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Marie-Anne Lorgé

Bouillon de culture

Dernière mise à jour : 17 mai

Ce matin, j’ai appris que l’amoureuse des chats qu’était Colette, collectionnait les papillons…

Bizarrement, ça a sucré mon café…


Et dopé mon envie de citer Paul Auster, cet immense «écrivain de Brooklyn» qui nous a quittés le 30 avril: «La plupart des gens ne font pas attention. Ils voient les mots comme des rocs, de grands objets impossibles à déplacer et sans vie, des nomades qui ne changent jamais» – Paul Auster laisse une oeuvre superbe d’émotion, «traversée par ce réalisme magique, cette irruption subite et inattendue du fantastique dans un univers jusque là prosaïque et routinier». 


En passant, de New York, on apprend également le décès du peintre Frank Stella, considéré comme le précurseur du minimalisme ainsi que l'un des principaux représentants de l’Op Art et du shaped canvas.


Sinon, sale temps pour les plumes, puisque Bernard Pivot, «le Roi Lire», le présentateur culte d’Apostrophes puis de Bouillon de culture, l’homme au goût du dico et des Dictées, s’est éteint le 6 mai, lui, l’auteur d’un récit intitulé  Au secours ! Les mots m’ont mangé souffrait d’un mal prémonitoire, un cancer à la tête, «siège du cerveau et de la parole» – les obsèques de Pivot ont eu lieu ce 14 mai dans son village de Quincié-en-Beaujolais.


Pour ce qui est de la vie de la langue, près de chez nous, je signale que le Prix Servais 2024 – lequel prix récompense depuis 1992 l’ouvrage littéraire le plus significatif paru au cours de l’année précédente – a été attribué à Samuel Hamen pour Wie die Fliegen (2923) chez Diaphanes.


Quant au décor de la semaine, il se partage entre deux biennales, celle de Strassen et celle d’Esch. Qui n’ont aucun point commun. Je vous fais le topo ci-après. Ce qui ne m’empêchera pas d’aussi vous parler de Stephan Balkenhol, célèbre et décalé Geppetto allemand, avec son typique répertoire figuratif, ses sculptures de personnages ordinaires en bois polychrome, laissant apparentes les traces des coups de ciseau et les fêlures du matériau (chez Nosbaum Reding jusqu’au 15 juin, sachant que dans son espace «Projects», Trixi Weis expose ses Invisibles dès le 17 mai, vernissage ce 16/05 à 18.00h), de Simon Demeuter (sa série Charbon est à découvrir chez Reuter Bausch Art Gallery ), de Fernand Roda (chez Valerius Gallery).



Ne ce que n’empêche pas non plus de vous dire, là, tout de suite, et brièvement, qu’à Dudelange, au Centre d’art Nei Liicht, dans 9.49 pm, chiffre qui correspond à l’heure de sa naissance, l’artiste luxembourgeoise Sarah Schleich propose un travail textile façonné par sa mémoire d’enfance, où sont brodés, cousus, imprimés des formes (de jouets) et des visages qui tendent un miroir à son passé intime. Par contre, compositions luxuriantes au Centre d’art Dominique Lang, avec la très belle expo dernière femme de l’artiste iranienne Golnaz Afraz qui célèbre lumineusement les noces de l’humain et de la nature, du corps et du paysage (visuel ci-dessus).


Magnifique symphonie visuelle, structurée comme un puzzle de plans colorés, à la fois complexes et spontanés (à la manière du Douanier Rousseau), où, frontalement, sans perspective, des plantes et des portraits – tous énigmatiques, yeux clos ou grands ouverts – racontent une histoire d’attente, d’acceptation, de diversité, aussi de «beauté dans l’imperfection». Expos toutes deux accessibles jusqu’au 16 juin, du mercredi au dimanche de 15.00 à 19.00h.


J’ajoute pour le plaisir, et parce que je suis fan d’œuvres sur papier, que Empreinte atelier de gravure asbl tient son Päischt Salon (Salon de Pentecôte) à Steinsel, galerie «Am Duerf», jusqu’au 26 mai – vernissage ce 16/05 à 19.30h, sinon ouverture du 17 au 19/05 et du 23 au 25/05 de 14.00 à 19.00h, le 20/05 de 11.30 à 17.00h et le 26/05 de 14.00 à 18.00h. Visites guidées les 19 et 26/05 à 15.00h et à 17.00h.


Pour autant, n’oubliez pas que Vianden vit à l’heure de son KonschTour les 19 et 20 mai.


Enfin, notez que le Prix de la photographie – Clervaux  Cité de l’image sera décerné le 23 mai, à 19.00h, au Brahaus (Montée du château, Clervaux) – 14 artistes en lice: Marie Capesius, Cristina Dias de Magalhaes, Krystyna Dul, Willi Filz, Nazanin Hafez, Filip Markiewicz, Pierre Metzinger, Lukas Ratius, Margit Schäfer, Olivier Schillen, Neckel Scholtus, Giulia Thinnes, Jeannine Unsen, Mohammed Zanboa. Expo à la clé, accessible jusqu’au 30 juin, infos: www.clervauximage.lu


Photo aussi à Schengen. A l’occasion du 60e anniversaire de la canalisation de la Moselle, le Centre européen Schengen vous convie à une expo de Romain Urhausen – curatée par Paul di Felice et le CNA – intitulée De Kanal. Subjektiv an humanistesch Impressioune. Le vernissage a lieu le 23 mai, à 18.00h, à Schengen, Am Kraidergaart.


