julie Wagener, à la Villa Vauban – Musée d’art de la Ville de Luxembourg. Que voilà une proposition bigrement intéressante. Passant au crible une collection de plus de 1.300 gravures, datant du XVe au XXe siècle, l’artiste illustratrice a opéré une sélection de 40 œuvres véhiculant des messages qui restent plus que jamais d’actualité. Et, partant de ce choix, librement interprété, elle a créé une série de 5 sérigraphies établissant des parallèles entre le passé et le présent, suscitant du coup une réflexion, sinon un constat: les luttes existentielles auxquelles notre société occidentale mondialisée est confrontée se répètent, identiques, aujourd’hui comme hier. Visite commentée de ce regard sur ce qui nous façonne dans mon prochain post.
Dans la foulée, je vous signale que la galerie Nosbaum Reding s’accroche au wagon en inaugurant Peintures Mâles Heureuses, une expo d’Assan Smati, plasticien français né en 1972, dont l’obsession est de faire déborder l’art dans notre vie (vernissage samedi 23/11, à 16.00h) – forcément, j’y reviendrai.
Et hop, un coup de balai.
Dans les feuilles mortes, mais pas que (en tout cas pas dans le jardin où elles peuvent servir au paillage notamment au pied des arbres). En fait, le coup de balai du jour, c’est un clin d’oeil au célèbre aphorisme de l’inénarrable Alexandre Vialatte, L'homme n'est que poussière, c'est dire l'importance du plumeau, et c’est tout l’enjeu de la dernière performance de Clio Van Aerde – fraîche lauréate de l’Edward Steichen Luxembourg Resident à New York – qui, par un coup de balai – objet outil et symbole du travail invisibilisé – subvertit les structures de pouvoir et favorise une idée de soin et d’attention à travers l’absurdité et l’abstraction. Et l’idée de soin, c’est bien ce qui fait défaut à notre société paradoxalement très aseptisée.
Intitulée Work It” – Poetics of Bodies at Work, la performance chorégraphique de Clio Van Aerde s’expérimente à l’huile de coude (et de façon sonore, à l’exemple des coups de brigadiers sur le plancher d’une scène de théâtre avant représentation) ce samedi 23 novembre à 19.00h, à la Banannefabrik (12 rue du puits, Bonnevoie), QG du TROIS C-L (Maison pour la danse) qui consacre son programme Hors Circuits au son et à l’objet. Infos: www.danse.lu
Et hop, des champignons.
Certes, ce n’est plus la saison. Et point n’est ici question de cueillette ou de fricassée mais de cela, le mycélium (partie végétative des champignons), matière vivante appliquée à des projets architecturaux, selon les expérimentations du bureau d’architecture bruxellois Bento – la preuve par son installation présentée au Pavillon belge lors de la Biennale de Venise 2023.
Aux curieux et intéressés par la démarche de Bento, rendez-vous le mardi 26 novembre, à 20.00h, au Palais provincial (Place Léopold) à Arlon, le temps d’une conférence… en l’occurrence organisée par le CACLB (Centre d’art contemporain du Luxembourg belge - Montauban-Buzenol) où en, 2021, lors de l'exposition 52 Hertz, Bento et le collectif Futur Primitif avaient collaboré pour créer une série d'objets du quotidien repensant les modes de consommation en mettant la matière, l’usage et la nature au centre de leur approche.
Participation gratuite. Echange avec les conférenciers et verre offert. Sur inscription: bureau@caclb.be – tél.: 063.22.99.85 (+32.(0) 63.22.99.85).
Conférence encore, à Aubange, au Domaine de Clémarais, salle la Harpaille, portant sur l’Histoire du portrait photographique, ce, le 30 novembre, à 20.00h. Cette conférence inaugure une expo collective autour du Trait-Portrait (vernissage le 29/11, à 19.00h), servie par un chouette programme «Entendre, voir et écouter» où Giacometti et Dali s’invitent par le film et par le théâtre, et précisément, Dali, c’est moi!, c’est un seul en scène de/ par Angel Ramos Sanchez, un spectacle truculent à ne pas rater le 12 décembre, à 20.00h – réserv. tél.: +32 (0)63.38.95.73 ou www.ccathus.be
Et hop, des taupes.
Sauf qu’il ne s’agit pas du mammifère fouisseur, mais de l’histoire de cinq soldats allemands qui ont survécu ensevelis de 1945 à 1951 dans un bunker bourré de vivres en Pologne, des faits réels qui ont inspiré à Edmond Dune sa pièce Les taupes, montée avec succès en 1957 à Paris, au Théâtre du Vieux Colombier.
Né à Athus (B) en 1914, il y a donc 110 ans, la vie et l’œuvre de ce poète et auteur dramatique, mais aussi essayiste, prosateur et traducteur de l’allemand et de l’italien que fut Edmond Dune méritait une soirée d’hommage, et ce fut brillamment le cas le 13 novembre à l’Académie luxembourgeoise (Arlon) – oui, je sais, je dois encore vous parler des 90 ans de cette belle institution – qui, pour la cause, accueillait Les Amis d’Edmond Dune, association fondée en 2009 pour veiller à la diffusion de l’oeuvre de l’écrivain né Edmond Hermann, de père luxembourgeois et de mère belge (qu’il perd à l’âge de 2 ans), qui s’est engagé à la Légion étrangère (1938-1943), qui, à la fin de la guerre, s’est fixé à Luxembourg, engagé comme journaliste à Radio-Luxembourg (jusqu’à sa retraite en 1979), pilier des Cahiers luxembourgeois et premier lauréat du Prix Batty Weber en 1987.
Une soirée éclairée par Myriam Sunnen (CNL), quant au travail de détective que requiert la lecture de la correspondance, la difficulté de dater sauf à croiser des noms, des événements (salons, prix) et des publications.
Parce qu’elle gagne à être connue ou redécouverte, l’œuvre de l’immense Dune – un pseudo sans doute à lié à l’idée d’ensablement – est disponible en tomes thématiques (poésie, théâtre, roman, prose, correspondance), aux éditions Phi.
Et hop, tout à trac, une fourchette.
En l’occurrence La fourchette à gauche, titre du nouveau documentaire de Donato Rotunno qui raconte la saga d’un lieu de mémoire pour les mouvements de la gauche plurielle, le Cercle Culturel Curiel, au 107 route d’Esch, détruit début 2024. Et donc, comment pendant plus de cinquante ans, ledit Cercle Culturel Curiel, sous ses allures de trattoria, a-t-il pu avoir une influence majeure sur la vie politique et culturelle au Luxembourg? Elément de réponse: par un rapport «militantisme – cuisine», un point d’équilibre entre la tête et le ventre (visuel ci-dessus, photo Tarantula).
Projections de La fourchette à gauche – en sortie officielle ce 20 novembre – le 24/11 (16.00h), le 03/12 (19.00h), le 06/12 (21.00h) et le 5/11 (16.15h) au Ciné Utopia (Luxembourg), sinon le 22/11 (19.30h) au Ciné Starlight (Dudelange), le 27/11 (19.00h) au Ciné Scala (Diekirch) ainsi que le 28/11 (20.00h) au Kinoler (Kahler).
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