Allez, je vous cause biennale(s).



Esch/Alzette surfe sur les retombées de la Capitale européenne de 2022 en initiant un barnum, une biennale donc, dont le thème de cette première édition est Architectures, un pluriel qui englobe le bâti, le patrimoine architectural et urbanistique de la Cité du fer, «riche mais méconnu et peu valorisé», ainsi que tout ce qui charpente/structure l’idée de construire ensemble, au niveau citoyen, culturel et artistique.  


Dans ledit barnum, qui se développe en institutions (notamment à la Konschthal, au Bridderhaus, à la bibliothèque municipale, au Musée national de la résistance et des droits humains, à la Kulturfabrik, au FerroForum), tout comme dans l’espace public, et qui promet des bals populaires, de l’événementiel, du théâtre, des conférences, des concerts, des workshops, des installations immersives, il y a le programme intégré à la Biennale mais indépendant baptisé Elektron, dédié aux technologies numériques, aux sciences et aux questions de société, une nouvelle plateforme pilotée par Françoise Poos avec l’aide de Vincent Crapon, dont l’objectif est de sensibiliser les publics aux grands enjeux de l’ère numérique et de proposer des outils par l’art et la culture.


La Biennale d’Esch va battre tambours et sonner trompettes du 17 mai au 28 septembre. En clôture, retenez qu’il y aura une Nuit des bals ainsi que la comédie musicale Sl’Esch par/au Conservatoire, mais, d’ores et déjà, surlignez de rouge le week-end de lancementces 17 et 18 mai –, un grand moment de rassemblement populaire qui s’annonce mémorable (visuel ci-dessus).


Avec Reesch E’vol, un spectacle nocturne – scénario original de Sean McKeown (Cirque du Soleil) magnifiquement orchestré par Crystal Manich et Mukhtar O. S Mukhtar –, qui mêle des acrobates talentueux aux carrières internationales à des danseurs locaux prometteurs, spécialement sélectionnés et formés aux côtés d’une équipe artistique exceptionnelle, ce, les 17 et 18 mai, à 21.30h, dans le Bâtiment 5, domaine Schlassgoart.


Avec le parcours urbain circassien «La ville fait son cirque» (roue de la mort défiant la gravité, trampolines version XXL, acrobates en lévitation, balles de ping-pong fusant d'un côté à l'autre), dans toute la ville, le samedi 18 mai, de 14.30 à 21.30h.


Avec le démarrage d’Elektron «qui se penche sur les infrastructures invisibles du monde numérique qui régissent nos vies au quotidien», et nous invite à explorer cette thématique au travers de Cyber Structures: Material Realities – Digital Experiences, un parcours de sept installations artistiques reliant cinq lieux clés d'Esch-sur-Alzette: rendez-vous ce 17 mai, à 18.00h, à la Konschthal Esch pour les expos Framerate: Pulse of the Earth par ScanLab Projects et Future_Forecast par Ziyang Wu & Mark Ramos, puis déambulation (2,4 km), le temps de s’immerger dans Connecting the Dots par Jeroen van Loon rue du Brill, dans QT.bot par Lucas LaRochelle dans la rue de l’Alzette et dans Photo Opportunities par Corinne Vionnet au Centre Mercure, pour finir (vers 20.30h) au Bridderhaus (1 rue Léon Metz), où découvrir Datamorphosis des étudiants du Master Interface Cultures de l’Université des arts de Linz et surtout Passages par Serge Ecker qui rend visible cet invisible qu’est le paysage souterrain de l’ancienne région minière d’Esch/Alzette.


Parcours possible déjà ce jeudi 16 mai, mais en sens inverse, avec départ du Bridderhaus à 16.00h, pour terminer à la Konschthal vers 18.00h.



En tout cas, en avant-première, zoom sur la façon dont Serge Ecker réactive ce qui a été son terrain de jeu d’enfance et qui, aujourd’hui, est le point d’ancrage d’un travail artistique engagé dans la trace, la mémoire industrielle et sa transposition/retranscription en une installation sculpturale.


Dans le réseau des mines qui quadrille le sous-sol des anciennes usines de «notre» Sud, il existe un tunnel, de près de 2 km, qui relie sous nos pieds Rumelange à Esch, d’abord dévolu au «grand marchandage» puis au transport des données de télécommunication. C’est ce tunnel, oublié, sauf pour les chauves-souris, que Serge a arpenté, en mode Urbex, et dont il a capturé/métré la réalité en 3D à l’aide d’un scanner laser portatif.


Pour la monstration de sa (re)découverte, pas de film – du moins, pas encore – mais une mise en espace du fruit de longues recherches en archives (souvent tenues secrètes), la conversion d’une patiente collecte de multiples données et mesures cadastrales et topographiques… en volumes, grâce à l’impression 3D, technologie disruptive quant à son pouvoir de bouleverser la façon de produire.


Passages, œuvre qui brouille les temps, les usages et les savoirs, se donne à voir au Bridderhaus, dans une petite salle aux allures de chapelle, partiellement occultée, en tout cas faiblement éclairée par une vieille lampe à chapeau de fer, rescapée de l’environnement mineur – un recyclage cher à l’artiste Ecker, typique du DKollektiv, groupe artisan de la rénovation et reconversion des espaces vestiaires et wagonnage de l’ancienne usine de Dudelange en espace de création.


Concrètement, sous la lampe, et son câble distendu, flageolant, un zigzag de traits noirs, autant de barrettes funambules en plastique, sorte de serpentin – de 6 mètres insufflant une autre/nouvelle vie au tunnel en visualisant à l’échelle 1 :333 son tracé et ses dénivelés (visuel ci-dessus).


L’installation comprend également un socle noir sur lequel flotte/lévite un espace symbolisant le tunnel, pris en sandwich entre deux plans – l’un, translucide, détaillant le cadastre souterrain et le second, opalescent, représentant le relief du terrain environnant , deux plans qui font cohabiter deux dimensions, l’invisible et le visible d’une même réalité.


Surtout, résultant d’un bagage grosso modo scientifique, Passages, installation épurée, aussi graphique qu’atmosphérique, réussit l’irruption d’une dose d’inattendu, voire de magie. 


D’autant que ce tunnel, conçu comme une expérience spatio-temporelle, aussi documentaire que technologique, relève du patrimoine. Un patrimoine fragilisé, en péril, menacé par de possibles effondrements futurs de galeries et routes. Une vulnérabilité que Serge Ecker matérialise en même temps qu’il la défie en une sculpture dont l’une des vocations est la transmission, l’émotion aussi.



A Strassen, le Centre culturel Paul Barblé accueille la 12e édition de sa Biennale d'art contemporain jusqu’au 26 mai, tributaire cette année d’un thème, à savoir: la durabilité.


Aux cimaises, une sélection de 90 œuvres de 30 artistes brassant une gamme diversifiée de techniques, peintures, sculptures, photographies, textiles, céramiques, collages et assemblages.


Je vous réserve ma visite tout prochainement, mais au cas où ça vous aurait échappé, la biennale est un concours et les lauréats désormais connus: alors que Tania Kremer-Sossong décroche le 1er prix (visuel ci-dessus, oeuvre Gonkie Wiss, technique mixte, 40x60cm), un prix d’encouragement jeune est attribué à Daniel Mac Lloyd, et c’est à Jip Josée Feltes qu’échoit le Prix spécial du jury.

Entrée libre tous les jours de 10.00 à 20.00h, infos: www.biennale.lu


Terminus à Luxembourg-Ville, arrêts peinture(s).



Photo

A la Valerius Gallery, Bëscher, ne boudez pas l’expo solo de Fernand Roda, artiste luxembourgeois (né en 1951) vivant à Düsseldorf, ancien élève de Joseph Beuys, réputé pour traduire l’essence de la nature, l’esprit des arbres en l’occurrence (visuel ci-dessus), ce, en formats abstraits, souvent très grands, en tout cas fabuleusement lumineux, où, par effet de distorsion, l’irradiante palette des couleurs atteint l’indicible, une communion avec un absolu poétique. C’est une ivresse à chaque fois renouvelée, une totale capture du regard et des sens.


Mon bémol, c’est l’accrochage, un peu hâtif/hâté, auquel, peu ou prou, manque… un esprit. On affûte sa curiosité jusqu’au 1er juin, du mardi au dimanche, de 10.00 à 18.00h, infos: ww.valeriusgallery.com



A la Reuter Bausch Art Gallery (14 rue Notre-Dame), aussi jusqu’au 1er juin, expo solo de Simon Demeuter, peintre belge (né en 1991) qui débarque avec le paysage de son enfance. Point de fleurs, ni de maisons ni de verdure, mais des charbonnages, ceux du Hainaut, vus non par les terrils mais à travers les visages de ceux qui ont travaillé la terre noire. L’expo, pour la cause intitulée Charbon, leur rend hommage, sous la forme d’une galerie de portraits en pied, aux traits simplifiés à l’extrême – juste une fente pour dire les yeux, la bouche, la moustache, la cigarette ou la pipe –- mais noyés dans des aplats de couleurs vives sur un fond bleu profond (visuel ci-dessus).


C’est clair, toute l’esthétique de Simon s’appuie sur la couleur, c’est elle qui éclaire les personnages (comme la lampe au fond des galeries), qui induit l’immédiateté, fait naitre les formes et surtout l’émotion magnifiant «les corps doux et robustes» de cette communauté de mineurs, souvent des immigrants, venus en Belgique en quête d’une vie meilleure. Une communauté laborieuse – toujours casquée, en tout cas, coiffée d’un galure indéterminé –, incroyablement belle de simplicité. D’authenticité.


A découvrir sans modération du mardi au samedi, de 11.00 à 18.00h, infos: reuterbausch.lu

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